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Chapitre  VI   : Discussion générale et conclusion 147

6.1   Le contexte interne 147

6.1.1   L’utilité d’un ‘milieu de travail promoteur de santé’ 147

Nos résultats ont révélé que l’ensemble des acteurs stratégiques et des infirmières-chefs interviewés trouve importante l’implantation d’un ‘milieu de travail promoteur de santé’ pour les infirmières. À ce sujet, nos résultats rejoignent ceux d’une étude pilote menée auprès de 3 CSSS en Montérégie où les participants avaient jugé importante l’implantation du projet HPS dans leur organisation (Dedobbeleer et al., 2009). Cependant, si les infirmières-chefs considèrent le sous-projet ‘milieu de travail promoteur de santé’ comme étant utile pour améliorer leurs conditions de travail, l’image de l’hôpital, et la qualité des soins, elles ressentent un manque de volonté politique des acteurs stratégiques pour l’implanter. Cela n’a pas été examiné dans d’autres études.

De manière générale, Hancock (1999) estime que les hôpitaux souhaitant jouer un rôle significatif au niveau de la promotion de la santé, devront revoir leur philosophie, valeurs et pratiques. En effet, selon lui, la promotion de la santé met l’accent sur un modèle de santé plutôt que médical, utilise une approche collective plutôt qu’individuelle, avec une emphase sur la communauté plutôt que l’institution (Hancock, 1999). Au Québec, Haggerty et al. remarquent qu’il y a place à beaucoup d’amélioration concernant les services de promotion de la santé dans les organisations de santé (Haggerty et al., 2007). De plus, même parmi les hôpitaux ayant décidé d’implanter le projet HPS, certains minimisent l’importance du ‘milieu de travail promoteur de santé’, comme le notent Lin dans son diagnostic organisationnel d’un HPS (Lin, Huang, & Tung, 2009), ou Pelikan dans l’étude PRICES-HPH (Pelikan et al., 2011). Pourtant, les infirmières doivent faire face à des conditions de travail difficiles (Viens et al., 2002), et plusieurs rapports de recherche recommandent de les améliorer étant donné l’impact sur la qualité des soins (Koehoorn & Wagar, 1999; Comité consultatif des ressources humaines en santé, 2002; Baumann, 2001; Canadian Policy Research Network, 2002).

Quant à l’implantation d’un milieu de travail sain, les résultats de Shamian (2007) indiquent que si cette préoccupation existe désormais au niveau politique dans les différentes provinces canadiennes, les conditions de travail des infirmières ne se sont pas encore améliorées sur le terrain (Shamian & El-Jardali, 2007).

Au Québec, il existe maintenant une norme « Entreprise en santé » incluse dans les objectifs du plan stratégique quinquennal 2010-2015 du MSSS. Cette norme, coordonnée par le Bureau de Normalisation du Québec, propose un processus de certification guidant les entreprises publiques et privées à intervenir dans le milieu de travail, à travers les habitudes de vie du personnel, l’équilibre travail-vie personnelle, l’environnement de travail, et les pratiques de gestion (Meghan, 2010). Un guide visant à aider les établissements de santé québécois dans l’implantation d’un milieu de travail sain, et rédigé par le réseau québécois des établissements promoteurs de santé (Agence de la santé des services sociaux de Montréal, 2011), soutient l’implantation du projet HPS mais aussi la norme « Entreprise en santé », et considère ces approches comme étant complémentaires, sans toutefois distinguer leur portée. Pourtant, bien que la norme « Entreprise en santé » soit favorisée par le MSSS et l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, elle n’est pas aussi intégratrice que le ‘milieu de travail

promoteur de santé’. En effet, au sens des recommandations de Vienne, contrairement à la norme « Entreprise en santé », un ‘milieu de travail promoteur de santé’ ne peut exister sans que l’organisation elle-même ne soit promotrice de santé et possède une politique de promotion de la santé, et soit apprenante et performante (World Health Organization, 1997), signe de l’interaction existant entre la dimension ‘organisation promotrice de santé’ et ‘milieu de travail promoteur de santé’.

À l’heure actuelle, l’implantation du ‘milieu de travail promoteur de santé’ ne fait pas encore partie des objectifs du MSSS (MSSS, 2010), ni du programme national de santé publique du Québec (MSSS, 2008). Or, comme le note Rousseau, le contenu des programmes et des services reste largement orienté par le MSSS, dans un esprit de décentralisation administrative mais de centralisation politique (Rousseau dans Fleury, 2007). Cela suggère que laissée à la volonté des établissements de santé, l’implantation du ‘milieu de travail promoteur de santé’ puisse rencontrer des difficultés. Toutefois, un réseau montréalais des hôpitaux et CSSS promoteurs de santé, devenu en février 2012 le réseau québécois des établissements promoteurs de santé, a vu le jour. Ce réseau, dirigé par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, a pour mission de soutenir l’implantation des normes de l’OMS dans les établissements de santé. Cependant, même si l’Agence préconise l’utilisation d’un outil d’autoévaluation développé par l’OMS, il n’existe pas à ce jour de mécanisme unanimement reconnu, permettant de suivre et d’évaluer l’implantation du projet HPS chez les membres du réseau, la seule condition étant une entente signée par l’établissement à travailler sur l’intégration des normes HPS de l’OMS (Agence de la santé des services sociaux de Montréal, 2011). De plus, l’outil d’auto évaluation de l’OMS est une version qui n’a pas été adaptée au contexte du Québec, différent de celui rencontré en Europe où il a été conçu. Pourtant, Groene et al. reconnaissent qu’il peut être nécessaire d’adapter les normes de l’OMS selon les régions dans lesquelles se trouvent les hôpitaux (Groene et al., 2005).

Le modèle québécois de reddition de comptes étant déjà rigoureux depuis 2001 (Nguyen dans Fleury, 2007), toute tentative de la part du MSSS ou d’une agence de la santé d’imposer un mécanisme formel d’évaluation de l’implantation du ‘milieu de travail promoteur de santé’ pourrait être vécue par les établissements de santé comme un nouvel outil de contrôle. L’OMS et Pelikan suggèrent l’inclusion des normes et critères HPS dans ceux utilisés par les

organismes d’agrément des services de santé (Groene, 2006; Pelikan et al., 2011). De par sa nature obligatoire au Québec, l’agrément peut constituer un véhicule pertinent pour améliorer les pratiques relatives à l’implantation d’un ‘milieu de travail promoteur de santé’ dans les établissements de santé québécois. Des travaux sont actuellement en cours à ce sujet, notamment avec le Conseil Québécois d’Agrément (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2012). Une étude précédente menée au Québec avait par ailleurs montré l’intérêt de l’inclusion des normes et critères du ‘milieu de travail promoteur de santé’ dans ceux de l’agrément (Dedobbeleer et al., 2009). Ceci est d’autant plus pertinent que la compatibilité entre les normes et critères d’un ‘milieu de travail promoteur de santé’ et ceux d’Agrément Canada, est particulièrement élevée (Dedobbeleer et al., 2008).

Finalement, étant donné les liens possibles entre la performance organisationnelle et le concept HPS (Dedobbeleer et al., 2013), il semble opportun de continuer à financer l’implantation du projet HPS. Des liens peuvent en effet être faits entre les critères du modèle d’Évaluation Globale et Intégrée de la Performance des Systèmes de Santé (EGIPSS) et les normes et critères d’un HPS (Dedobbeleer et al., 2013). Le modèle EGIPSS est utilisé comme cadre d’analyse de la performance du système de santé au Québec par le Commissaire à la santé et au bien-être (Champagne et al., 2005) et par l’Association Québécoise des Établissements de Santé et des Services Sociaux (Association Québécoise des Établissements de Santé et des Services Sociaux, 2011). Une compatibilité signifierait qu’une organisation promotrice de santé serait vraisemblablement plus performante. Un hôpital promoteur de santé ne peut donc se réduire à la promotion de saines habitudes de vie ; il doit être interprété dans une perspective plus globale (Nutbeam, 1998). Ainsi, dans un contexte de politique de déficit zéro, il semble important de continuer à rendre l’organisation plus performante, apprenante, de continuer à améliorer la relation existante entre les professionnels et les patients.

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