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LA BIORESTAURATION EXPÉRIMENTÉE EN MILIEU D'EAU DOUCE

Dans le document Ic naturaliste (Page 70-74)

Gilles-H. Trembla y et Kenneth Lee

La voie maritime du Saint-Laurent est une des routes de navigation maritime les plus difficiles. Cette voie est empruntée chaque année par un très grand nombre de navi-res. En 1988, 10,8 millions de tonnes de produits pétroliers raffinés et 6,9 millions de tonnes de pétrole brut ont transité sur le Saint-Laurent par pétroliers.

Un déversement de mazout provenant d'un pétro-lier peut causer d'énormes dommages à l'environnement.

Non seulement l'esthétique des zones affectées s'en trouve-rait ruinée par le résidu goudronneux, mais plus important encore, les effets sur la faune terrestre et aquatique seraient dévastateurs. La diversité écologique locale pourrait être sérieusement menacée et les interactions de la chaîne ali-mentaire perturbées de manière significative et ce, pendant plusieurs années suivant la catastrophe.

Les herbiers sont d'une grande importance écologi-que à titre d'habitat pour la faune et les espèces menacées, de zone d'alevinage pour les pêcheries côtières et comme mécanisme de protection contre l'érosion des rivages.

Jusqu'ici, peu d'efforts ont été déployés pour déve-lopper un moyen de restaurer les habitats de terres humides hautement sensibles si un déversement de mazout ou de pro-duits raffinés devait avoir lieu. Les techniques traditionnelles de nettoyage d'un déversement de mazout sont limitées puis-que ces méthodes physipuis-ques et chimipuis-ques (ex.: récupération physique, nettoyage à haute pression et dispersants chimi-ques) peuvent occasionner plus de dommages à l'habitat fragile des terres humides que la contamination elle-même.

Afin de gérer et de protéger cet habitat d'importance tant pour les pêcheries que pour l'industrie du transport maritime, nous devons développer des technologies de contre-mesures à utiliser lors de déversements de mazout. Ces technologies devront non seulement être efficaces et sans danger pour l'environnement, elles devront également assurer la récu-pération du polluant et accélérer le retour de l'habitat aux conditions qui prévalaient avant l'événement.

La biorestauration...

une technologie prometteuse

Certains composés du pétrole brut sont bénins sur le plan environnemental, mais des fractions significatives s'avèrent toxiques ou mutagènes. Ce sont ces dernières qu'il importe de retirer ou de détruire. La biorestauration est

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une technologie qui apparaît très prometteuse pour assurer la conversion des composés toxiques en produits non toxi-ques sans perturber davantage l'environnement local. Elle consiste à stimuler la croissance de certains agents de dégra-dation d'hydrocarbures déjà présents dans le milieu ou à ajouter des organismes qui, eux aussi, dégradent les hydro-carbures.

Puisque les polluants qui nous préoccupent sont aisé-ment biodégradables dans les conditions appropriées, le succès de la biorestauration des lieux de déversement repose sur notre capacité à reproduire ces conditions dans un envi-ronnement contaminé. La plus importante exigence est la présence de bactéries offrant les capacités métaboliques appropriées. Si tel est le cas, on peut optimiser leur niveau de biodégradation des hydrocarbures en assurant la présence de concentrations adéquates de nutriments, d'oxygène ou d'accepteurs d'électrons secondaires et en conservant un pH approximatif de 6 à 9. Les caractéristiques physiques et chimiques du mazout sont également des facteurs impor-tants du succès de la biorestauration. Les mazouts lourds contenant de grandes quantités de composés de résines et d'asphaltènes se prêtent moins bien à la biorestauration que les mazouts légers ou moyens, riches en composants aliphatiques. Enfin, la surface d'étalement du mazout est extrêmement importante puisque la croissance des agents de dégradation d'hydrocarbures a lieu presque exclusivement à l'interface mazout-eau.

Évidemment, certains de ces facteurs sont plus faciles à contrôler que d'autres. À titre d'exemple, on ne peut rien changer à la composition chimique du mazout, et aucune approche n'est présentement disponible pour fournir de l'oxygène à des sédiments de surface contaminés par le mazout dans une zone intertidale. En conséquence, deux approches de biorestauration principales peuvent être utili-sées à la suite d'un déversement de mazout.

La bioaugmentation

Des bactéries qui dégradent les hydrocarbures sont ajoutées dans le milieu touché afin de compléter la popula-

Gilles-H. Trembla y est océanographe chimiste et Kenneth Lee est chef de la section Microbiologie et hydrocarbures à la Direction régionale des océans et de l'environnement de

l'institut Maurice-Lamontagne.

tion microbienne existante. Cette technique a toutefois ses limites. Normalement, la population de bactéries indigènes qui dégradent les hydrocarbures croît rapidement lors de déversements, souvent au maximum des capacités de sup-port du milieu. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter des bactéries, à moins que celles du milieu ne soient incapables de dégrader un ou plusieurs contaminants importants.

La biostimulation

Certains éléments présents dans le milieu sont essen-tiels à la croissance des agents indigènes de dégradation d'hydrocarbures. Cette croissance peut donc être limitée si ces éléments ne sont pas présents en quantité suffisante.La biostimulation consiste à ajouter des cosubstrats, particu-lièrement des nutriments, afin de stimuler la croissance d'agents de dégradation d'hydrocarbures indigènes. Le défi pour utiliser cette technique dans des secteurs soumis à l'action des marées est de maintenir des concentrations opti-males de nutriments en contact avec le mazout.

Un essai en milieu d'eau douce à Sainte-Croix-de-Lotbinière

Sachant que la biorestauration s'est avérée efficace en milieu marin, un projet intitulé Protection des herbiers du Saint-Lourent en cas de déversement été entrepris afin de développer une compréhension de la mise en oeuvre de stratégies de biorestauration efficaces visant à atténuer les effets d'un déversement de mazout sur ces habitats côtiers de l'écosystème du Saint-Laurent. Ce projet de recherche a été mis sur pied par Pêches et Océans Canada, avec la collabo-ration d'Environnement Canada, et d'organismes d'autres pays tels que l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis et le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (France).

Le projet s'est déroulé à Sainte-Croix-de-Lotbinière, sur la rive sud du Saint-Laurent, et a débuté en juin 1999. La rive de Sainte-Croix abrite un marais à scirpes où poussent surtout la scirpe des rivières et l'éléocharide des marais. On y trouve une plage de cailloux et de graviers et l'arrière-plage est surplombée par une falaise. La région est visitée par un grand nombre d'oies, en avril, et par des canards barboteurs, en septembre.

Les principales espèces commerciales récoltées à proximité sont l'esturgeon jaune, l'anguille d'Amérique, la barbotte brune, la perchaude et le doré )aune. Aucun site de frai n'y a été identifié.

Le site a été choisi parce qu'il est représentatif de la majorité des herbiers du Saint-Laurent. De plus, il n'abrite pas d'espèces rares ou menacées et il est en retrait des popu-lations humaines. Compte tenu de ses caractéristiques, les impacts environnementaux potentiels du projet ont étéj ugés faibles.

Nous avons donc procédé à un déversement contrôlé de pétrole, sur une surface restreinte de l'herbier représen-

Tout est en place pour s'assurer que le pétrole reste confiné aux parcelles expérimentales. Celles-ci sont entourées de boudins absorbants alors que la zone complète

d'expérimentation est ceinturée par des estacades.

tant 0,05 % de la superficie totale de la zone intertidale de Sainte-Croix. C'est ainsi que 192 litres de pétrole brut, typi-que de ce qui est transporté dans le Saint-Laurent, ont été déversés, à marée basse, à l'intérieur de 16 parcelles expéri-mentales bien délimitées. Le pétrole a été répandu à marée basse afin de maximiser sa pénétration dans les sédiments et d'éviter qu'il soit transporté à l'extérieur des parcelles. Lors de l'épandage, une équipe d'intervention d'urgence était sur les lieux et était prête à intervenir, advenant que le pétrole se répande hors des parcelles lors des premières marées hautes.

Chaque parcelle expérimentale était également entourée de boudins absorbants afin d'empêcher la migra-tion du pétrole résiduel flottant à la surface des parcelles lors de la marée montante. Des tampons absorbants ont aussi été utilisés pour récupérer le pétrole résiduel à la surface des parcelles. De plus, la zone expérimentale était ceinturée par des estacades. Afin de s'assurer que le pétrole reste confiné aux parcelles expérimentales, des survols de la zone ont été effectués par hélicoptère au début de l'expérience, et ce,

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L'équipe scientifique s'affaire à râteler les sédiments de surface afin de s'assurer d'une meilleure pénétration du

pétrole et de minimiser la dispersion par les marées.

dès la première marée haute. Finalement, tout l'équipement nécessaire pour intervenir en cas de problème était sur place (estacades, boudins et tampons absorbants, bateaux, etc.).

L'expérience consistait en cinq traitements expéri-mentaux reproduits en quatre blocs. Chaque bloc incluait une parcelle contrôle sans pétrole et quatre parcelles mazou-tées. Les parcelles huilées avaient reçu quatre traitements différents qui étaient: 1) Atténuation naturelle (pas d'ajout de nutriments, afin de déterminer le taux de biodégradation intrinsèque). 2) Ajout de nitrate d'ammonium granulaire et de superphosphate triple, lesquels sont des nutriments minéraux hydrosolubles, avec plantes aquatiques régulière-ment coupées. 3) Ajout de nutrirégulière-ments minéraux identiques mais avec plantes indigènes intactes (phytorestauration et biorestauration), afin de constater l'impact de la présence des plantes sur la vitesse de dégradation du pétrole. 4) Ajout de nitrate de sodium au lieu du nitrate d'ammonium avec plantes intactes.

Des résultats prometteurs...

Des échantillons de sédiments furent régulièrement récoltés dans les parcelles expérimentales sur une période de 21 semaines, couvrant la période naturelle de croissance des plantes. D'autres échantillons ont également été récoltés au printemps et à l'automne 2000.

Tous ces échantillons ont été ramassés dans le but de mesurer les teneurs en hydrocarbures et de dénombrer les bactéries capables de dégrader le pétrole. D'autres ana-lyses visaient à évaluer le niveau de toxicité résiduelle des sédiments. Cela donne une indication sur l'efficacité des bactéries à dégrader les nombreuses substances chimiques toxiques qui composent les hydrocarbures.

Outre ces analyses, des essais ont été effectués sur des animaux mis en contact avec les sédiments riverains conta-minés, dans le but de déterminer si cette exposition affecte le développement de ces espèces.

Des changements significatifs dans les mesures bio-logiques de l'habitat furent observés. Alors que la croissance de Scirpus pungens, l'espèce végétale dominante, fut signifi-cativement augmentée par l'ajout de fertilisants, des biotests utilisant des bactéries et des invertébrés ont montré une évidence de recouvrement accéléré suivi, dans certains cas, d'effets potentiellement dommageables.

Dans le cas des bactéries, il y a eu peu d'évidence de réduction de toxicité par atténuation naturelle alors qu'une réduction significative de la toxicité des sédiments avec l'ajout de nutriments ne fut observée qu'à partir de la 12 semaine.

Pour la cladocère Daphnia magna, l'ajout de nutri-ments (nitrate d'ammonium et superphosphate triple) réduisait la toxicité à des niveaux très faibles en moins d'une semaine alors que pour le recouvrement naturel l'effet du pétrole résiduel ne semblait négligeable qu'à la sixième semaine.

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Pour Hyalella azteca, une évidence de réduction de toxicité fut observée dans les parcelles amendées avec le nitrate d'ammonium et le superphosphate triple. Une aug-mentation dans la toxicité fut cependant observée à la 121 semaine. Cette réponse est attribuée aux changements saisonniers dans la sensibilité des espèces. De plus, à la 211 semaine, il y avait une augmentation prononcée de la toxicité des sédiments pour les amphipodes dans les par-celles mazoutées amendées avec le nitrate d'ammonium granulaire. Ces effets délétères sont attribués à des concen-trations en ammonium au-delà desquelles H. azteca devient sensible.

Des analyses effectuées par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, n'ont pu mettre en évi-dence des changements significatifs dans la composition du pétrole résiduel en résultat des divers traitements expéri-mentaux au cours des 21 premières semaines. La diminution des concentrations des alcanes et des hydrocarbures aroma-tiques polycycliques (HAP) alkylés et non alkylés, ciblés par rapport à un biomarqueur conservatif dans le pétrole testé, fut approximativement de 30 % pour tous les traitements.

Au cours de l'hiver, il y a eu une diminution significative

de la quantité de pétrole par perte physique naturelle. On a également pu observer une différence dans la quantité d'hy-drocarbures en fonction des traitements, la coupe des plantes ayant pour effet de ralentir la dégradation. Une différence dans les niveaux d'hydrocarbures en surface et plus au fond dans le sédiment a également été observée pour tous les traitements, suggérant une limitation dans le niveau de dégradation dû à l'oxygène.

Quand tous les biotests sont considérés, la décrois-sance initiale dans la toxicité des parcelles huilées et amen-dées apparaît être le résultat de l'addition initiale du nitrate d'ammonium et du phosphate. Après cette période (moins d'un mois), l'ajout continu de nutriments a un effet délétère, suggérant qu'une stratégie plus efficace pourrait être d'arrêter l'ajout de nutriments une fois que les niveaux de toxicité des sédiments sont réduits substantiellement.

Plusieurs analyses devront encore être effectuées avant de connaître les conclusions finales de cette expéri-mentation. Quoique préliminaires, les résultats actuels sem-blent démontrer que le milieu pourrait être restauré plus rapidement grâce à l'utilisation des techniques mises au point au cours de ce projet.

. Courriel : atrbsl@icrdl.net

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148, rue Fraser, Rivière-du-Loup (Québec) GSR 1 C8 > 1 800 563-5268

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LE NATURALISTE (ANADIEN, VOL 125 N 2 FTE2001

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La traverse pour amphibiens: un moyen de

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