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La considération de l’identité intersectionnelle de la victime

PARTIE III – L’EXIGENCE D’EFFECTIVITÉ À LA LUMIÈRE DE L’APPROCHE

A. La considération de l’identité intersectionnelle de la victime

La détermination du sens de la norme antidiscriminatoire québécoise, par la pratique judiciaire, s’inscrit généralement dans un cas d’espèce : une personne se considère victime d’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur un motif, et ce, dans l’exercice d’autres droits garantis. La compréhension de l’expérience vécue se révèle comme arrière-plan nécessaire à la détermination du sens de la norme. En effet, nous proposons que l’exigence d’effectivité inhérente à la norme pose comme condition la reconnaissance de l’expérience vécue de la victime alléguée dans une perspective de respect de la dignité personnelle (i). Pourtant, cette détermination par la pratique judiciaire implique l’objectivation essentialiste de l’expérience, limitant la réception de la complexité de la « réalité » vécue par le droit. La prise en compte de l’identité intersectionnelle de la victime permettrait en certains points son élargissement (ii).

i. La reconnaissance de la dignité de la victime : une condition de la Charte

québécoise pour appréhender l’expérience subjective vécue

La pleine réalisation de l’exigence d’effectivité dans la prise en compte de la « réalité » microsociale doit être étudiée à la lumière de la dignité, comme principe, valeur et droit auquel la norme discriminatoire se rattache. Nous estimons que l’exigence de respect de la dignité dans la prise en compte de l’effectivité microsociale implique une reconnaissance de l’expérience vécue comme étant irréductible et complexe. Il ne s’agit toutefois pas d’ajouter un fardeau de prouver l’atteinte à la dignité, ni de l’inclure comme critère de détermination d’un acte discriminatoire.

La dignité est une notion polysémique et indéterminée qui, selon Christian Brunelle, se révèle sous trois sens. Le premier réfère au statut social, souvent rattaché à une fonction ou rang social auquel est rattaché un certain prestige524. La personne peut la perdre ou l’acquérir de façon

524 Christian Brunelle, « La dignité dans la Charte des droits et libertés de la personne : de l’ubiquité à l’ambiguïté d’une notion fondamentale » (2006) 66:5 R du B 143 à la p 148.

variable au cours de sa vie. Le second sens est celui de la dignité personnelle525. Dans sa

dimension morale, elle réfère aux vertus d’une personne qui observe un comportement qualifiable de digne. Dans sa dimension corporelle, elle se manifeste dans le contrôle de l’individu sur son corps et son image. Cette dignité personnelle se retrouvera ainsi chez tous les individus, sans distinction de rang social ou de fonction sociale. Le troisième sens de la dignité représente son caractère fondamental et universaliste :

« Ainsi entendue, la dignité n’est pas tant acquise qu’innée, voire « ontologique ». La seule appartenance d’une personne au genre humain suffit alors pour lui conférer une dignité, sans égard aux agissements qu’elle pose ou aux actes qu’elle subit, « indépendamment de tout ce qui extérieurement et intérieurement peut l’avilir, l’humilier, ou la détruire ». En ce sens, toute personne humaine est également digne. »526

La dignité est conséquemment inhérente à la personne humaine et constituerait « le fondement ultime des droits et libertés de la personne »527. Dans son sens universel, la dignité n’est pas

octroyée, mais elle est reconnue chez tous les humains, en toute égalité et sans considération des catégorisations528.

La Charte québécoise, dans son préambule, rappelle cette conception universaliste de la dignité comme fondement aux droits et libertés. Celui-ci énonce que « tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques », puis établit le principe selon lequel « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité ». Que la dignité soit une valeur ou un principe sous-jacent, elle constitue certainement un fondement transcendant la Charte québécoise529.

« Le préambule constitue en cela un « guide » susceptible de produire « d’importants effets juridiques » non seulement en facilitant l’interprétation des « termes ambigus » de la Charte québécoise mais en favorisant l’observance des « principes

525 Ibid à la p 149. 526 Ibid à la p 150. 527 Ibid à la p 152.

528 Isabelle Martin, « Reconnaissance, respect et sollicitude : vers une analyse intégrée des exigences de la dignité humaine » (2010) 15:2 Lex Electronica.

529 St-Ferdinand, supra note 66; Transport en commun La Québécoise inc, supra note 118 au para 31; Martin, supra note 528 à la p 5; Brunelle, supra note 524 à la p 154.

fondamentaux qui sont à la source même des dispositions substantielles » du texte quasi constitutionnel. »530

Le respect et la reconnaissance de la dignité est un principe sous-tendant les droits et libertés, dont le droit à l’égalité531. Il est essentiel de distinguer cette conception de la dignité en vertu de

la Charte québécoise des développements suivant l’arrêt Law en vertu de la Charte

canadienne532.

La sauvegarde de sa dignité est également un droit à part entière en ce qu’il est protégé par l’article 4 de la Charte québécoise. La Charte québécoise ne confère pas de droit à la dignité puisqu’elle existe déjà chez chaque être humain selon une conception universaliste. Il s’agit plutôt d’un droit à sa sauvegarde, notamment par sa reconnaissance et son respect. Conformément à l’article 10 de la Charte québécoise, toute personne a droit de jouir de la sauvegarde de sa dignité sans distinction fondée sur un motif interdit.

À titre d’exemple, dans les cas de propos discriminatoire, les plaignants soulèvent la violation des articles 4 et 10 de la Charte québécoise533. Eu égard aux droits dont l’exercice est compromis

en vertu de l’article 10, il est fréquent que les demandeurs soumettent l’atteinte à la dignité au surplus de la violation d’un autre droit plus « tangible » tel que l’accès à un lieu accessible au public ou l’embauche sans discrimination534. En outre, la distinction, exclusion ou préférence

fondée sur un motif interdit a parfois été considérée comme constituant en soi une atteinte à la

530 Brunelle, supra note 524 à la p 155.

531 Commission des droits de la personne c Centre d’accueil Villa Plaisance, [1995] 1995 CanLII 2814 ((QC TDP)) [Centre d’accueil Villa Plaisance]; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Giannias, 2011 QCTDP 20 au para 25; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Poulin, [2001] 2001 CanLII 90 au para 32; Brunelle, supra note 524 à la p 155.

532 Voir Proulx, supra note 184.

533 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Giannias, supra note 531; Commission des

droits de la personne et des droits de la jeunesse c Québec (Procureure générale) (Ministère de la Sécurité publique), 2015 QCTDP 20 [Québec (P.G.)(Ministère de la Sécurité publique)].

534 Voir tableau Annexe I, les droits et libertés fondamentaux, notamment la dignité sont presque systématiquement invoqués, peu importe le motif.

dignité de la personne535. L’atteinte à la dignité est ainsi au cœur de la détermination des effets de

la distinction dans plusieurs plaintes de discrimination.

Par conséquent, la dignité présente une dimension subjective appelant à la prise en compte de l’expérience vécue dans la détermination du sens de la norme antidiscriminatoire québécoise. Malgré la conception universaliste de la Charte québécoise, nous estimons que le sens de la dignité dans sa dimension personnelle doit être considéré. Nous sommes en accord avec le constat d’Isabelle Martin selon lequel la simple reconnaissance de la dignité universelle pose le risque de ne pas reconnaître l’expérience individuelle vécue536. Elle soulève l’importance d’y

inclure la reconnaissance de la dignité personnelle dans toute sa complexité et ses aspects537 :

« La dignité humaine implique à la fois reconnaissance de la grandeur intrinsèque de l’être humain, respect de son autonomie morale et sollicitude envers sa vulnérabilité. Le caractère indéterminé de la dignité humaine prévient qu’on la retrouve enfermée dans une compréhension fixée, ce qui sied à l’essence indéfinissable de l’être humain. L’usage juridique de la dignité humaine se doit d’être comme l’humain, à la fois insaisissable et ancré dans la réalité. »538

La sauvegarde de la dignité, comme droit garanti ou comme principe sous-jacent à l’égalité, doit être déterminée par la prise en compte de l’expérience vécue par la victime de discrimination. Pourtant, malgré l’exigence de prise en compte de l’expérience subjective vécue inhérente à la détermination d’une atteinte à la dignité, il apparait que celle-ci se heurte à l’objectivation et l’essentialisme, niant ainsi la complexité et l’irréductibilité. La compréhension de l’identité intersectionnelle permettrait d’élargir la réception de l’expérience personnelle en rejetant l’essentialisme et la hiérarchisation des facteurs et d’ainsi maximiser la réalisation de l’exigence vers la protection de la dignité.

535 Brunelle, supra note 524 à la p 158. 536 Martin, supra note 528 à la p 22. 537 Ibid.

ii. La prise en compte de l’identité intersectionnelle

Les critères de détermination d’un acte discriminatoire sont spécifiquement rattachés à la victime sous deux aspects : l’étude du lien entre le motif et la distinction, exclusion ou préférence et la considération des effets préjudiciables résultant de ce geste d’exclusion. Saisir l’identité intersectionnelle de la victime de discrimination s’avère une entreprise complexe en ce qu’elle nécessite de se questionner sur des facteurs identitaires qui ne sont pas toujours flagrants et dont l’impact sur l’expérience n’est pas nécessairement explicite. Il demeure qu’il s’agit d’une façon d’amplifier la réalisation de l’exigence d’effectivité si cette prise en compte satisfait mieux la condition du respect de la dignité dans le passage de l’effectivité sociale au droit. Une telle approche intersectionnelle de l’expérience vécue serait mobilisable à deux moments de la détermination du sens de la norme antidiscriminatoire que nous avons soulevé comme étant limités par l’essentialisme et l’objectivation : aux fins de l’évaluation du lien (a) et de l’interprétation de l’effet préjudiciable sur la jouissance d’un droit (b).

a. Les facteurs multiples dans l’évaluation du lien entre la distinction et le motif

Dans un premier temps, la hiérarchisation des multiples facteurs d’un geste discriminatoire à l’égard d’une victime renforce la conception essentialiste de son expérience et en nie la complexité. La détermination de la discrimination exige de discerner un lien entre le motif interdit et la distinction, exclusion ou préférence, lien qui peut difficilement être isolable de l’ensemble des facteurs identitaires de la personne visée par la distinction.

Ce lien doit d’abord être distingué du lien entre la décision ou le geste en soi et le motif. À cet effet, Alexis Aubry affirme que :

« il serait erroné de soutenir qu’il s’agit de deux liens équivalents, utilisés de manière interchangeable et n’ayant en réalité aucune incidence concrète sur le fardeau de preuve. À cet égard, l’exigence d’un lien entre la décision d’exclure et le motif prohibé se situe en rapport avec l’intention du décideur. Il s’agit alors de prouver que ce dernier a fondé sa décision sur l’origine ethnique du plaignant, par exemple. Quant

à l’exigence d’un lien entre ce motif et l’exclusion subie, elle se situe plutôt en rapport avec les effets préjudiciables. »539

Cette distinction est importante pour assurer de ne pas ajouter un fardeau de prouver l’intention en exigeant d’établir un lien entre la décision et le motif. Le rejet de ce fardeau a été reconnu par la pratique judiciaire depuis la décision O’Malley540. L’emphase doit ainsi être placée sur le lien

qui est l’un des facteurs dont découle l’effet de compromission d’un droit ou une liberté.

C’est dans l’arrêt Bombardier que la Cour suprême a récemment eu l’opportunité d’éclairer la notion de lien au sens des critères de détermination de la discrimination. Elle a affirmé que le lien entre l’exclusion et le motif doit être distingué du lien causal en matière de responsabilité civile :

« Or, les actions en matière de discrimination fondée sur la [Charte

québécoise] n’exigent pas un rapport étroit. Conclure autrement reviendrait à faire

abstraction du fait que, comme les actes d’un défendeur peuvent s’expliquer par une multitude de raisons, la preuve d’un tel rapport pourrait imposer un fardeau trop exigeant au demandeur. Certaines de ces raisons peuvent bien sûr justifier les actes du défendeur, mais c’est à ce dernier qu’il appartient d’en faire la preuve. En conséquence, il n’est ni approprié ni juste d’utiliser l’expression « lien causal » en matière de discrimination. »541

Il est admis que le motif n’a pas à être le facteur déterminant de la distinction. En ce sens, la distinction peut découler de plusieurs facteurs qui ne correspondent pas nécessairement tous à des motifs définis par la Charte québécoise.

Dans l’arrêt Bombardier, la Cour suprême a affirmé que la preuve du lien entre la décision des autorités américaines et un motif permettait de déterminer l’acte discriminatoire. Elle a toutefois conclut qu’en l’occurrence la preuve circonstancielle présentée par la CDPDJ n’était pas suffisante pour démontrer que l’origine ethnique ou nationale avait joué un rôle dans

539 Alexis Aubry, « CDPDJ c Bombardier inc : réflexion sur le lien requis entre la différence de traitement et le motif illicite de discrimination » (2014) 44:2 RGD 505 à la p 512.

540 O’Malley, supra note 88; Andrews, supra note 123 à la p 173; Ville de Montréal et Ville de Boisbriand, supra note 84 au para 35; Bombardier (CSC), supra note 89 au para 40.

la décision défavorable542. Elle précise que l’ensemble de la preuve ne permettait pas de déceler

les raisons ayant mené au refus :

[83] Étonnamment, la seule preuve directe portant sur les motifs de la décision du DOJ provient du témoignage de M. Latif lui-même. En effet, au dire de ce dernier, l’approbation de sécurité lui a été refusée en raison d’une erreur d’identité, ce que lui aurait confirmé au téléphone une agente de la TSA. Bombardier plaide que c’est l’erreur d’identité, et non l’origine ethnique ou nationale de M. Latif, qui explique le refus des autorités américaines. Le Tribunal a toutefois rejeté cette hypothèse, ajoutant que, même si une telle erreur était à l’origine de la décision du DOJ, selon la prépondérance des probabilités elle découlait de l’application de programmes discriminatoires et de profilage racial, puisque les processus de vérification de sécurité peuvent entraîner des résultats qualifiés de « faux positifs ».

[84] Force est donc de constater que la Commission n’a pas réussi à convaincre le Tribunal de l’existence d’une preuve directe du motif véritable de la décision américaine. Ainsi, pour être raisonnablement justifié de conclure qu’il y avait eu discrimination à l’endroit de M. Latif, le Tribunal devait pouvoir s’appuyer sur des éléments de preuve circonstancielle. À notre avis, cette preuve est insuffisante en l’espèce.543

[Nos soulignés] L’ambiguïté est ainsi maintenue puisque la preuve directe du motif véritable semble exiger une démonstration, au regard des faits et valeurs, qui se rapporte clairement à un motif de discrimination. En l’espèce, la Cour suprême rejette la preuve circonstancielle considérée par le TDPQ qui se rapporte aux programmes discriminatoires et au profilage racial, soit au contexte macrosocial dans lequel l’exclusion a été réalisée. Dans un contexte d’interaction indivisible entre divers facteurs, dont certains ne correspondent pas à des motifs interdits, il pourrait devenir difficile de faire une telle preuve directe et claire, qui pourrait s’apparenter à une preuve d’intention. En outre, l’interprétation juridique consacrée théoriquement par la Cour suprême du lien n’apparaît pas comme exigeant cette démonstration, surtout dans le cadre d’une discrimination indirecte comme dans l’affaire Bombardier544. Cet arrêt n’a donc pas apporté un

542 Ibid au para 81. 543 Ibid au para 83 et 84.

éclairage approfondi sur la notion de lien et la façon de l’établir : si elle reconnaît les multiples facteurs aux fins de réception du contexte subjectif de discrimination, elle exige une démonstration objective des faits et valeurs soutenant la distinction en lien clair avec le motif.

La reconnaissance des multiples facteurs vise plutôt à écarter la justification de la distinction sur un autre facteur lorsque celle-ci est également fondée sur un motif interdit. Son potentiel pour appréhender la complexité de l’expérience par la prise en compte de l’interaction de divers facteurs et motifs reconnus n’est pas exploité. Il s’agit surtout d’une façon d’alléger le fardeau de preuve de la victime. Celle-ci n’a pas à expliquer toute la complexité du lien dès qu’elle est en mesure de démontrer le fondement sur un motif interdit. Stratégiquement, toutes les énergies de la démonstration se concentrent sur cette preuve, et ce, peu importe la « réalité » de l’expérience vécue. Par ailleurs, il s’agit d’une façon d’éviter à la victime de devoir déconstruire toute justification de la défense de l’auteur. L’auteur ne peut invoquer comme moyen de défense qu’il y avait d’autres facteurs de décisions qui n’étaient pas discriminatoires au sens de la norme, évitant ainsi à la victime de devoir démontrer que le motif avait un poids prépondérant dans la distinction ou que les autres facteurs invoqués ne sont pas pertinents.

Au final, la seule exigence par la pratique judiciaire est de démontrer le fondement sur l’un des motifs. La conception moniste et essentialiste est ainsi suffisante au raisonnement, la réception juridique des facteurs multiples excluant ceux qui ne sont pas reconnus comme interdits ou qui sont considérés comme subordonnés au motif interdit. Même s’ils sont identifiés, ils ne sont pas mobilisés dans la détermination du lien, puis, de l’effet de l’acte.

Pourtant, l’expérience vécue de discrimination est difficilement isolable des interactions entre divers facteurs et motifs formant l’identité de la personne opprimée selon une approche intersectionnelle. Le respect de sa dignité exigerait ainsi de reconnaître la complexité de son expérience vécue, en dressant un portrait adéquat des intersections subjectivement déterminées au moment de la discrimination. La pratique judiciaire n’a jamais rejeté l’idée que plusieurs facteurs pouvaient être pris en considération dans l’explication du lien entre la distinction et le motif puisque ce dernier n’a pas à être déterminant dans la décision ou le geste. Néanmoins, il est

obligatoire de faire ce lien avec un motif interdit en vertu de la Charte québécoise. Les autres facteurs analysés devront ainsi permettre d’expliquer ce lien entre la distinction et le motif pour être inclus au raisonnement sans nier l’irréductibilité et la complexité de l’expérience vécue.

b. La détermination des effets préjudiciables dans l’exercice des droits et libertés selon le motif invoqué

Dans un second temps, les faits relatifs à l’atteinte aux droits de la victime sont également objectivés. La considération de l’effet préjudiciable au sens dela norme québécoise se réalise par l’application du critère de détermination de l’acte discriminatoire : « Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit »545. En effet, l’article 10 de la Charte québécoise ne peut être invoqué seul ; il doit être

juxtaposé à un autre droit compromis par le traitement discriminatoire. Le contexte spécifique de l’acte discriminatoire doit donc être étudié à la lumière de l’effet sur un droit de la personne, intrinsèquement lié à l’expérience individuelle.

La première forme d’objectivation que nous soulevons résulte de l’assimilation de l’expérience subjective vécue à une expérience universelle automatiquement prédéterminée par le motif invoqué. Effectivement, l’expérience de la victime n’est pas questionnée de façon subjective dans l’analyse de la discrimination. Elle est considérée correspondante à celle du groupe « dominé » dans la catégorie dite objective et neutre qu’est le motif interdit.

La seconde forme d’objectivation est liée à la nature des droits et libertés dont l’exercice est invoqué comme étant détruit ou compromis. Il apparaît que le contexte dans lequel l’acte discriminatoire est réalisé est appréhendé selon un sens commun objectif selon la nature des droits invoqués. À titre d’exemple, l’annexe I présente un tableau recensant les motifs invoqués et la nature des droits compromis selon les données des bilans d’activités du TDPQ, de 2010 à 2014. Il est utile de noter que le TDPQ a regroupé les motifs de race, couleur et origine ethnique