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Le titane et ses alliages se sont imposés comme des matériaux de choix pour la conception de nouveaux biomatériaux en remplacement des tissus durs (dent, squelette). En effet, les caractéristiques mécaniques et biochimiques justifient d’une part l’engouement du monde chirurgical pour ces éléments et d’autre part l’intérêt scientifique qu’ils suscitent. Cette deuxième partie met en relief les propriétés des alliages base titane en parallèle des critères précédemment évoqués.

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Figure I.24 : Exemples d’utilisation des matériaux à base de Ti dans le domaine biomédical. De gauche à

droite : implants orthopédiques pour hanche et épaule, implant dentaire, stents cardiovasculaires, plaques et vis orthopédiques.

I.2-2.a.

Propriétés mécaniques et biocompatibilité structurale

Les propriétés mécaniques des alliages de titane permettent une bonne intégration des implants au sein de l’organisme. Les données mécaniques présentées dans le tableau I.6 mettent en avant la supériorité du titane et de ses alliages par rapport à ses concurrents métalliques et céramiques. Ils se caractérisent en effet par un module élastique plus faible que celui des aciers ou des alliages à base de chrome, peu à peu délaissés en médecine orthopédique. Les alliages de type α/β (TA6V) offrent des propriétés avantageuses vis-à-vis du squelette. Outre leur module élastique qui se rapproche de celui de l’os (principe d’isoélasticité pour le transfert des contraintes), leur résistance à la fatigue (Fig. I.25) et notamment le facteur de biofonctionnalité (BF = Rf/E) sont particulièrement élevés (Tableau

I.6).

Figure I.25 : Comparaison de résistances à la fatigue

en fonction du module d’élasticité pour un ensemble de biomatériaux métalliques [74].

Ces propriétés mécaniques (Tableau I.6), essentiellement associées à la phase hexagonale compacte α, sont modulées par la phase cubique centrée β. Cette dernière confère au matériau une meilleure formabilité à froid et le rend plus ductile.

___________________________________________________________________________ En jouant sur la proportion de chaque forme allotropique, il est aussi possible de moduler favorablement les propriétés mécaniques des matériaux base Ti. Ceci justifie les récentes études sur les alliages β-métastables. Outre leur module élastique inférieur à celui des alliages conventionnels α/β, leur structure métastable offre la possibilité de modifier par traitement thermomécanique la proportion entre les phases α et β. Les récentes études ont fait émerger de nouveaux alliages essentiellement composés d’éléments non toxiques (Nb, Ta, Zr, Sn) [89] dont les modules élastiques sont largement diminués (Tableau I.7). Par exemple, Ti- 35Nb-7Zr-5Ta (TNZT) a un module d’Young de l’ordre de 55 à 60 GPa, soit seulement un peu plus du double de celui de l’os (Eos = 20 GPa). A ce jour, le module élastique le plus bas

pour un alliage base titane est 43 GPa obtenu pour le ternaire Ti-25,5Nb-9,4Sn [90]. Alliage Microstructure E (GPa) σe (Mpa) σr (Mpa)

CpTi α 105 692 785 Ti-6Al-4V α - β 110 850-900 960-970 Ti-6Al-7Nb α - β 105 921 1024 Ti-5Al-2,5Fe α - β 110 914 1033 Ti-12Mo-6Zr-2Fe β métastable 74-85 1000-1060 1060-1100 Ti-15Mo-5Zr-3Al β métastable 82 771 812 Ti-35Nb-5Ta-7Zr β métastable 55 530 590 Ti-35Nb-5Ta-7Zr-0,4O β métastable 66 976 1010 Ti-25,5Nb-9,4Sn β métastable 43 / 1017

Tableau I.7 : Propriétés des nouveaux alliages β-métastables à bas module.

En parallèle des études menées sur les alliages β-métastables, l’autre axe de recherche porte sur l’élaboration de matériaux base titane poreux. Il est actuellement possible de fabriquer des mousses à partir de procédés métallurgiques impliquant des poudres [91]. A une porosité de 30 %, le module élastique du matériau est équivalent à celui de l’os cortical (Fig. I.26). Comme nous l’avons déjà souligné, les pores présents en surface favorisent aussi la cicatrisation de l’os en assurant un meilleur transfert des contraintes et une bonne adhésion des cellules osseuses. Mais l’augmentation de la porosité d’un matériau est aussi délétère à sa résistance mécanique (Fig. I.27). Pour améliorer celle-ci des études sont en cours, notamment en utilisant des polymères ou d’autres matériaux comme l’hydroxyapatite pour remplir les pores [92].

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Figure I.26 : Relation entre la porosité du Ti (poudre

compactée) et son module d’Young [93]

Figure I.27 : Relation entre la porosité du Ti (poudre

compactée) et sa résistance en flexion trois points ou sa résistance en compression [93]

Plusieurs techniques d’amélioration de la résistance mécaniques des alliages base titane ont aussi été mises au point : l’insertion d’éléments d’alliage par substitution (Cu, V, Fe, Mo [94]) ou par insertion (O, H, N) pour augmenter la dureté [95], les traitements thermiques des microstructures α/β ou β-métastables pour faire précipiter les phases α’, α’’ ou

ω ou encore les méthodes de texturation. Vis-à-vis d’une implantation à long terme, la faible

résistance à l’usure des matériaux base titane, inférieure aux alliages Co-Cr et aux aciers, constitue encore actuellement le principal inconvénient de ces matériaux. Les techniques actuellement utilisées pour améliorer la dureté des alliages base titane sont essentiellement basées sur la formation de TiN à la surface par voie humique ou par Déposition Physique en phase Vapeur (PVD), plasma, laser [96] ou encore bombardement ionique N+ [95].

Le contrôle de la microstructure permet ainsi d’améliorer la biocompatibilité structurale (Rf, E, ductilité, ténacité…). Il faut toutefois trouver le compromis entre la réduction du module d’Young et l’amélioration des autres propriétés mécaniques sans pour autant perdre en biocompatibilité chimique.

I.2-2.b.

Propriétés biochimiques et biocompatibilité surfacique

Le potentiel normal du titane est très négatif (E°Ti4+/Ti = -1,75 V/ECS) ce qui favorise sa réaction avec l’oxygène présent dans l’air ou dans les liquides physiologiques. La fine couche d’oxyde formée en surface (~ 4 nm) réduit au minimum les échanges électroniques entre le milieu biologique et le matériau : le processus de corrosion est stoppé. L’oxyde TiO2

___________________________________________________________________________ est aussi chimiquement stable. Son potentiel de rupture est suffisamment élevé (Er = 2,4

V/ECS) pour assurer une protection ou passivation du métal contre la corrosion (caverneuse ou par piqûre), contrairement aux cas des aciers inox dont le potentiel normal est supérieur (E°316L = 0,2-0,3 V/ECS).

Néanmoins, en cas de disparition de la couche d’oxyde par usure, la vitesse de formation ou vitesse de repassivation est extrêmement élevée (40 ms). Elle peut donc se reformer immédiatement en intégrant des éléments du milieu vivant (Fig. I.28) ce qui offre alors la possibilité pour d’autres espèces d’interagir (Na+, Mg2+, Ca2+, Cl-, SO42-…).

L’interface s’enrichit ensuite en espèces d’intérêt biologique, améliorant la biocompatibilité de ces matériaux.

Figure I.28 : Evolution de la couche passivante sur un implant en titane [97].

Au contact du milieu physiologique, l’oxyde de titane TiO2, bien que stable, peut se

dissoudre suite à des agressions ponctuelles (frottement, variations de pH ou de potentiel) ou continues (hydrolyse). C’est en réponse à ces agressions que le titane révèle sa supériorité par rapport aux autres biomatériaux métalliques, ses propriétés étant en accord avec les applications biologiques. Ainsi, par hydrolyse, l’oxyde peut former Ti(OH)4, hydroxyde très

stable en milieu physiologique (pH = 7,4) qui évite le relargage d’espèces ioniques délétères pour l’implantation. L’espèce chargée Ti(OH)3+, qui se forme aussi en conditions

physiologiques, est à une concentration suffisamment basse (~0,1nM) pour la négliger par rapport à l’ion H+ du milieu biologique (40 nM à pH 7,4)

Par ailleurs, la couche TiO2 limite cependant les échanges électroniques et ioniques

___________________________________________________________________________ comme corps étranger par l’organisme ce qui favorise son intégration [98]. La constante diélectrique de cet oxyde (ε (TiO2) = 110), largement supérieure à celle des oxydes de chrome

– cobalt (ε (Cr-Co) = 12) favorise les liaisons de type Van der Waals : les molécules organiques (protéines, acides aminés…) prennent alors le rôle d’adhésif entre le matériau et les cellules ce qui améliore la stabilité mécanique de l’interface os/implant [82].

I.2-3.

Intérêt des structures non périodiques vis-à-vis de la