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LA CONCURRENCE AU POUVOIR D'INTERPRETATION

Dans le document La Chambre criminelle et la QPC (Page 68-79)

La question du contrôle de l'interprétation donnée par les juridictions de droit commun a rapidement émergé lors des débats parlementaires et, par la suite, dans le dialogue entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. D'aucuns ont d'ailleurs affirmé que l'instauration de la QPC allait faire du Conseil l'interprète authentique de la loi. Ce n'était pas l'avis de la chambre criminelle, qui a tenu à défendre son pouvoir d'interprétation en refusant dans un premier temps de renvoyer les QPC relatives à sa jurisprudence. Si sa position s'est depuis équilibrée, il reste que les solutions adoptées par les deux juridictions apparaissent difficilement conciliables.

Ainsi le Conseil s'est-il estimé compétent pour émettre des réserves d'interprétation, limitant le pouvoir d'interprétation de la chambre criminelle (Section I). D'autre part, la chambre, après avoir strictement refusé un quelconque contrôle de son interprétation, a appliqué la doctrine du droit vivant et accepté de contrôler elle-même la conformité de son interprétation à la Constitution. (Section II)

SECTION I. Les réserves d'interprétation

La technique des réserves d'interprétation a été développée par le Conseil à l'occasion de son contrôle a priori157, puis transposée à la procédure QPC. Cette question nous ramène à celle de l'autorité des décisions du Conseil. Comme nous l'avons rappelé dans notre premier chapitre, les décisions du Conseil constitutionnel sont revêtues de l'autorité de la chose jugée, mais aussi par l'effet d'une jurisprudence constante, de l'autorité de la chose interprétée. Notons par ailleurs qu'un amendement tendant à ce que le champ de l'autorité de la chose jugée soit limité au seul dispositif de la décision, a été déposé par Monsieur Daniel Garrigue devant l'Assemblée nationale158 :

157 V. not. C. cons., 30 janvier 1968, n°68-35 DC : « La loi relative aux évaluations servant de base à certains

impôts directs locaux, soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, conformément à l'article 61 de la Constitution, est déclarée conforme à celle-ci, pour autant que les dispositions de l'article 22 de ladite loi tendant à ce qu'aucune mesure d'ordre réglementaire ne puisse entraîner une réduction des ressources fiscales, s'appliquent limitativement à celles prévues dans le texte de ladite loi. » ; C. cons., 11 octobre 1984,

n°84-181 DC, : « Sous les strictes réserves d'interprétation énoncées plus haut, les autres articles de la loi

ne sont pas contraires à la Constitution. » ; C. cons., 27 juillet 2006, n°2006-540

158 Amendement n°141, Article additionnel après l'article 27, loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République n°820, [Rejeté] : « Le début de la dernière phrase du dernier alinéa de

Il convient en effet de rappeler que le Conseil, très fréquemment, développe des interprétations neutralisantes, qui, pour faire la joie des juristes, mais rarement celle des administrations censées les mettre en œuvre, correspondent à une vision de l’application du texte souvent contraire aux travaux préparatoires. Or, le sens du débat parlementaire ne peut être ignoré : c’est lui, et non l’interprétation du Conseil, qui doit servir à appliquer la loi. Il est d’ailleurs assez fréquent que le Conseil ne précise pas sur quelle norme constitutionnelle est centrée son interprétation, qui repose souvent sur des motifs aléatoires ou imprécis. Il faut donc résoudre cet aléa et respecter le sens des travaux préparatoires.159

S'il a été rejeté par les parlementaires, il démontre toutefois la vivacité du débat relatif au contrôle de l'interprétation à l'occasion du contrôle des lois a posteriori.

Sans limite textuelle, le Conseil a naturellement repris la solution qu'il avait adoptée en matière de contrôle a priori pour la QPC160 . Ainsi, sur les 83 décisions rendues par le Conseil en matière pénale, 16 ont prévu une réserve d'interprétation – classique ou transitoire. Monsieur Daniel Garrigue nous dira sans doute que c'est déjà trop. C'est également l'avis de Monsieur le Professeur Thierry Fossier qui a affirmé que « le Conseil doit éviter par

conséquent d’intervenir, par voie de réserves, sur l’oeuvre d’interprétation des juges supérieurs de chaque ordre ».

En effet, le propre de la réserve est de neutraliser les interprétations du juge de droit commun qui pourraient être contraires à la Constitution. Si cet usage s'inscrit bien dans une optique de garantie des principes constitutionnels, les réserves d'interprétation étendent la compétence du Conseil à l'interprétation de la loi, ce qui peut apparaître contestable. L'utilisation courante des réserves soulève en effet plusieurs interrogations.

En premier lieu, cette pratique remet en question le pouvoir d'interprétation de la Cour de cassation. En sa qualité de juridiction suprême de l'ordre judiciaire, celle-ci est compétente pour unifier la jurisprudence sur tout le territoire, c'est-à-dire garantir une interprétation uniforme des lois françaises. Ainsi le Code de l'organisation judiciaire affirme-t-il : « Il y a, pour toute la République une Cour de cassation ». Une telle prérogative octroyée au Conseil remet ainsi nécessairement en cause le pouvoir traditionnel de la chambre. Madame le Professeur Agnès Roblot-Troizier a analysé ce pouvoir comme une mainmise sur la

l'article 62 de la Constitution est ainsi rédigé : Leur dispositif s'impose aux … (le reste sans changement) »

159 Exposé sommaire de l'amendement n°141, Article additionnel après l'article 27, loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République n°820, [Rejeté]

160 A l'occasion d'une QPC en matière civile : C. cons., 18 juin 2010, n°2010-8 QPC, Faute inexcusable de

jurisprudence judiciaire 161:

Le pouvoir d'interprétation de la loi du Conseil constitutionnel implique qu'il dispose d'un droit de regard, si ce n'est une mainmise, sur la jurisprudence des juridictions suprêmes. Cette emprise apparaît à chaque fois qu'il décide d'assortir sa déclaration de constitutionnalité d'une réserve d'interprétation.

En second lieu, si l'on conçoit l'usage de réserves à l'occasion du contrôle a priori – dès lors que la disposition en cause n'a pas encore fait l'objet d'une interprétation par la Cour de cassation – la justification est plus délicate en matière de QPC. Par définition, la procédure QPC s'applique à des dispositions législatives déjà entrées en vigueur et appliquées par le juge judiciaire. Il est donc courant que la disposition en cause fasse déjà l'objet d'une interprétation constante par la juridiction suprême. Dès lors, le risque est que la réserve émise par le Conseil ne vienne pas seulement prévenir une potentielle interprétation non conforme, mais contredise une interprétation déjà adoptée. C'est exactement la crainte qu'a exprimée Monsieur le Professeur Jean-Baptiste Perrier : « Accepter de soumettre sa jurisprudence au contrôle du Conseil constitutionnel était une chose. Accepter de modifier sa jurisprudence suite au contrôle du Conseil en est une autre... ».162

Il semblerait cependant que la chambre criminelle se soumette aux réserves émises par le Conseil dans le cadre d'une QPC. Ainsi a-t-elle modifié sa jurisprudence après que le Conseil a considéré, en matière de responsabilité pénale du producteur d'un site de communication en ligne que163 :

(Les dispositions de l'article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982) ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance du principe de présomption d’innocence, être interprétées comme permettant que le créateur ou l’animateur d’un site de publication au public en ligne, mettant à disposition du public, des messages adressés par les internautes, voit sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur, à raison du seul contenu d’un message dont il n’avait pas connaissance avant la mise en ligne. Sous cette réserve, les dispositions de l’article 93-3 ne sont pas contraires à l’article 9 de la DDHC

Elle estimait en effet que l'alinéa 2 de l'article 93-3 qui dispose que « A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal » de l'infraction de presse commise, entraînait une responsabilité de plein droit de producteur qui n'était pas subordonnée à une condition de connaissance préalable du message en cause, mais 161 A. Roblot-Troizier, « La QPC, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation », Nouveaux Cahiers du Conseil

constitutionnel n° 40 (Dossier : Le Conseil constitutionnel : trois ans de QPC) - juin 2013

162 J.-B. Perrier, « Le contrôle de l'interprétation des dispositions législatives : épilogue et retour au dialogue ? », Procédures n°7, juillet 2011, alerte 37

s'attachait simplement à sa qualité de producteur.

A la suite de la décision du Conseil constitutionnel, la chambre a procédé à un revirement de jurisprudence par lequel elle a repris la réserve d'interprétation émise et réécrit le texte d'incrimination164 :

Il s’évince de l’article 93-3 al.2 que la responsabilité pénale du producteur d’un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, n’est engagée à raison du contenu de ces messages, que s’il est établi qu’il en avait connaissance avant leur mise en ligne, ou que dans le cas contraire, il s’est abstenu d’agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance.

Il apparaît que la chambre criminelle s'est pliée à la décision Conseil, alors même que celle-ci mettait en cause sa jurisprudence constante. Il convient cependant de remarquer que la chambre criminelle avait préalablement accepté de renvoyer la QPC contestant l'article 93-3 en considérant que :

L'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 fait peser sur le producteur, et ce à défaut du directeur de la publication et de l'auteur du message, une responsabilité comme auteur principal, sans que soient définis les moyens pour lui de la voir écarter par le juge ; qu'en outre, le même article réserve un sort différent au directeur de la publication et au producteur ; qu'il peut être ainsi porté atteinte aux principes du respect de la présomption d'innocence et d'égalité, garantis par les articles 9 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

En l'espèce, ce n'était donc pas l'interprétation de la chambre criminelle qui faisait l'objet d'une contestation mais bien le texte de loi. Il apparaissait donc logique que la chambre se soumette à la réserve émise par le Conseil.

Ce qui est plus étonnant, c'est le choix d'une réserve d'interprétation par le Conseil constitutionnel. Il aurait été raisonnable qu'il déclare purement et simplement la disposition contraire à la Constitution, et qu'il laisse au législateur le soin de modifier sa rédaction. Ce choix semble encore renforcer l'idée selon laquelle le législateur est évincé de la procédure d'édiction de normes. L'on voit en effet s'installer un dialogue entre chambre criminelle et Conseil constitutionnel dans lequel le Conseil est maître de la décision.

Ainsi le Conseil a-t-il fait le choix d'avoir recours à des réserves d'interprétation pour garantir une application de la loi respectueuse des principes constitutionnels. Ce faisant, la chambre criminelle, en appliquant la doctrine du droit vivant, a considéré qu'elle était compétente pour contrôler sa propre interprétation des lois.

SECTION II. Le contrôle de l'interprétation

Nous avons étudié dans notre première partie la position initiale de la chambre en matière de contrôle de l'interprétation. Pendant les premiers mois après l'entrée en vigueur de la réforme, celle-ci considérait en effet que la procédure QPC n'était pas applicable à une interprétation constante. Elle refusait ainsi de renvoyer toutes les QPC qui contestaient sa jurisprudence.

Cependant, les critiques qui ont été formulées par la doctrine et les parlementaires, ainsi que les deux décisions du Conseil constitutionnel165 par lesquelles ce dernier a rappelé la chambre criminelle à l'ordre, ont eu raison de son entêtement. Dès la fin de l'année 2010, celle-ci a modifié sa solution pour se conformer à l'avis du Conseil constitutionnel qui affirmait « Qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ».

Sa nouvelle position s'est inspirée de la pratique de la Cour constitutionnelle italienne qui a élaboré, dans les années 50, la doctrine du droit vivant. Cette théorie vise à permettre au juge constitutionnel de contrôler les lois telles qu'interprétées par la jurisprudence et de ne les invalider que si aucune interprétation conforme n'est possible. Monsieur Gustavo Zagrebelsky, ancien président de la Cour constitutionnelle italienne, a ainsi affirmé166 :

La doctrine du droit vivant a été élaborée par la Cour constitutionnelle italienne pour répondre à quelques problèmes importants relatifs au contrôle de la constitutionnalité des lois par voie incidente. La signification de l'expression de « droit vivant », selon cette doctrine, est spécifiquement liée au problème de la justice constitutionnelle et doit être comprise à la lumière de ce type de contrôle, qui est a

posteriori et lié génétiquement et fonctionnellement à l'application de la loi par les juges ordinaires,

civils, pénaux et administratifs

La doctrine du droit vivant est donc venue résoudre un conflit entre les juridictions de droit commun et la juridiction constitutionnelle en Italie. Son application en France a eu le même effet, même si certains auteurs ne l'ont pas compris ainsi.

En effet, comme l'a très justement remarqué Monsieur le Professeur Nicolas Maziau, les deux décisions du Conseil constitutionnel des 6 et 14 octobre 2010 se sont largement inspirées 165 Cons. const., 6 octobre 2010, n°2010-139 QPC ; Cons. const., 14 octobre 2010, n°2010-52 QPC

166 G. Zagrebelsky, « La doctrine du droit vivant et la question de constitutionnalité », Constitutions 2010, p. 9 cité par N. Maziau, « Brefs commentaires sur la doctrine du droit vivant dans le cadre du contrôle incident de constitutionnalité – retour sur l'expérience italienne et possibilité d'évolutions en France », D.2011, p.529

de cette doctrine167. Le Conseil a d'ailleurs apporté une explication éclairante de sa jurisprudence, attestant de l'influence de la théorie italienne :

Toute autre solution aurait porté atteinte au rôle des cours suprêmes de l’ordre judiciaire ou administratif et vidé de son sens la réforme de la QPC. Si le Conseil constitutionnel n’avait pas considéré qu’il ne peut examiner une disposition législative qu’à la lumière de l’interprétation donnée par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, il aurait méconnu le rôle régulateur de ces derniers. Il revient en effet à ces deux cours d’interpréter la loi pour en assurer une application uniforme dans le pays. Pour autant, le justiciable peut alors contester la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la disposition législative ainsi interprétée. Le contraire conférerait une impunité constitutionnelle à l’interprétation de la loi, privant la réforme de la QPC d’une partie de sa portée.

Ainsi le Conseil constitutionnel reconnaît-il aux juridictions suprêmes leur pouvoir d'interprétation et entend-il le respecter. Ces décisions sont en effet la consécration du rôle de la jurisprudence comme source du droit. C'est la raison pour laquelle le Conseil a considéré qu'il devait examiner les dispositions contestées telles qu'interprétées par la jurisprudence, tout en laissant aux juridictions suprêmes le soin de choisir l'interprétation qu'elles entendent donner.

A la suite de ces retentissantes décisions, la chambre criminelle s'est timidement dirigée vers l'application de la doctrine du droit vivant. Dès les mois suivants, elle a modifié le fondement de ses refus de renvoyer en affirmant que la question n'était pas sérieuse dès lors qu'aucun principe constitutionnel n'était à l'évidence violé. Ce changement de motifs de non- lieu à renvoi s'est cependant révélé fondamental. En acceptant d'examiner le caractère sérieux des QPC qui lui étaient soumises, elle a admis qu'une disposition telle qu'elle l'interprète pouvait être contraire à la Constitution.

La chambre a par ailleurs accepté de renvoyer une QPC relative à la motivation des arrêts de Cour d'assises sur le fondement du caractère nouveau alors même qu'elle avait précédemment refusé un tel renvoi en affirmant « que la question posée tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d'assises statuant sur l'action publique »168. Ainsi a-t-elle accepté de renvoyer une QPC contestant sa jurisprudence constante, s'alignant dès lors sur la position du Conseil constitutionnel.

167 N. Maziau, « Brefs commentaires sur la doctrine du droit vivant dans le cadre du contrôle incident de constitutionnalité – retour sur l'expérience italienne et possibilité d'évolutions en France », D.2011, p.529 168 Cass. QPC, 19 mai 2010, n°09-87307

Par la suite, la chambre est allée plus loin dans l'application de la théorie italienne en opérant des revirements de jurisprudence à l'occasion de QPC, comme l'avait conseillé Monsieur le Professeur Nicolas Maziau169 :

On peut s’interroger sur le point de savoir si la procédure de QPC et la fonction dévolue au filtre n’impliquent pas nécessairement que la recherche de conformité de la loi avec la Constitution impose, lorsque c’est la jurisprudence constante qui pose problème, que les conséquences en soient tirées immédiatement, dès lors que la question est posée, c’est-à-dire révélée à la Cour. Ainsi, loin d’être un facteur d’insécurité juridique, le revirement effectué à l’occasion d’une QPC peut apparaître comme une technique efficace et rapide pour rétablir une conformité de la loi à la Constitution mise en doute par la critique faite à la jurisprudence. Dans la limite de ses possibilités, le juge agit pour corriger son interprétation de la loi, en même temps qu’il décharge le Conseil constitutionnel de l’instruction d’une question, forcément délicate, bien que légitime à poursuivre

A titre d'exemple, elle a, à l'occasion d'un arrêt QPC du 5 octobre 2011170, opéré un revirement de jurisprudence par rapport à la position qu'elle avait adoptée en 1997 quant à la question de la prise en compte de l'incarcération subie à l'étranger dans le décompte d'une peine d'emprisonnement à exécuter en France. C'est le revirement ainsi opéré qui a servi de fondement à l'absence de caractère sérieux de la QPC posée. Dans cette affaire, le requérant contestait la constitutionnalité de l'article 716-4 du code de procédure pénale en ce qu'il ne visait pas l'incarcération provisoire subie à l'étranger pour des faits ultérieurement jugés en France. C'était en effet la position de la chambre depuis un arrêt du 21 octobre 1997 :

Attendu qu'en rejetant, par les motifs partiellement reproduits au moyen, la requête de l'intéressé qui demandait l'imputation, sur l'exécution de cette peine, de la durée de l'incarcération subie en Suisse, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet aucune disposition légale ou conventionnelle ne permet d'imputer sur l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction nationale, saisie sur dénonciation officielle des faits, pour un crime ou un délit commis par un citoyen français sur le territoire d'un Etat étranger, la durée de l'incarcération subie dans ce pays, soit au titre de la détention provisoire ordonnée pour les mêmes faits par une juridiction dudit Etat, soit en exécution d'une condamnation infligée pour ces faits par une telle juridiction dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, le condamné ne justifie pas que sa peine a été intégralement subie ou qu'elle a été prescrite ;

Elle a cependant conclu à l'absence de caractère sérieux en considérant que cette disposition « n'exclut pas de son domaine d'application la détention provisoire subie à l'étranger pour des faits jugés en France, mais prévoit au contraire, en termes généraux, que quand il y a eu détention provisoire à quelque stade que ce soit de la procédure, cette détention est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée, ce qui inclut l'hypothèse visée par la question ».

169 N. Maziau, « Le revirement de jurisprudence dans la procédure de QPC. Comment la Cour de cassation, dans son interprétation de la loi, s’inspire du Conseil constitutionnel dans son rôle d’interprète de la Constitution », D.2012, p.1833

L'absence de caractère sérieux réside ainsi dans le fait que le revirement permet à la chambre de faire entrer son interprétation en conformité avec la Constitution. Il convient de rapprocher cette solution de la technique de l'interprétation conforme étudiée en première

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