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3 LES COMMUNAUTES LOCALES : ENTRE DECENTRALISATION ET GESTION

3.2 L A STRUCTURATION SOCIALE , SPATIALE ET POLITIQUE : UNE DESCRIPTION HISTORIQUE

DESCRIPTION HISTORIQUE

Le Canton Fang-centre, long d’une distance de 42 km, réunit 16 villages aux structures sociales héritées à la fois du fonctionnement traditionnel des populations locales et de l’administration coloniale. La concentration de ces villages le long de l’axe routier est une des conséquences de la volonté coloniale du début du 20éme siècle après la première guerre mondiale. Cette répartition spatiale des populations fait suite à une dispersion géographique d’habitats traditionnels, de tailles restreintes et au fonctionnement autonome lié au système de parenté : le hameau.

3.2.1 L’organisation sociale, spatiale et politique du hameau : période pré-coloniale

3.2.1.1 L’unité lignagère et son mode de fonctionnement

Le hameau constitue une unité lignagère dont le fonctionnement politique est régi par l’autorité représentée par l’aîné du lignage fondateur. L’unité lignagère a un fonctionnement autonome et également dynamique (exogamie). En effet, d’après les enquêtes effectuées les hommes d’un même lignage restent, en général, au sein du même hameau alors que les femmes se déplacent dans d’autres hameaux, constitués d’unités lignagères différentes, afin de s’installer et de vivre avec leur mari. De plus, ces

(particularité qui allait changer pendant la période coloniale et qui est décrite par la suite). D'après les enquêtes réalisées dans les villages du canton Fang-centre, il est interdit de se marier entre membres du même lignage si la relation de parenté est inférieure au moins à trois générations.

3.2.1.2 Segmentation de lignage par accroissement des membres du hameau

Les modes de vie communautaires régissant les rapports entre les membres d’un même hameau deviennent difficiles à réguler et à respecter en fonction de la taille de celui-ci (Laburthe-Tolra, 1981). En effet, la fonction de chef de patrilignage est remise en question lorsque la taille de la famille s’agrandit. Ce phénomène incite à la segmentation de lignage sous la forme de création de multiples petits hameaux lignagers indépendants, répondant de l’autorité de l’aîné et à l’emplacement spatial distinct de celui dont ils se sont séparés. En conséquence, tous les hommes d'un même lignage ne résident pas dans le même hameau et se sont généralement les frères où les fils cadets du chef du hameau, possédant une famille nombreuse, qui sont à l’origine de cette segmentation du lignage. D’après Burnham (1980), dès que le groupe atteint plusieurs dizaines de personnes, des tensions suscitées par la place du chef de patrilignage incite à la segmentation de celui-ci.

3.2.2 L’influence de l’époque coloniale sur la structuration sociale, spatiale et politique dans la zone d'étude

3.2.2.1 Akoafem et Djoum : deux villes héritées de la période coloniale

La province Sud comptait à la fin du 19éme siècle principalement deux villes : Ebolowa et Akoafem (Santoir, 1995). D'après les villageois enquêtés, Akaofem fut construite sous l’autorité des colons allemands. Durant la première guerre mondiale, la ville d’Akoafem fut détruite par les affrontements entre Français et Allemands. Quelques années après la guerre, les colons français décidèrent sa reconstruction. Cependant, la volonté de faciliter les déplacements vers Yaoundé contribuèrent, en partie, les colons à engager la reconstruction de la ville plus au nord, à l’intersection de trois pistes dont une menait à Yaoundé. La construction de cette nouvelle ville, dénommée Djoum, ainsi que le déplacement des hameaux présents autour de l’ancienne ville d’Akoafem débuta vers les années 1920.

3.2.2.2 Le regroupement de hameaux dispersés au sein d'un village

De multiples hameaux se sont transformés, par la politique de sédentarisation de l’autorité coloniale, en un regroupement de plusieurs hameaux au sein de villages suivi du rassemblement de plusieurs villages au sein du canton Fang-centre. La politique de mise en valeur du territoire par les forces coloniales a contribué au rassemblement géographique de plusieurs familles autonomes au sein d'une implantation commune d'origine coloniale : le village. Les villages regroupent en moyenne 500 habitants. Son fonctionnement était régi à la fois par des pratiques traditionnelles et une organisation administrative opérant en parallèle. La mémoire collective locale, à travers les enquêtes effectuées, fait mention d'une des politiques coloniales concernant l’exploitation des

ressources du pays par les populations devenues une main d’œuvre locale sous le pouvoir colonial.

Treize villages ont ainsi été créés et placés le long de l’axe routier joignant Djoum à Oveng. Ces villages sont issus de la concentration de plusieurs hameaux appartenant à la même ethnie : les Fangs, lesquels constituent un groupe linguistique (les Bantou). Si la majorité des habitants du canton Fang-centre appartiennent à l’ethnie Fang (excepté pour les alliances effectuées lors des mariages), l’ensemble des Fang sont regroupés sur une zone beaucoup plus étalée qu’un canton.

Ces 13 villages appartiennent soit au clan des Yekombo soit au clan des Yebong. A noter que trois autres villages étaient déjà présents le long de cet axe : deux appartiennent à un clan différent, lequel a donné naissance à un patrilignage différent : les Yémékak ; le troisième village appartient au clan Yebong. Chaque village est composé du rassemblement de hameaux aux même origines patrilignagers. Cependant un lignage n'est pas concentré que dans un seul village. Le village ne constitue pas un niveau du système de parenté, c'est une création coloniale qui se superpose à celui-ci. Trois patrilignages sont présents dans le canton Fang : les Essa ntimbane, les Essa nyane6 et les Yémékak (Figure 8). Les villages sont composés de plusieurs quartiers7

regroupant des familles étendues, laquelle est une nouvelle forme de segmentation de lignage. Burnham (1980) souligne à propos des quartiers d'un village qu'ils rassemblent les membres d'un même lignage ayant conservé leur unité.

Les familles étendues s'installent dans un quartier du village autour d'un corps de garde (hangar), lieu de palabre, symbolisant leur appartenance à cette entité lignagère nouvelle et reconnaissant alors l’autorité familiale d’un nouveau représentant. La figure suivante illustre la présence du corps de garde au milieu du quartier Mannlam du village d’Nkolenyeng.

6 Un pacte d’amitié a été signé au début du 20éme siècle entre les Essa ntimbane et les Essa nyane.

7 A noter qu’un quartier pygmée (Baka) est généralement présent dans les villages du canton Fang-centre mais cette unité sociale n’a pas été représentée dans la Figure 8 car l’étude concernant la structuration sociale représentait un travail spécifique. Ce sont des chasseurs cueilleurs semi-sédentarisés dont la

Figure 7 : Corps de garde (hangar symbolisant le lieu de palabre) du quartier de Mannlam dans le village d’Nkolenyeng

3.2.2.3 La situation actuelle

Le fonctionnement de ces sociétés est lié au système de parenté. La Figure 8 présente l'organisation sociale de la zone d'étude en fonction d'une configuration spatiale. La Figure 9 est une représentation schématique de l'emboîtement des différentes configurations spatiales au sein d'un canton en fonction de l’organisation sociale.

Figure 8 : Organisation sociale de la zone d’étude en fonction d’une configuration spatiale

8

Figure 9 : Représentation de l’emboîtement des différentes structures sociales au sein d’un espace (les limites entre les différentes structures sociales sont perméables et non fixées)

8Cependant un patrilignage n’est pas concentré que dans un seul village. Le village ne constitue pas un Organisation sociale Ethnie Clan Patrilignage Famille étendue Foyer Fang Yebong Yekombo ? Configuration spatiale Le canton Zone de canton Village Quartier Maison-cuisine Essa ntimbane

Essa nyane Yemekak

Zone d’étude

Légende :

Axe routier

Famille étendue comprenant les foyers (quartier)

Patrilignage (Village)

Partie d’une ethnie (Canton)

Clan ou partie d'un clan (zone du canton)

3.2.3 Le représentant administratif local des colons et sa légitimité face à la chefferie traditionnelle

L’administration coloniale de l’époque a nommé un représentant de celle-ci dans chaque village : le chef de village. Chaque village du canton Fang-centre compte un chef de village dont son rôle est de jouer l’intermédiaire entre le sous-préfet de Djoum et les populations locales. Cependant, sa fonction n’a pas été fondée sur le système coutumier ou parenté. L’autorité représentée par le chef de village n’est donc pas toujours effective car indépendante du fonctionnement traditionnel des lignages. Pour Geschiere (1982) sa légitimité officielle n’est pas acceptée. Celle-ci est remise en question par les populations locales qui reconnaissent d'avantage celle des chefs de lignage. Cependant, l’autorité de la famille étendue, représentée par son leader, est la plus directe. Néanmoins, il existe plusieurs sources légitimes de pouvoirs en fonction des problèmes rencontrés.

Ces sociétés présentent un système politique dit segmentaire, dont les aînés représentent plus un pouvoir de persuasion qu’une autorité hiérarchique indiscutable (Geschiere, 1982). Selon les pouvoirs relèvent aussi bien de la parenté, que de l’aînesse et structure leurs modes d’appropriation des ressources naturelles.