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Partie 1 - Présentation du sujet

1.2 La chimioembolisation

La chimioembolisation consiste à injecter successivement ou simultanément à travers le cathéter, une solution d‟un agent pharmacologique et un agent d‟embolisation.

Par rapport à l‟administration intraveineuse, l‟idée est de :

1. limiter la circulation systémique et la distribution non spécifique de la molécule pour réduire ses effets indésirables,

2. augmenter la concentration locale et le temps de résidence du médicament dans le tissu cible pour augmenter ses effets thérapeutiques.

Historiquement, la technique a été développée pour le traitement des cancers. Deux approches ont été proposées : le chargement dans un vecteur s‟accumulant spécifiquement dans les nodules tumoraux et le chargement du principe actif directement dans la particule d‟embolisation.

1.2.1 La chimioembolisation lipiodolée

La technique de chimioembolisation lipiodolée s‟est développée au Japon dans les années 1980 pour le traitement de tumeurs hépatiques non opérables (Sasaki 1987; Takayasu 1987;

Shimamura 1988).

Le lipiodol est un agent de contraste huileux iodé utilisé initialement pour le diagnostic des tumeurs hépatiques. Injecté dans l‟artère hépatique, il a la propriété de se fixer spécifiquement et de façon durable sur le tissu tumoral, rendant la tumeur détectable aux rayons X (Nakakuma 1985; Yumoto 1985). Plusieurs équipes ont alors proposé d‟utiliser le lipiodol comme un vecteur pour les agents anticancéreux. Il a été démontré qu‟en mélangeant une solution de chimiothérapie avec l‟agent de contraste, la rémanence du principe actif dans la tumeur pouvait durer plusieurs mois (Sasaki 1987; Katagiri 1989; Konno 1990; Kan 1997).

La chimioembolisation lipiodolée a donné des résultats très variables en clinique, et ce n‟est que récemment que deux méta-analyses et deux essais individuels ont pu démontrer un bénéfice significatif en termes de survie (Camma 2002; Llovet 2002; Lo 2002; Llovet 2003).

La technique est aujourd‟hui recommandée pour le traitement palliatif des carcinomes hépatocellulaires non opérables. Deux questions n‟ont pas été élucidées à ce jour : les critères de sélection des patients et la technique utilisée pour réaliser la procédure.

L‟utilisation du lipiodol comme vecteur de chimiothérapie est critiquée pour plusieurs raisons.

Le mélange de la solution de chimiothérapie aqueuse et de l‟agent de contraste huileux forme une émulsion. La préparation obtenue par agitation n’est pas stable, se séparant en 2 phases distinctes en quelques minutes (Nakamura 1989; Konno 1990). Plusieurs solutions ont été proposées afin d‟augmenter la stabilité de l‟émulsion et de prolonger la libération de la molécule : agitation en homogénéiseur (de Baere 1995) ou dans une cuve à ultrasons (Katagiri 1989; Horiguchi 1992), ajout de divers surfactants (Nakamura 1989; Konno 1990; Yi 1998;

Hino 2000). Aucune de ces techniques n‟a été implémentée en clinique. La méthode la plus répandue, dite par "pompage", consiste en des aspirations et rejets successifs entre 2 seringues. Elle est faiblement reproductible et ne garantit pas une libération prolongée (de Baere 1995; Hino 2000).

La nature de l’émulsion et la taille des gouttelettes formées déterminent la distribution dans le réseau vasculaire tumoral. Des émulsions eau/huile de plus de 30-120 µm s‟accumulent spécifiquement dans le tissu tumoral, mais des émulsions huile/eau de 10-40 µm montrent une faible accumulation tumorale et un fort passage systémique (de Baere 1995; Cay 1996). Il semble difficile de contrôler aussi précisément la nature et la taille de l‟émulsion par un simple mélange des deux produits au moment de l‟injection.

Une fraction importante de la dose injectée (jusqu‟à 49%) peut être retrouvée dans le poumon (Raoul 1988; Perring 1994; de Baere 1996), avec un risque d‟embolie pulmonaire (Czauderna 2005; Shiah 2005).

Shiono et al. ont montré en mélangeant du lipiodol et un agent de contraste hydrosoluble, que les deux produits se séparent rapidement et que l‟agent hydrosoluble est éliminé plus vite que l‟agent huileux, suggérant que la détection du lipiodol sur les clichés radiologiques ne démontre pas la présence du médicament dans la tumeur (Shiono 1993). Quelques études ont pu démontrer la rémanence du principe actif dans la tumeur en mesurant quantitativement les niveaux de médicament retrouvés dans le tissu cible (Sasaki 1987; Katagiri 1989;

Horiguchi 1992), cependant elles ont toutes utilisé des homogénats tissulaires, ce qui ne permet pas de distinguer la fraction de médicament toujours contenue dans des gouttelettes d‟huile de celle effectivement délivrée au tissu.

Enfin il semble que l‟utilisation du seul mélange lipiodol / chimiothérapie sans embolisation n‟apporte pas de bénéfice pour la survie des patients (Marelli 2007).

1.2.2 Particules chargées pour la chimioembolisation

On trouve une littérature abondante sur des produits expérimentaux non commerciaux destinés à la chimioembolisation. Kato et al. ont publié au début des années 1980s les premières études sur le développement et l‟utilisation de particules d‟embolisation chargées avec un principe actif. Il s‟agissait de microcapsules d‟éthyle cellulose chargées en cisplatine (Okamoto 1985) ou mitomycine C (Kato 1981; Kato 1981) pour le traitement par voie artérielle de différents cancers. L’équipe a instauré les bases théoriques de la chimioembolisation en démontrant successivement (Figure 2) :

in vitro, une libération du principe actif sur plusieurs heures (Figure 2.4);

in vivo, une diminution du pic plasmatique par rapport à une injection intra-artérielle ou intraveineuse (Figure 2.6) ;

in vivo, une augmentation de la concentration intratumorale de l‟anticancéreux par rapport à l‟injection artérielle (Figure 2.7) ;

in vivo, un effet significatif sur la réponse tumorale et sur la survie des patients par rapport aux chimiothérapies IV ou IA.

Au total, 1013 patients ont été traités, à titre de traitement palliatif ou au stade préopératoire, pour différents types de cancers (Kato 1996). A notre connaissance, aucun essai comparatif randomisé n‟a été réalisé et ces travaux n‟ont débouché sur aucun produit commercial.

Par la suite, de nombreuses études ont proposé diverses billes d‟embolisation chargées en anticancéreux. Ces études ont mis en évidence l‟effet du matériau composant la particule, de la taille de la particule ou encore du mode de chargement sur ses propriétés d‟élution, sans toutefois parvenir à recueillir le même niveau de preuve que Kato et al. (Tableau 2).

Figure 2 – Principaux résultats de l‟équipe de Kato et al. sur des particules d‟éthyle cellulose contenant du cisplatine.

(Figure 1) Photographie des particules, (Figure 4) profil d‟élution in vitro, (Figure 6) profil d‟élution plasmatique, (Figure 7) concentration intratumorale du médicament (Okamoto 1986).

Tableau 2 – Principales études sur le développement et l‟évaluation de particules d‟embolisation chargées en principe actif.

HCC : carcinome hépatocellulaire, MaxF : maxillofacial. Ethylcell. : éthyle cellulose, PLA : acide poly-lactique, PHB : polyhydroxybutyrate,. MMC : mitomycine C, 5-FU : 5-fluorouracil, ACR : aclarubicine, DOXO : doxorubicine, RIF : rifampicine. Release : cinétique de libération in vitro, CEA : antigène carcino-embryonnaire, αFP : alpha-foetoprotéine, PK : pharmacocinétique plasmatique, PA : quantification tissulaire du principe actif, Anapat : analyse histologique des prélèvements.

Equipe Stade Application Principe actif Composition particules

MMC Albumine 45µm CEA, αFP, survie (Fujimoto 1983; Fujimoto 1984;

Fujimoto 1985) Wallace et al. Clinique Tumeurs 2aire

du foie

Release (Kassab 1997; Denkbas 1999; Misirli 2005)

Benoit et al. In vitro 5FU, CDDP

DOXO

Cire, PLA Albumine

Release (Benita 1986; Spenlehauer 1986; Sawaya 1988)

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