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CHAPITRE III : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

3.2. Les résultats du questionnaire

3.2.2. L’utilisation et le partage des terres ou des moyens de production

Les résultats concernant l’accès aux ressources productives, dont la terre, au niveau de la zone entre les hommes et les femmes ont donné le tableau 3.8 ci-dessous:

Tableau 3.8: Répartition suivant la propriété domaniale

Terre Effectif Pourcentage

Non 43 89,58%

Oui 05 10,42%

99 Figure 3.6: Diagramme circulaire des propriétaires ou non de terre

Le tableau 3.8 montre que pour les 48 femmes enquêtées, 5 seulement soit 10,42% sont propriétaires des moyens de production avec lesquels elles travaillent, et tout le reste soit 89,58% est non propriétaire. Ceci traduit comme l’ont souligné les écrits, et affirmé par certaines agriculteurs interviewés, illustré par les propos de cette répondante: « Les femmes n’ont pas accès aux moyens de production parce qu’une femme n’hérite pas de terre dans la famille. Elle est appelée à se marier et donc à quitter sa famille naturelle. Elle n’emportera donc pas la terre avec elle, si elle veut travailler la terre elle utilisera celle de son mari. C’est ainsi depuis toujours » (T1-1.M.20).

Selon les coutumes et religions, les femmes n’héritent pas de biens et la grande majorité n’a pas les moyens financiers pour s’en procurer. Les 5 répondantes détentrices de moyens de production qu’est la terre sont des maraîchères du village de Santhie Touba Ndiaye et toutes les autres maraîchères s’activent sur des terres empruntées ou louées. Quant aux forestières, elles ne disposent pas de terres personnelles et même si elles bénéficient de parcelles cédées par l’État et les projets, elles ne les utilisent qu’à des fins d’exploitation. Il en est de même pour les transformatrices qui même si elles disposent d’un local de transformation, ce dernier ne leur appartient pas personnellement et elles doivent verser un certain pourcentage de leur chiffre d’affaire à l’UGF après chaque écoulement d’une production.

D’autre part, parmi les 5 femmes détentrices de terres, 2 l’ont obtenu par achat suite à un prêt dans des structures financières (Banque de proximité) de la place et 3 autres ont obtenu leurs terres par héritage de leurs enfants qui sont encore petits. Ceci montre que le problème de l’accès à la terre, outil fondamental aussi bien pour les agriculteurs et agricultrices de même que tous les autres moyens de production, est plus que d’actualité. Les moyens de production font défaut chez les femmes notamment la terre, les outils de travail, la mécanisation, les intrants, le crédit, la formation

technique etc. Et ceci influe sur leurs productions et rendements pas parce qu’elles sont incompétentes mais, parce que, comme le pense Puiggros (2012) à propos de la terre, « elles n’ont pas de terres et même si elles arrivent en à trouver, ce sera des terres de moindre valeur car elles n’ont presque pas accès au crédit et conséquemment elles ne peuvent pas acquérir les intrants nécessaires » (p.27). L’absence de ces moyens de production est source de nombreuses difficultés pour les femmes. Plusieurs des répondantes maraîchères l’ont confirmé à travers les propos de l’une d’entre elles : « Le fait que nous n’ayons pas de biens qu’on pourrait utiliser comme garantie pour avoir accès au crédit fait que nous n’avons pas de moyens comme du matériel de travail : machines d’arrosage, bassins, cassettes etc. Ce qui fait que nous nous tuons dans l’arrosage de nos champs et cela au prix d’énormes efforts physiques. Nous souffrons toutes de maux de dos surtout et de fatigue chronique et permanente etc. » (T11.M.19).

Ces conditions de plus en plus dures et difficilement supportables par les maraîchères font que du coup elles sont de plus en plus conscientes de leur surcharge de travail et de l’inégale répartition dans la distribution des moyens de production. Ce qui commence à les rendre sceptiques et de plus en plus frustrées.

Ce problème de non-accès aux moyens de production est également décrié par les transformatrices qui attendent toujours que leur unité de production soit équipée en matériels de transformation car comme certaines le disent : « Les bâtiments seuls ne suffisent pas, il faut que les autorités et nos partenaires nous octroient des prêts pour équiper l’unité et massifier nos productions » (T11.T.45). Dans le même ordre d’idées, les forestières disent, elles, avoir manqué de voiture de transport indispensable à leur travail car comme nous le témoigne cette forestière :

L’Unimog que nous avons est très vielle et n’est plus efficace véritablement car il faut toujours la dépanner. Nous sommes donc obligé de payer des sommes énormes pour le transport du bois vers le lieu de vente ce qui réduit considérablement nos revenus. On ne demande pas qu’on nous donne pour merci. Certes, on n’a pas de garanties mais on peut nous faciliter le crédit pour nous permettre de nous équiper au moins. Nous les femmes nous sommes pourtant de bons payeurs. Il faut qu’ils nous fassent confiance comme ils font pour les hommes (T11.F.31).

Il en ressort donc que le problème des femmes productrices de Mboro demeure également l’accès aux moyens de production pour développer leurs activités.

101 Le mode de partage des terres entre hommes et femmes

Le système établi par la société, à travers les coutumes et la religion musulmane, voudrait que les hommes héritent d’une part et les femmes de la moitié d’une part, et que les femmes mariées à la perte du mari ou en cas de divorce n’aient plus accès aux terres de l’ex époux. Le tableau 3.9 suivant renseigne sur la perception des agricultrices répondantes quant à ce mode de partage des terres. Tableau 3.9: Avis sur le mode de partage des terres entre hommes et femmes

Modalité Effectif Pourcentage

Satisfaisant 18 37,5%

Non satisfaisant 14 29,17%

Abstention 16 33,33%

Total 48 100%

Figure 3.7: Diagramme à bandes de l’avis sur le mode de partage des terres

Selon les informations tirées du tableau 3.9, les 18 femmes soient 37,5% de la population statistique se disent satisfaites du mode de partage et 14 femmes soit 29,17 % de l’échantillon pensent le contraire. Les abstentionnistes, au nombre de 16 femmes soit 33,33% de l’échantillon ne sont point

négligeables. Celles qui sont d’accord pensent que c’est plutôt normal car comme le soutient cette répondante :

« Il revient de droit à l’homme de disposer de biens notamment la terre car c’est à lui d’entretenir la femme. C’est lui qui paye la dot non! Donc c’est normal que la société lui permette d’avoir des moyens et cela passe par l’obtention d’un bien fondamental comme la terre » (T1-2.M.13).

Pour ces femmes, c’est à l’homme qu’incombe les charges familiales et à ce titre il doit détenir plus de biens que la femme, d’autant plus qu’il peut prendre plusieurs épouses qu’il serait appelé à entretenir. Pour ces raisons donc, la société mboroise à l’image de la grande majorité des sociétés sénégalaises perpétue cette vision traditionnelle de l’héritage que même les femmes semblent accepter. Les non-satisfaites soutiennent à ce propos qu’hommes et femmes travaillent tous et ont chacun besoin de moyens de production. Elles pensent comme celle qui affirme en ces termes : « Le partage devrait se faire de façon équitable d’autant plus qu’aujourd’hui il est indéniable que les charges de la famille pèsent plus sur nos dos que sur ceux des hommes » (T1-2.M.11). D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle les femmes de la zone ont aujourd’hui investi résolument le marché du travail agricole, seule opportunité qui s’offre à elles. Elles doivent assurer plusieurs dépenses que les hommes n’arrivent plus à satisfaire (chômage technique ou exode). Elles sont tellement conscientes de ce fait qu’elles n’hésitent pas à affirmer : « On sait qu’aujourd’hui aucun homme ne peut tout faire, la vie est tellement difficile il faut donc qu’on les aide dans leurs charges. Donc on aura aussi bien besoin de terres comme eux pour assurer la survie des familles. Le partage devrait être équitable ne serait-ce que pour ça » (T1-2.T.42). Toutefois, le nombre d’abstentionnistes important en dit long sur une possible nouvelle perception des croyances traditionnelles et culturelles de ces femmes partagées entre leur désir de s’autonomiser et le devoir de respecter la tradition. Elles préfèrent donc garder ce qu’elles pensent par respect aux lois de la société et de la religion musulmane qui ne se discutent pas selon elles. Toutefois, elles soutiennent que : « La rareté de la terre au niveau des agricultrices que nous sommes réduit considérablement nos revenus et nous décourage même parfois des activités agricoles » (T1-2.M.17). Mais, malgré ce mode de partage des terres, l’activité agricole reste toujours, même sans terres, l’activité principale des femmes de la zone et une importante source de revenus pour satisfaire les besoins grâce à la production et à la commercialisation des denrées.

103 Les modes de déplacement des femmes vers leur lieu de travail:

Il ressort des réponses obtenues que :

Pour les cultivatrices de Santhie Touba Ndiaye, les terres de travail sont localisées dans le village même et pour la plupart derrière leurs maisons et quelque fois même dans l’enceinte. Ceci fait dire à certaines que : « nous n’avons pas besoin de prendre une charrette pour aller au champ. C’est tout près, c’est à pieds. Même si c’était loin on allait marcher à plus forte raison que c’est ici à quelques pas. Cela ne nous dérange nullement, nous avons eu à faire plus dur que ça quand même!, ce n’est vraiment rien » (T1-3.M.7). Par ailleurs, pour la plupart de ces femmes, les mêmes terres sont utilisées depuis toujours mais celles qui ont acheté des terres ou celles qui en ont loué, travaillent aussi bien sur les anciennes que sur les nouvelles terres.

Pour les transformatrices et forestières de Mboro-ville, leurs lieux de travail se trouvant au centre-ville c’est-dire à 2 km des quartiers et ne travaillant pas chaque jour, elles s’organisent pour venir en taxi- clando ou charrette, principaux moyens de transport dans la ville. Mais comme l’affirment cette transformatrice : « Cela nécessite bien sûr un petit budget qui n’est toutefois pas négligeable avec les difficultés qu’on a déjà dans nos activités à savoir le problème d’écoulement de nos productions et les charges familiales de plus en plus lourdes. C’est sûr que cet argent même minime pouvait servir à payer de l’huile ou du charbon de bois et c’est pourquoi parfois aussi nous marchons pour aller travailler » (T1-3.T.39).

Mais, pour les forestières, il faut signaler que lors des campagnes de reboisement ou de nettoiement elles sont tenues de se déplacer obligatoirement en voiture vers le site en question car comme l’a dit cette répondante : « Le site de reboisement se trouve dans le village de khondio à presque 4 km de la commune. Et ce n’est pas tout près » (T1-3.F.38).

Il ressort de leurs réponses et comportements qu’encore une fois, les préoccupations premières de ces agricultrices sont avant tout la satisfaction des besoins familiaux qui passent avant leur bien-être. Elles sont prêtes à faire des distances et à les minimiser même pourvu qu’elles arrivent à sauver l’argent de leur transport et à l’orienter vers les dépenses familiales.