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Faire revivre le passé

L’ÉPAISSEUR TEMPORELLE

A. L A RÉFÉRENCE À L ’A NTIQUITÉ

Fluctuations de l’historia magistra vitæ au tournant des Lumières

Au XVIIIe siècle, la référence antique, avec son lot d’exemples et de parallèles plus ou moins obligés, s’impose à quiconque souhaite écrire l’histoire, au même titre que l’histoire biblique. Gorgés de culture grecque et romaine, les historiographes des Lumières se distinguent peu de ceux des XVIe et XVIIe siècles : ils puisent dans un réservoir commun les analogies susceptibles de faire comprendre les faits narrés à la lumière d’anecdotes connues de tous. L’Antiquité acquiert toutefois chez les historiens du XVIIIe siècle un statut nouveau : elle cesse d’être considérée comme

une période isolée à laquelle nul ne peut prétendre se comparer et devient une source de principes que les sociétés modernes appliquent à leur propre développement157. Cela dit, si l’usage qu’on en fait devient plus utilitaire, « l’Antiquité ne cesse pas d’être un conservatoire de modèles et d’exemples moraux et civiques158 ». Dans l’introduction de ses Observations sur l’histoire de la Grèce publiées en 1766, Mably attribue explicitement à l’histoire antique cette fonction de modèle et d’« école de morale et de politique » :

Ce serait un grand malheur, si on se lassait d’étudier les Grecs et les Romains; l’histoire de ces deux peuples est une grande école de morale et de politique : on n’y voit pas seulement jusqu’où peuvent s’élever les vertus et les talents des hommes sous les lois d’un sage gouvernement; leurs fautes mêmes serviront éternellement de leçons aux hommes159.

Cette idée selon laquelle l’histoire de l’Antiquité serait une « école » renvoie directement à la tradition de l’historia magistra vitæ, c’est-à-dire de l’histoire considérée comme maîtresse (au sens pédagogique du terme) de la vie. De nature essentiellement analogique, cette tradition repose sur la mise en parallèle de deux temporalités, le passé antique et le présent. Postulant que des causes semblables produisent des effets semblables, l’historia magistra vitæ prône l’imitation, soit pour répéter les événements glorieux, soit pour éviter les événements funestes. Dans cette tradition, les événements passés sont autant d’exempla : la portée d’une anecdote (cas

157

Voir Philippe Ariès, le Temps de l’histoire, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 1986, p. 204 et Jean Marie Goulemot, le Règne de l’histoire. Discours historiques et révolutions XVIIe-XVIIIe siècle,

Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel Idées », 1996 [1975], p. 147-150. Comme le dit Goulemot, « pour les hommes de l’âge classique, l’histoire romaine appartient à un moment unique de l’histoire de l’humanité, et l’on se refuse le plus souvent à assimiler les républiques modernes à leur glorieuse ancêtre » (ibid., p. 150). L’Antiquité peut être rapprochée abstraitement, mais non pas

assimilée à l’époque contemporaine.

158

Philippe Ariès, op. cit., p. 204

159

Mably, Observations sur l’histoire de la Grèce, ou des causes de la prospérité et des malheurs des

particulier) est généralisée pour être rendue applicable à l’ensemble des cas semblables160. L’usage d’un exemplum suppose non seulement d’accepter la logique du raisonnement par induction, mais également de reconnaître la contiguïté des situations mises en parallèle. Autrement dit, juger les événements contemporains à l’aune de l’Antiquité implique de reconnaître la similarité des situations et des époques, de même que la possibilité de glisser de l’une à l’autre.

Bien qu’il se fasse historiographe du présent et qu’il récuse l’anticomanie contemporaine161, Mercier ne rompt pas avec cette tradition. S’il innove par la forme de son ouvrage, par son style journalistique et par son regard à la fois mobile et pénétrant, il écrit l’histoire de manière relativement classique en ponctuant ses réflexions de références antiques, surtout romaines. Mercier avoue avoir été nourri d’histoire romaine dès sa plus tendre enfance :

Le nom de Rome est le premier nom qui ait frappé mon oreille. Dès que j’ai pu tenir un rudiment, on m’a entretenu de Romulus et de sa louve. On m’a parlé du Capitole et du Tibre. Les noms de Brutus, de Caton et de Scipion me poursuivaient dans mon sommeil. On entassait dans ma mémoire les épîtres familières de Cicéron; tandis que, d’un autre côté, le catéchiste venait le dimanche, et me parlait encore de Rome, comme de la capitale du monde, où résidait le trône pontifical, sur les débris du trône impérial : de sorte que j’étais loin de Paris, étranger à ses murailles, et que je vivais à Rome que je n’ai jamais vue, et que probablement je ne verrai jamais.

Les Décades de Tite-Live ont tellement occupé mon cerveau pendant mes études, qu’il m’a fallu dans la suite beaucoup de temps pour redevenir citoyen de mon propre pays, tant j’avais épousé les fortunes de ces anciens Romains (TdP, I, p. 206-207).

160

Voir Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche », 1992, p. 146.

161

« On ne saurait trop combattre la manie de ces hommes aveugles et jaloux, qui ont pris à tâche dans tous les siècles, de louer prodigieusement les morts ; le tout pour contester aux vivants leurs succès, sans songer que ceux-ci deviendront anciens à leur tour » (TdP, I, p. 1120).

Ce témoignage ne manque pas d’être ironique et Mercier, s’il avoue la « romanophilie » qui a marqué sa jeunesse, se montre éminemment critique à l’égard des pratiques d’enseignement qui l’ont condamné à un double exil (géographique et temporel) en faisant de lui un Romain à Paris et un ancien dans le présent. Quoi qu’il en soit, son intérêt récent pour le Paris contemporain (« ce n’est que depuis quelques années que je ne sais quelle lueur de bon sens m’a rendu français et habitant de Paris » [TdP, I, p. 207]) n’a pas fait disparaître l’arrière-plan antique qui demeure une référence importante chez lui.

On ne s’étonne pas de voir Mercier mobiliser, dans le Tableau de Paris, les exemples romains et athéniens qu’il fait agir comme pôles de comparaison avec le présent. La valeur de la comparaison varie grandement au sein de l’œuvre, de telle sorte que ni le présent ni le passé ne l’emporte véritablement sur l’autre.

Je ne sais ce qui se passait aux bacchanales du peuple romain ; personne n’a fait le tableau de Rome ; mais dans aucune ville du monde ancien, on ne retrouvera, je crois, les amusements vils et grossiers de la populace parisienne (TdP, I, p. 1181) ;

C’est parce que nous sommes issus de barbares que nous avons imaginé d’ôter la vie à qui nous enlèverait quelques pièces de monnaie. Les Grecs, les Romains, les Juifs même, tout Juifs qu’ils étaient, ne punissaient le vol que par des châtiments passagers ; pour nous, vilainement entachés de la plus cruelle avarice, nous étranglons des hommes pour conserver plus sûrement notre or (TdP, I, p. 884).

Malgré son attachement à la contemporanéité, Mercier ne manque pas de reconduire ici l’idée selon laquelle l’Antiquité lui est supérieure. Cela est également manifeste au chapitre « Athènes rétablie » où Mercier se réjouit du « projet grec » de Catherine II de faire renaître l’ancien monde grec. Le ton du chapitre rend bien compte de

l’emportement de l’auteur qui envisage avec enthousiasme le rétablissement de l’« antique patrie » des philosophes, des orateurs et des historiens. S’adressant à une communauté d’hommes de lettres indéfinie, il renie pour un instant son présentisme et plonge de plain-pied dans le fantasme d’une renaissance athénienne :

Vite, mes amis, embarquons-nous; allons sous le ciel fortuné où l’esprit est vif et fin, ingénieux et profond. Nos archontes, venus du Nord, ont encore la glace aux talons; ils ne savent pas répondre à nos bons mots; ils font la guerre à nos brochures. Retournons, nous favoris des muses, retournons aux lieux d’où nous sommes sortis.

Je me sens un peu athénien, mes amis. Tout pays où l’on ne cause pas en liberté est un triste pays, et bientôt tout le reste s’en ressent.

Ressaisissons la gloire des talents; rouvrons le séminaire de l’éloquence, de la philosophie, du goût et de la politesse; montrons à l’univers le peuple qu’il regrette encore. Nous serons mieux là que dans la ville barbare, où la hache de la sottise coupe les racines de l’arbre des beaux-arts, où l’on veut lier notre langue, fermer notre bouche, où l’on métamorphose parfois en vil carton nos productions les plus ingénieuses ! (TdP, II, p. 37)162.

De tels passages critiquant Paris, au point de souhaiter le retour dans un passé lointain, sont plutôt rares chez Mercier et ils ne doivent pas être pris au pied de la lettre. Lorsqu’il rédige ce chapitre du volume VII, Mercier est en exil dans les Alpes suisses : les premiers volumes de son Tableau ayant été interdits, il est recherché à Paris et risque la prison. Persécuté en France, il cherche à dénoncer l’intolérance du pouvoir royal en lui opposant un modèle légendaire (Athènes) dont l’autorité est si grande que nul ne songerait à la contester, pas même le pouvoir visé par la critique. La glorification hyperbolique de la cité grecque fait partie d’une stratégie argumentative : il s’agit non seulement d’exagérer la liberté philosophique de

162

Si Mercier se montre ici favorable à la liberté d’expression et dénonce l’usage du pilon (à la fin du XVIIIe siècle, on cesse de brûler les livres interdits par la censure ; on les recycle en les faisant passer au pilon, une machine qui les transforme en carton), il fait tout le contraire quelques pages plus loin. Au chapitre « Saisies », il se réjouit du fait que les livres contraires à la morale qui sont confisqués aux portes de Paris soient « broy[és] sous une machine faite exprès, et qui métamorphose ces pages scandaleuses en cartons utiles » (TdP, II, p. 146).

l’Athènes de Platon, mais de la présenter comme la patrie originelle des hommes de lettres, ces « favoris des muses » auxquel Mercier enjoint de « retourn[er] aux lieux d’où nous sommes sortis ». Les verbes itératifs ont la même fonction (« retournons », « ressaisissons », « rouvrons ») : chassé de Paris, l’auteur rêve d’une cité idyllique pour la communauté d’écrivains à laquelle il se rattache, une cité où, de surcroît, il ne serait plus en exil, mais bien de retour aux sources. L’image d’Athènes rétablie par les bons soins de Catherine II lui sert donc à opposer à la France contemporaine un modèle ancien qui fait autorité tout en restant dans le présent (le projet de l’impératrice est justement de faire renaître la Grèce ancienne en plein siècle des Lumières). C’est là un bon exemple de l’historia magistra vitæ : partant du principe selon lequel les mêmes causes (institutions, politiques) créent nécessairement les mêmes effets (une cité florissante), Mercier utilise l’histoire antique comme une source d’exemples dont l’intérêt réside précisément dans leur applicabilité au présent. Le dessein de Mercier est moins de vanter l’absolue supériorité du modèle grec que de critiquer, par contraste, les institutions françaises pour les mettre, ultimement, sur la voie du changement.

Cela étant, le parallèle avec l’Antiquité ne vise pas systématiquement à apporter un enseignement au monde contemporain. Si l’avantage va tantôt aux anciens, tantôt aux modernes163, la plupart du temps, l’analogie demeure neutre et ne vise à établir nulle hiérarchie. Tout se passe alors comme si la seule mise en parallèle suffisait. C’est le

163

Par exemple: « Notre première origine du moins est plus noble que celle de Rome. Nous n’avons pas eu pour fondateur un berger Romulus, qui, pour peupler sa petite ville, fit signifier à tous les voleurs, brigands, meurtriers de l’Italie et de la Toscane, de venir jouir chez lui d’une sauvegarde infâme » (TdP, I, p. 427).

cas par exemple lorsque Mercier parle des querelles d’acteurs (« Quelquefois le public prend parti pour une actrice. La ville alors se divise en deux factions, ainsi que le fut jadis Rome, au sujet de deux pantomimes, Batyle et Pylade » [TdP, II, p. 706]) ou encore lorsqu’il compare l’espace ouvert des quais parisiens au paysage urbain de Babylone (« La vue des quais, depuis Passy jusqu’à l’Arsenal, retrace à l’imagination les quais de Babylone » [TdP, II, p. 1039]). Il ne s’agit pas de hiérarchiser, mais simplement de mettre en parallèle. Autrement dit, la référence antique vaut en elle- même et son contenu importe peu. Cette fonction apparaît explicitement au chapitre intitulé « La nouvelle Athènes » dans lequel Paris, par son champ d’influence, est comparé à la capitale grecque : « Paris représente l’ancienne Athènes. On voulait être loué des Athéniens; on ambitionne aujourd’hui le suffrage de la capitale de France » (TdP, I, p. 44). L’analogie n’implique aucune hiérarchie, mais le prestige du comparant (Athènes) se réfléchit sur le comparé (Paris), de telle sorte que la capitale française se trouve grandie du rapprochement. Ailleurs, Mercier ne semble tracer de parallèle que pour en montrer les limites. C’est le cas au chapitre DXLV où il énumère une série de scènes parisiennes singulières en passant par le regard fictif du lieutenant de police d’Athènes :

Le lieutenant de police d’Athènes voyait-il tous les mois à ses genoux deux ou trois cents créatures en linge sale et en fontanges, dont la plupart font soulever le cœur, lui faire une révérence que le genou caractérise fortement contre une seule et misérable jupe, et filer ensuite l’une après l’autre pour se rendre au Cynotarge ?

Était-il obligé de courir après un misérable pamphlet, dont se plaignait un prêtre de Cérès ? Avait-il à la fois le département des brochures clandestines et de tous les mouchoirs volés ? Se servait-il de la même meute pour suivre à la piste un voleur ou un libraire ? Opposait-il savamment filous à filous, délateurs à délateurs, pour mieux inspecter et tirer parti de cette racaille ? (TdP, II, p. 30)

Le parallèle étonne, car si le Paris du XVIIIe siècle peut globalement être comparé à l’Athènes du Ve siècle av. J.-C. (par son prestige, son influence, ses lumières), l’analogie devient absurde lorsqu’elle rapproche des mœurs ou des traits culturels trop particuliers. Imaginer à Athènes un lieutenant de police devant gérer des situations toutes parisiennes a quelque chose de ridicule. Certes, la mise en parallèle est un bon moyen de donner à voir l’arbitraire des usages parisiens en les campant dans un contexte étranger, mais une telle analogie trace aussi les limites de l’historia

magistra vitæ. On l’a vu, l’efficacité de cette dernière repose sur la contiguïté des

époques rapprochées : le passé ne peut être utilisé comme exemplum que s’il partage avec le présent suffisamment de points communs. Or la position de Mercier est ambiguë : d’un côté, la bizarrerie du rapprochement semble invalider l’historia

magistra vitæ, mais, de l’autre, la Grèce est explicitement présentée, dans le même

chapitre, comme un modèle de pensée : « Or, il faut qu’un lieutenant de police de nos jours soit un peu grec. […] Il fut une occasion où un lieutenant de police de nos jours se comporta en véritable Athénien » (TdP, II, p. 34). Le « comportement athénien » est donné en exemple et appelle à être imité. Force est de constater que la référence antique occupe dans l’œuvre différentes fonctions qui vont de la glorification classique de l’Antiquité au parallèle idéologiquement neutre. Chacune de ces fonctions sous-tend une conception du lien (plus ou moins grand, plus ou moins direct) entre le passé et le présent. En cela, on peut dire que la variété des usages de la référence antique dans le Tableau est représentative de la multiplicité des valeurs accordées au passé et au présent à la fin du XVIIIe siècle. Autrement dit, dans une société déchirée entre la culture antique qui l’a nourrie et le progrès auquel elle

aspire, il n’est pas étonnant de voir la référence antique osciller ainsi entre différentes fonctions et différentes valeurs.

L’historia magistra vitæ à l’épreuve de la Révolution

La Révolution qui éclate quelques mois après la parution du dernier tome du Tableau vient modifier le rapport à l’Antiquité de même que son usage dans le discours historique. On pourrait croire que la Révolution, qui revendique une coupure radicale avec le passé, prendrait ses distances avec l’historia magistra vitæ, n’ayant rien à apprendre de ces siècles de barbarie qui ont précédé l’avènement de la liberté. Or les choses sont plus complexes, car la régénération souhaitée est loin de rejeter le passé aussi radicalement que le laissent croire certains discours. Les révolutionnaires ne rejettent le passé récent que pour mieux embrasser le passé lointain, ce temps mythique de l’Antiquité qui alimente leurs utopies. On le verra, la Révolution ne se pose pas uniquement comme une rupture, mais également comme un retour, comme une renaissance (de la liberté, de la démocratie, de la République). La référence antique continue ainsi d’être utilisée pour légitimer les réformes en cours.

Peu de révolutionnaires se revendiquent de l’Antiquité avant la proclamation de la République en 1792. À partir de cette date toutefois, l’Antiquité, inventrice de la République, devient un modèle auquel s’identifient les Français. Comme l’indique Claude Mossé, qui a consacré un ouvrage à la question, la référence à Rome ou à

Athènes fait partie intégrante de la rhétorique parlementaire : « il ne s’agissait pas d’emprunter telle ou telle institution précise à Rome ou aux cités du monde grec, mais d’évoquer l’exemple des républiques anciennes pour justifier ou au contraire dénoncer telle ou telle mesure proposée164 ». Encore une fois, le contenant a préséance sur le contenu de la référence. Hormis cette fonction rhétorique, l’Antiquité agit comme référence légitimante dans le transfert de sacralité qui s’opère à la Révolution. Selon Roger Chartier, qui aborde ce sujet dans les Origines culturelles de

la Révolution française, « la référence antique, romaine et grecque, substituée à la

citation biblique, fournit, tout à la fois, un lexique et une esthétique à ce transfert de sacralité165 » qui fait de la France des Lumières un terreau propice au développement des idées révolutionnaires. Claude Mossé abonde dans le même sens lorsqu’il évoque la volonté des révolutionnaires de « remplacer les saints du calendrier chrétien par des saints républicains. Et où les trouver mieux que dans cette Antiquité mythique qui avait inventé la république166 ? ». Volney, dans ses Leçons d’histoire, considère d’ailleurs explicitement l’anticomanie révolutionnaire comme un substitut de la référence religieuse : « Nos ancêtres juraient par Jérusalem et la Bible et une secte nouvelle a juré par Sparte, Athènes et Tite-Live167. » L’Antiquité, une fois de plus, agit à titre de référence légitimante et opère le transfert de sacralité qui marque le passage de l’Ancien Régime à la démocratie.

164

Claude Mossé, l’Antiquité dans la Révolution française, Paris, Albin Michel, coll. « L’aventure humaine », 1989, p. 74.

165

Roger Chartier, les Origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2000 [1990], p. 245.

166

Claude Mossé, op. cit., p. 134.

167

Volney, Leçons d’histoire prononcées à l’École normale, Paris, Baudouin frères, 1826; cité par Claude Mossé, ibid., p. 148.

Mais pourquoi les révolutionnaires se tournent-ils spécialement vers l’Antiquité alors que d’autres modèles sont disponibles ? Mona Ozouf cherche à répondre à cette question dans une partie de son ouvrage consacré à la fête révolutionnaire. Elle conclut que la référence antique est particulièrement bien adaptée à l’imaginaire révolutionnaire, qui est obsédé par les origines : l’histoire antique est une histoire originaire qui « paraît aux hommes de la Révolution une société toute neuve, innocente, où l’adéquation des paroles et des actes est entière168 ». Dans un imaginaire où le temps est perçu comme un élément corrupteur qui éloigne de l’authenticité de l’origine, il n’est pas étonnant de voir les révolutionnaires se réclamer de la pureté de la société antique. « Ce qui compte, poursuit Ozouf, c’est de pouvoir penser une société dans laquelle l’institué n’a pas encore marqué d’écart trop

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