CHAPITRE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
7. Modifications chimiques lors de la fermentation malolactique
7.2. La composition volatile
Suivant la nature des bactéries lactiques impliquées dans la fermentation
malolactique la composition volatile peut être bien différente (Pozo-Bayon M.A.
et al. 2005).
Le lactate d’éthyle est l’ester principalement formé par les bactéries lactiques
du fait de l’accumulation d’acide lactique lors cette fermentation (Nedovic V.A. et
al. 2000; Sumby K.M. et al. 2010). En fonction de l’abondance relative d’autres
alcools, d’autres esters pourront apparaître comme le lactate de propyle et de
butyle (Jarvis B. 2004). Le succinate de diéthyle (butanedioate de diéthyle) est,
de son côté, directement relié à la formation d’acide succinique qui peut
apparaître pendant la fermentation alcoolique ou par l’action des bactéries
lactiques sur des substrats tels que l’acide citrique ou l’acide malique. Comme
présenté dans le Tableau 12, les quantités produites sont faibles et apportent
ainsi une faible contribution au bouquet aromatique du produit.
Tableau 12 : teneurs en lactate d’éthyle et succinate de diéthyle (mg/L) dans un vin à
distiller (
Lilly M. et al. 2000
) et dans un cidre (
Xu Y. et al. 2006
)
Références Conditions de fermentation d’éthyle] [Lactate [Succinate de diéthyle]
S. cerevisiae souche WE228 1,6 1,3
Souche WE228 modifiée 1,5 1,3
S. cerevisiae souche VIN 13 1,6 1,1
Lilly M. et al. 2000
Souche VIN13 modifiée 1,4 1,1
H. valbyensis à 4.106 CFU/mL 1,2 0,1
S. cerevisiae à 4.106 CFU/mL 2,2 0,4
H. valbyensis à 1.102 CFU/mL mL puis S.
cerevisiae à 2.106 CFU/mL 2,0 0,30
S. cerevisiae uniquement 1,5 0,3
H. valbyensis à 2.106 CFU/mL puis S.
cerevisiae (jour 3) 1,0 0,2
H. valbyensis à 2.106 CFU/mL puis S.
cerevisiae (jour 9) 1,0 0,2
Xu Y. et al. 2006
H. valbyensis à 2.106 CFU/mL puis S.
cerevisiae (jour 15) 0,7 0,2
Les bactéries lactiques peuvent posséder une activité estérase susceptible
d’hydrolyser les esters (Matthews A. et al. 2007). Matthews et al. ont démontré
que plusieurs souches appartenant aux genres Oenococcus, Lactobacillus et
Pediococcus possèdent une forte activité sur les esters à courtes chaînes (C2 à
C8) mais qu’elle est plus limitée pour les esters à plus longue chaîne (C10 et
C12). Néanmoins, mise à part Oenococcus Oeni possédant une activité estérase
forte même pour des pH relativement faibles (pH=4 typiquement), ces souches
ont montré des optima d’activité pour des conditions peu rencontrées dans les
cidres à savoir pour des pH relativement élevés (pH=6) et pour des
températures élevées de l’ordre de 30 à 40°C.
L’acétaldéhyde, majoritairement issu d’activité levurienne pendant la
fermentation alcoolique peut être aussi métabolisé par les bactéries lactiques
pour produire de l’éthanol et de l’acide acétique (Osborne J.P. et al. 2000). Ce
dernier mécanisme est totalement indépendant de la fermentation des sucres.
Quand la fermentation alcoolique et la fermentation malolactique sont
concomitantes, l’acétaldéhyde formé par les levures est alors consommé par les
bactéries lactiques.
Le diacétyle (butan-2,3-dione) peut être formé en grande proportion dans
les cidres par les bactéries lactiques. Il peut lui conférer suivant sa concentration
une odeur de « beurre, noisette » virant vers des notes de type « colle scotch »
en cas de présence trop importante. Il trouve son origine dans la transformation
de l’acide pyruvique issu de la métabolisation de l’acide citrique (voir partie
précédente). L’acide pyruvique est transformé en acide -acétolactique ; ce
dernier acide peut subir une décarboxylation qui entraîne la formation soit de
diacétyl ou soit d’acétoïne.
L’acétoïne, qui peut être aussi directement issue de la réduction partielle du
diacétyl, peut enfin être transformée en butan-2,3-diol.
Une synthèse des concentrations en acétoïne et acétaldéhyde reportées dans
la littérature est réalisée en Tableau 13. On peut noter une grande variabilité des
teneurs en ces composés en fonction de la matrice et des souches de
fermentation utilisées. L’acidité est un autre facteur pouvant fortement influencer
leur apparition ou disparition.
Tableau 13 : Concentrations en acétaldéhyde et acétoïne (mg/L) rencontrées dans la
littérature
pour le cidre à distiller (Rodriguez Madrera R. et al. 2010), le cidre naturel espagnol (Suarez Valles
B. et al. 2007) et bouché (Suarez Valles B. et al. 2005) et sur jus de pomme et cidre français (Leguerinel I. et
al. 1989)
Références Informations matrice [acétaldéhyde] [acétoïne]
FA et FML achevées 5,0 5,0
ac. volatile = 1 g/L 0 3,5
(Rodriguez Madrera R. et al. 2010)
ac. volatile = 1,5 g/L 0,7 4,4
Année 2001 3,5 3,5
(Suarez Valles B. et al. 2007) Année 2002 2,5 2
jus de pommes 16,5
(Leguerinel I. et al. 1989) cidre ; [fructose]= 17 g/L 14,0
(Rodriguez Madrera R. et al. 2008) cidre bouché 7,3
(Suarez Valles B. et al. 2005) cidre bouché 40,5 18,2
De manière générale les composés carbonylés sont issus de la
décarboxylation des acides -cétoniques (ou oxo-acides) et de l’oxydation des
alcools. Leur seuil de perception olfactif est généralement bas et la plupart sont
considérés comme apportant des notes aromatiques plutôt désagréables
(Williams A.A. 1974; Herrero M. et al. 2006). Ainsi l’E-hex-2-énal, le
benzaldéhyde ou l’acroléïne apportent des notes d’herbe coupée, d’amande et de
piquant respectivement (Williams A.A. 1974; Ledauphin J. 2003; Valappil Z.A. et
al. 2009).
De nombreuses bactéries lactiques et notamment Oenococcus oeni possèdent
une activité glycosidase qui leur permet de dégrader des précurseurs glycosilés
présents dans le fruit ou dans le bois des cuves, comme certains monoterpènes,
norisoprénoïdes ou phénols volatils (Gagné S. et al. 2010).
Enfin les bactéries lactiques sont reconnues aussi pour leur activité estérase
largement employée dans la production laitière, permettant l’hydrolyse des
mono, di et triacylglycérol. Dans le cas du cidre, c’est la formation des esters
éthyliques, responsables d’arômes floraux, qui est largement mise en avant
comme celle de l’acétate d’éthyle, du lactate d’éthyle, de l’hexanoate d’éthyle et
de l’octanoate d’éthyle (Sumby K.M. et al. 2010). Les souches de bactéries
lactiques n’ayant pas les mêmes capacités, il est clair ici, que la concentration de
ces esters est dépendante des souches présentes.
8. Incidence de la chronologie des deux fermentations sur la
composition du moût
Plusieurs cas de figure sont envisageables lors de la production de cidre. Une
fermentation alcoolique peut être non accompagnée d’une fermentation
malolactique en cas de faible développement de bactéries lactiques lors de
l’élaboration. Dans ce cas, une forte concentration résiduelle de quelques g/L en
acide malique peut être observée et la quantité d’acide lactique peut, à l’inverse,
être relativement faible (de l’ordre de quelques centaines de mg/L) (Laplace J-M.
et al. 1998). La fermentation alcoolique pourra être suivie d’une fermentation
malolactique ; ces deux transformations seront alors séquentielles. Les deux
transformations pourront, à l’inverse, avoir lieu en même temps ; elles seront
alors simultanées. Peu de travaux ont été menés sur l’impact de leur chronologie
dans les cidres. Ils sont un peu plus nombreux dans le domaine vinicole mais
restent relativement sujet à controverses en ce qui concerne l’impact
organoleptique de la chronologie de ces transformations sur la qualité du produit
final (Alexandre H. et al. 2005).
8.1. Fermentations séquentielles
La transformation des sucres en éthanol lors de transformations
séquentielles se fait généralement de manière plus efficace car elle est menée à
son terme sans que l’action des levures ne se trouve inhibée par une présence
trop importante de bactéries lactiques. Cependant lors de la fermentation
alcoolique, une partie de l’acide malique peut être préalablement consommée par
les levures. Selon Herrero et al. (Herrero M. et al. 1999 b) les levures peuvent
avoir déjà métabolisé l’équivalent de 0,65 g.L
-1 avant fermentation malolactique.
A la fin de la fermentation alcoolique le milieu devient pauvre en nutriments
avec une forte proportion d’éthanol. Ces contraintes peuvent être à l’origine du
développement de microorganismes non désirés et résistants à ce type de
conditions au détriment de souches attendues pour réaliser la fermentation
malolactique telles que Oenococcus oeni.
Si la fermentation malolactique a lieu après la fermentation alcoolique l’acide
malique est converti en acide L-lactique mais généralement de façon partielle.
Plusieurs faits peuvent expliquer que cette fermentation ne soit pas totale
comme une transformation d’une partie de l’acide malique en acide succinique
et/ou une oxydation de l’acide lactique en acide acétique qui tend d’ailleurs à
augmenter en cours de FML (Herrero M. et al. 1999 a).
Changement de la composition en acide organiques
Les bactéries lactiques consommant l’acide quinique (quinate) produisent
l’acide dihydroshikimique en même temps que l’acide lactique (lactate) soit
oxydé en acide acétique (acétate) (Herrero M. et al. 1999 a). Cependant, l’acide
acétique est supposé moins produit dans le cas de fermentations contrôlées
(Suarez Valles B. et al. 2005) que pendant des fermentation spontanées.
Modifications de la composition volatile
La teneur finale en esters et en alcools supérieurs semble être relativement
peu différente suivant la chronologie des fermentations (Herrero M. et al. 2006).
Quand la fermentation malolactique a lieu à la suite de la consommation
des sucres, les flaveurs produites semblent être plus intéressante (Jarvis B.
2004) de par la formation d’acide lactique. Par ailleurs, il se peut que la
métabolisation de l’acide lactique puisse engendrer des défauts comme le
diacétyl.
Pendant la maturation, période qui se situe après achèvement de la
fermentation malolactique, l’autolyse des levures fermentatives peut provoquer
la production d’arômes soufrés et diminuer ainsi la teneur en flaveurs (Jarvis B.
2004). D’autres travaux rapportent qu’une chute de la teneur en éthanol peut
être observée en même temps qu’une augmentation de la concentration en
acétaldéhyde ou en esters (Herrero M. et al. 2006).