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II. La bioindication par les diatomées

4. L’utilisation des diatomées comme bioindicateur

Il existe différentes méthodes d’évaluation des écosystèmes aquatiques basées sur l’analyse des paramètres physico-chimiques tels que la salinité, la turbidité, la conductivité électrique, la concentration en oxygène dissous, le pH, etc. Ces méthodes sont simples à mettre en œuvre, efficaces et largement utilisées depuis de nombreuses années dans le cadre des réseaux de surveillance. Cependant, elles permettent de faire un état des lieux à un moment donné sans prendre en compte les modifications qui peuvent avoir lieu entre deux relevés, comme les variations de débit ou des rejets intermittents d’origine anthropique. Au contraire, les diatomées sont intégratrices de ces variations temporelles. De plus, leur localisation à la base de la chaîne alimentaire en fait des intégrateurs directs de la qualité physico-chimique globale de l’eau (Steinberg and Schiefele, 1988; Mc Cormick and Cairns, 1994).

Divers indices ont été créés dans toute l’Europe à partir des diatomées benthiques pour l’évaluation de la qualité des eaux de surface (Ács et al., 2004). Aujourd’hui, les pays membres montrent une grande volonté d’harmoniser les pratiques, par l’intermédiaire d’exercices d’intercalibration européens (Besse-Lototskaya et al., 2011; Kelly et al., 2014). Ils dépendent des préférences écologiques des taxons et sont, pour la plupart, basés sur la formule de Zelinka and Marvan (1961) :

      n j n j Vj Aj Vj Ij Aj ID 1 1

Aj : abondance de l’espèce j dans la communauté ; Ij : indice de sensibilité à la pollution de l’espèce j (variant entre 1 et 5) ; Vj : valeur indicatrice de l’espèce j, liée à l’amplitude écologique de l’espèce par rapport à la pollution.

a. Echantillonnage, préparation des lames et détermination des

diatomées

Suite à la mise en place de la DCE, des normes européennes ont vu le jour : EN 13946 (CEN, 2004) concernant le prélèvement et la préparation de lames d’observation et EN 14407 (CEN, 2007) pour l’identification, l’énumération et l’interprétation des échantillons de diatomées benthiques en rivière. En France, le protocole IBD fait l’objet d’une norme homologuée NF T 90-354 (AFNOR, 2007a), décrivant les différentes étapes de l’analyse, du prélèvement à l’interprétation.

faciès privilégiés sont les faciès lotiques, dans des radiers afin d’éviter les zones de dépôt (débris ou diatomées mortes). Les substrats doivent être facilement prélevables à la main (faible profondeur) et préférentiellement dans des milieux bien éclairés. Une surface de 100 cm² est brossée idéalement sur un minimum de 5 pierres (entre 64 et 256 mm) différentes ou 10 cailloux (entre 16 et 64 mm) afin de limiter les risques d’hétérogénéité. Avant chaque prélèvement, les pierres sont délicatement remuées dans l’eau afin d’éliminer les éléments non accrochés. Dans les cas où les conditions ne permettent pas ce type de prélèvement, un racloir peut être utilisé pour prélever les diatomées sur des substrats durs immergés (3 passages). Le prélèvement est ensuite collecté dans un récipient hermétiquement fermé et généralement fixé à l’aide d’un agent de conservation (éthanol 70 % ou formaldéhyde 10 %). Il est ensuite étiqueté avec les informations importantes permettant de l’identifier et transporté au laboratoire. Une fiche de description de la station accompagne le prélèvement. L’échantillon subit ensuite différents traitements destinés à ne recueillir que les frustules de diatomées. Sous hotte aspirante, l’échantillon est additionné de peroxyde d’hydrogène afin de détruire la matière organique présente dans les frustules. Cette opération peut être réalisée à chaud afin de catalyser la réaction. Après une seconde phase de refroidissement et décantation, quelques gouttes d’acide chlorhydrique sont ajoutées afin de dissoudre le carbonate de calcium. S’en suivent 4 cycles de rinçages / décantation à l’aide d’eau déminéralisée afin de retirer la majorité des produits utilisés pour le traitement tout en préservant le culot de diatomées traitées. Le culot est remis en suspension avant de déposer quelques gouttes à sécher sur une lamelle, dont la concentration sera contrôlée. Si les valves sont trop peu nombreuses, l’échantillon sera concentré et si elles sont trop nombreuses et se superposent, l’échantillon sera dilué. Lorsque la concentration est optimale pour le comptage, les diatomées sont montées entre lame et lamelle à l’aide d’une résine à fort indice de réfraction, comme le Naphrax©. Une fois la lame montée, sa qualité est contrôlée, l’énumération et la détermination des valves peuvent alors débuter.

Le comptage est réalisé sous microscope optique muni d’un objectif x 100 à immersion. La lame est balayée par transect afin de ne pas recompter les mêmes champs et la totalité des valves sont énumérées et inventoriées jusqu’à atteindre un nombre minimum de 400 unités taxonomiques (valves ou frustules). La bibliographie utilisée est également répertoriée dans la norme et elle peut être étendue à de nombreuses autres références et articles scientifiques. Les différents taxons répertoriés sont codifiés par des codes à 4 lettres. Les inventaires ainsi obtenus sont saisis dans le logiciel OMNIDIA© où les différents indices sont calculés.

b. Les indices utilisés en France : IBD et IPS

Les deux principaux indices basés sur les diatomées benthiques utilisés en France sont l’IPS (Indice de Polluosensibilité Spécifique ; CEMAGREF (1982)) et l’IBD (Indice Biologique Diatomées ; Lenoir and Coste (1996)). Ce sont des indices de qualité biologique globale de l’eau, notée de 1 (eaux fortement impactées) à 20 (eaux non impactées).

L’IPS a été mis au point sur le bassin Rhône-Méditerranée-Corse en 1982 par le CEMAGREF à partir de 2800 relevés et 3143 taxons. Il prend en compte la totalité des espèces d’un inventaire auxquelles sont affectées des valeurs de sensibilité et des valeurs indicatrices. Les valeurs de sensibilité sont comprises entre 1 (espèce polluorésistante, indicatrice de mauvaise qualité d’eau) et 5 (espèce polluosensible, indicatrice de bonne qualité d’eau). Cet indice a une bonne corrélation avec la qualité physicochimique de l’eau. Les valeurs indicatrices sont, quant à elles, estimées par un nombre compris entre 1 et 3 qui reflète l’amplitude écologique des espèces (1 : faible valeur indicatrice, ubiquiste ; 3 : forte valeur indicatrice). En effet, une valeur indicatrice faible indique une large amplitude de tolérance à la qualité de l’eau alors qu’une valeur forte indique une amplitude restreinte. Cet indice est plus sensible aux valeurs extrêmes de qualité que l’IBD.

L’IBD a été développé en 1996 par Lenoir and Coste (1996) et normalisé en 2000 (AFNOR, 2000) à partir de 1372 relevés. Il a ensuite été mis à jour en 2007 (AFNOR, 2007a; Coste et al., 2009) sur la base de 3000 relevés et plus de 800 taxons vrais contre 209 pour l’ancienne version. De plus, parmi ces taxons, 120 sont sujets à des déformations tératologiques et peuvent se voir affectés un profil spécifique « altéré » lorsque les formes anormales sont effectivement inventoriées. Aujourd’hui, la base de données est régulièrement mise à jour du fait de l’évolution rapide de la taxonomie (environ 400 nouvelles espèces décrites chaque année dans le monde). Cependant, toutes les espèces d’un inventaire ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’indice. L’IBD a été conçu de la façon suivante : 7 classes de qualité de l’eau ont tout d’abord été définies à partir des données abiotiques mesurées pour chaque relevé. Ensuite, pour chaque taxon, le calcul des probabilités d’abondance relative dans chaque classe de qualité a été réalisé. La note IBD d’un échantillon est alors calculée selon la formule de Zelinka and Marvan (1961) à partir de l’abondance relative de chaque taxon de l’inventaire et sa probabilité d’abondance relative dans les classes de qualité définies. Ces indices sont généralement calculés conjointement lors des suivis de routine à l’aide d’un logiciel spécialement conçu dans ce but : OMNIDIA© (Lecointe et al., 1993). Il regroupe des informations concernant les taxons et les références qui leur sont associées, leurs synonymies ou appariements, des informations sur les différents indices qu’il calcule, et une interface permettant la gestion d’un grand nombre d’inventaires qu’il est facile