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L A PROFESSION D ’ ACCONIER

Dans le document Décision 11-D-01 du 18 janvier 2011 (Page 5-12)

16. La loi n° 66-420 du 18 juin 1966, relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes précise, en son article 50, que « l’entrepreneur de manutention est chargé de toutes les opérations qui réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire ».

17. Le terme « acconier » (ou « aconier »), le plus couramment utilisé aujourd’hui pour les entreprises de manutention, désigne donc une entreprise chargée d’effectuer des opérations de manutention à quai et à bord des navires. Juridiquement, l’acconier est responsable de la marchandise durant les opérations de chargement, de déchargement et de stockage.

18. Le président du Syndicat des Entrepreneurs de Manutention Portuaire de La Réunion (SEMPR) a déclaré (cotes 612 à 614) : « A La Réunion, sur le plan juridique l’entreprise de manutention est responsable de ses opérations vis-à-vis de son donneur d’ordre, c.a.d la compagnie maritime, comme le prévoit la loi de 1966. La responsabilité du manutentionnaire couvre l’ensemble des opérations du « décrochage » des marchandises jusqu’à la livraison au réceptionnaire. A l’export, la prestation couvre de la prise en charge au réceptionnaire jusqu’à l’ « accrochage » à bord des navires. En cas d’avarie, le

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réceptionnaire sait qu’il doit s’adresser uniquement à la compagnie maritime qui aura la charge de rechercher chez ses sous-traitants l’origine du sinistre ».

19. Le code des ports maritimes prévoit, en son article L.531-2, que le gouvernement dépose chaque année devant le Parlement un rapport (….) sur « la répercussion sur l’ensemble des acteurs de la filière portuaire et maritime des gains de productivité tarifaires des activités de la manutention et sur l’évolution de l’ensemble de la manutention dans les ports français ». Dans chaque port, un rapport est présenté chaque année par le directeur du port ou le chef de service maritime.

La manutention portuaire en métropole

20. Le fournisseur (industriel ou autre) appelé le « chargeur » installé en Europe qui souhaite acheminer des marchandises à destination d’un département d’outre mer fait généralement appel à un transitaire, lequel va en général avoir lui même recours à un transporteur terrestre et à un armateur. Dans un premier temps, la marchandise est acheminée par route dans l’enceinte du port par un transporteur.

21. Ensuite, afin d’assurer l’acheminement et le chargement de la marchandise à bord du navire, le transporteur maritime retenu fait appel à un manutentionnaire (ou acconier) qui facture les prestations à l’armateur. Il n’existe donc en général pas de relation directe entre le chargeur et le manutentionnaire.

22. Les prestations concernées sont, s’agissant des conteneurs,3 de deux types :

introduction du conteneur sur le terminal et mise sur parc4 (ou l’inverse selon les cas) ; reprise du conteneur sur parc et chargement à bord navire5 (ou l’inverse selon les cas).

23. Ces prestations, généralement contractualisées, sont facturées à l’armateur par le manutentionnaire. Ensuite, l’armateur facture au chargeur une partie des coûts de ces prestations via le transitaire. Le montant ainsi facturé se dénomme « Terminal handling charge » (THC). Depuis la fin des Conférences maritimes, fin 2008, le montant des THC est fixé librement.

24. De manière schématique, la situation se présente comme suit dans les ports métropolitains:

FRANCE METROPOLITAINE

Contrat de manutention

3 - Il existe des conteneurs de 20 pieds et de 40 pieds

4 - opération dénommée « receiving/delivery » en langue anglaise

5 - opération dénommée « Lift on/lift off ».

Compagnie maritime ou agent

Manutentionnaire (métropole)

Chargeur (métropole) Contrat de transport maritime =

facturation fret et manutention

Facturation des prestations de manutention

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25. Dans un rapport intitulé « Terminal handling charges6 during and after the liner

conference area » (disponible sur le site

www.ec.europa.eu/competition/sectors/transport/reports), la Commission européenne a fait procéder à une évaluation de l’impact de l’abrogation de l’exemption des conférences maritimes en matière de tarification de manutention portuaire par un cabinet privé, Raven Trading Limited (Ben Hackett). Le but de cette étude, qui porte principalement sur les principaux ports européens, est d’identifier les différents THC appliqués avant et après le 18 octobre 2008, date de la fin des conférences maritimes.

26. Comme le montre le tableau reproduit ci-après, il ressort clairement de cette étude que la fin des conférences s’est traduite par une augmentation des prix de manutention portuaire.

A noter que les prix sont identiques en Europe, quelle que soit la taille des conteneurs tandis qu’ils sont différents en Asie et en Amérique, ce qui est également le cas à La Réunion :

27. Le tableau ci-après, extrait de l’étude, fait apparaître les montants des THC acquittés par les dix compagnies maritimes les plus importantes après octobre 2008, s’agissant du port du Havre :

6 - THC.

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28. Le mode opératoire appliqué en France pour les conteneurs, qui a cours dans les principaux ports du monde (Shanghai, Hong-Kong notamment), diffère radicalement de celui actuellement en vigueur dans les départements d’outremer et notamment à La Réunion.

B -

LA MANUTENTION PORTUAIRE À LA RÉUNION

1- LA PROFESSION DACCONIER À LA RÉUNION

29. La profession d’acconier à La Réunion diffère peu de celle d’acconier en métropole, les opérations portuaires réalisées étant sensiblement les mêmes dans l’un ou l’autre cas. Selon le président du SEMPR (cote 98), « les contrats de manutention sont précaires, les périodes de préavis de rupture étant en général de trois mois ».

30. Un plan social permettant le financement du départ volontaire de 136 ouvriers dockers a été mis en place en 1994, les 140 autres ouvriers dockers non concernés par ce plan ayant été intégrés par contrat à durée indéterminée dans les entreprises de manutention portuaire de La Réunion, selon un « constat d’accord du 22 juillet 1994 ». Ce dernier document prévoyait également la mise en place d’un « comité de suivi économique et financier de la manutention portuaire » destiné à suivre une « charte d’objectifs » et composé de représentants du préfet, de la DDE, de la DDCCRF et des entreprises de manutention.

31. Le président du SEMPR a déclaré, lors de son audition en date du 17 février 2010 : « Le manutentionnaire est contractuellement lié exclusivement à l’armateur (loi de 1966).

L’usage à La Réunion, comme dans d’autres ports du Monde (DOM par exemple ou Italie), veut que ce soit le client final ou son représentant, le transitaire, qui paie directement la prestation « normale » de manutention au manutentionnaire, hors prestations supplémentaires ou exceptionnelles (par exemple embarquement du conteneur vide, heure supplémentaire du dimanche ou de nuit, temps d’attente « technique » comme la pluie….). A La Réunion, la prestation « normale » fait l’objet d’un tarif de référence appelé « commerce » et les prestations supplémentaires font l’objet de tarifs

« compagnies ». On peut estimer que la répartition entre les deux types de factures est de l’ordre de 2/3 (« commerce »)- 1/3 (« compagnies »). Dans le contrat de transport qui lie l’armateur à son client chargeur, il est prévu, pour La Réunion, que ce sont des conditions

« bord » qui s’appliquent, c’est à dire que la compagnie maritime ne prend pas en charge les coûts liés au déchargement, au chargement et à la livraison des marchandises qu’elle a transportées ».

32. Le directeur général de la société Mediterranean Shipping Company France (MSC France) a confirmé cet usage (cotes 87 et 88) : « (…….) il ya uniquement une facturation faite pour le chargement ou déchargement de nos conteneurs vides. La distinction des prestations des manutentionnaires à La Réunion par rapport à celles rendues dans les ports européens est

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au niveau manutention purement identique. Par contre, en ce qui concerne la facturation de déchargement et chargement des conteneurs pleins à La Réunion comme à Nouméa, les Antilles et dans la plupart des ports d’Afrique de l’Ouest, la marchandise est directement facturée à la clientèle par le manutentionnaire, et dans les pays européens cette facturation est faite à l’agent qui facture ce coût au client ».

33. La société CMA CGM a de son côté indiqué : « les frais de manutention des pleins sont à charge de notre clientèle. La ligne maritime supporte les frais de manutention des vides, heures supplémentaires, shiftings, prestations logistiques particulières… ».

34. Chaque manutentionnaire dispose d’une autorisation temporaire (AOT) d’une durée d’un an établie par la CCIR. En contrepartie de l’utilisation des espaces et de l’outillage (portiques), les manutentionnaires versent des redevances à la CCIR sur la base d’un tarif réévalué annuellement. Chaque manutentionnaire possède son propre personnel salarié.

35. Alors que les trois principaux manutentionnaires avaient, par le passé, renforcé la mutualisation de leurs moyens, ils ont récemment décidé de « démutualiser » certaines activités (parc, gares de zones d’échanges, files de contrôle des « gates »).

a) Les relations entre manutentionnaires, compagnies maritimes et chargeurs à La Réunion

De manière schématique, la situation se présente donc comme suit, à La Réunion :

LA REUNION

Contrat de manutention

36. Ainsi, à La Réunion, comme notamment dans d’autres départements d’outre-mer, le chargeur qui supporte directement la part la plus importante du prix de la manutention sur la base du tarif commun dénommé « commerce » ne peut faire jouer la concurrence qu’indirectement et de manière résiduelle sur la composante manutention « compagnies », dans la mesure où le contrat de manutention est conclu pour la globalité de la prestation entre la compagnie maritime et le manutentionnaire. En métropole, le prix de la manutention étant incorporé dans le coût total du fret, la concurrence s’exercera sur la prestation globale de transport facturée au chargeur au moment du choix du transporteur.

37. L’étude économique versée au dossier par les parties7 souligne par ailleurs, au sujet de ce modèle, que « des critiques remontent de quelques gros importateurs de l’île sur le

7 Ernst & Young, page 33.

Compagnie maritime (ou agent)

Manutentionnaire (Réunion)

Chargeur (Réunion)

Facturation au de la

prestationprincipale demanutention

Contrat de transport maritime = facturation fret maritime

Facturation prestations supplémentaires (conteneurs vides, heures supplémentaires…

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manque de possibilité de négociation des prestations de manutention directement avec les manutentionnaires du fait de cette organisation ».

b) Les entreprises de manutention portuaire à La Réunion

38. Quatre entreprises se partagent de l’activité de manutention à La Réunion dans les conditions suivantes :

Somacom : entre 35 et 45 % de l’activité conteneurs de La Réunion ;

SAMR : 5 à 10 % de l’activité RoRo, (transport de véhicules sur remorques), 15 à 40 % de conteneurs ;

SGM Manutention : 90 à 95 % du RoRo, 15 à 40 % des conteneurs ;

Coopérative Ouvrière Réunionaise : 100 % du charbon, 100 % du conventionnel (fers et aciers), 100 % du riz en « big bags », 100 % des céréales en vrac, 100 % du clinker (composant du ciment) et manutention régulière de conteneurs.

LA SOCIÉTÉ DE MANUTENTION ET DE CONSIGNATION MARITIME (SOMACOM)

Il s’agit d’une société par actions simplifiée au capital de 160 000 euros dont le siège social se trouve 1, bis rue Gustave Eiffel au Port. Le capital de la société est détenu par la Société Maritime de financement (SMF) qui est un fonds de placement. L’effectif de l’entreprise est d’environ cent personnes.

Le principal armateur client de la société Somacom (tarif compagnies) est la compagnie maritime MSC tandis que les dix premiers clients de l’activité

« commerce » sont tous des transitaires.

Le chiffre d’affaires réalisé en 2009 par la Somacom s’est élevé à 18 millions d’euros (+9 %) et le bénéfice net à 0,68 million d’euros. Le chiffre d’affaires

« commerce » représente 78 % du chiffre d’affaires total 2009.

LA SOCIÉTÉ DACCONAGE ET DE MANUTENTION DE LA RÉUNION (SAMR)

Sise 21, rue Evariste Parny au Port, elle est constituée dans la forme d’une SAS au capital social de 534 800 €. Il s’agit d’une filiale à 99,99 % de la Société anonyme de Manutention et de Participation, appartenant elle-même au groupe Bolloré. Les comptes de la société SAMR sont consolidés au niveau de la société holding, la société anonyme Financière de l’Odet dont le siège se trouve à Ergué Gaberic (29500)8. Ce groupe a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 6 milliards d’euros en 2009.

Le principal client armateur de la SAMR est le groupe CMA-CGM.

Alors que le chiffre d’affaires de la SAMR marquait une progression constante au cours des exercices 2004 (9,9M€) à 2008 (20M€), le chiffre d’affaires s’est élevé à 15,5 millions d’euros en 2009, en diminution de 22,5 %. Ce dernier exercice s’est d’ailleurs soldé par une perte nette de 1 million d’euros, alors que l’exercice 2008 s’était achevé sur un bénéfice de 1,5M€.

Le chiffre d‘affaires de l’activité « commerce » s’est élevé à 12,953 M€ en 2009 (soit 83 % du chiffre d’affaires total).

8 - Siège administratif : 31-32, quai de Dion Bouton- 92811 - Puteaux

11 LA SOCIÉTÉ SGM MANUTENTION

Située 83, rue Jules Verne au Port, il s’agit d’une société par actions simplifiée au capital de 500 000 euros, filiale de la société Georges Michel ayant son siège à la même adresse. SGM Manutention est présidée par M. Jean X…, lequel préside par ailleurs le syndicat des Entreprises de Manutention Portuaire à La Réunion.

SGM Manutention, qui emploie environ 90 personnes, est en relation commerciale avec l’armateur Maersk Line depuis environ 2006.

Le chiffre d’affaires réalisé en 2009 par SGM Manutention s’est élevé à 10,78 millions d’euros (-20 %) et la perte nette à 66 709 euros (+ 604 527€ en 2008).

c) Les participations communes des sociétés Somacom, SAMR et SGM Manutention

39. Les sociétés SGM Manutention, Somacom et SAMR possèdent chacune des participations à même hauteur dans deux groupements d’intérêt économique (GIE) et une société par actions simplifiée (SAS), ceci notamment dans le but de mutualiser l’outillage technique et informatique :

le GIE Service, Maintenance et Assistance Technique (SERMAT), dont le but est d’ « acquérir et entretenir le matériel de manutention nécessaire aux 3 acconiers pour procéder aux opérations de chargements et déchargements des navires et de réception et livraison des conteneurs destinés à l’export et à l’import » (source Somacom : cote 380). Le chiffre d’affaires annuel (sur la base des exercices 2007-2008) est de l’ordre de 9 M€ ;

le GIE Terminal Gestion Conteneurs (TGC), dont l’objet est « la mise en commun des moyens informatiques nécessaires aux opérations ci-dessus ». Ce GIE a notamment vu la mise en place d’un logiciel de gestion du parc à conteneurs et d’un

« système de communication par GPS avec les chauffeurs de chariots-cavaliers » (même source que la précédente-cote 384). Jusqu’en mai 2007, le GIE TGC, qui avait pour activité la « manutention des conteneurs pour ses trois membres »9 avait également en charge la gestion du personnel pour le compte des 3 acconiers. Le personnel est détaché par la société SGM Manutention ;

la SAS SOMIP, qui assure la maintenance des portiques de la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion, exerce également une activité de chantier naval, notamment pour le compte de la marine nationale. Le chiffre d’affaires annuel (sur la base des exercices 2007-2008) est de l’ordre de 3 M€.

9 - rapport de gestion annuel 2007 SOMACOM

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d) La Coopérative Ouvrière de La Réunion

40. La société Coopérative Ouvrière de La Réunion (COR) est une entreprise de manutention portuaire (code NAP 5224 A), exploitée sous forme de société anonyme à conseil d’administration, dont le siège social se trouve dans la ville du Port. Le capital social (49 600 euros) est détenu par différentes personnes physiques.

41. La COR possède des participations dans différentes entreprises dont certaines ont également une activité dans la manutention portuaire comme la SARL SMART (manutention à Mayotte) et la SAS. INFOPORT (informatique portuaire). Selon son président (cote 46), la COR n’édite pas de tarif, les prix étant fixés « en grande partie de gré à gré », sans remises annuelles.

42. Cette entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 5,9 M€ en 2008 pour un résultat net de 507 138 € au cours de ce même exercice. Le président de la COR a déclaré (lettre en date du 28 juin 2010 au dossier) « Pour l’année 2009, nous avons employé trente ouvriers dockers mensualisés (…….) : « Il est exact que nous avons manutentionné des conteneurs pour le compte de Goldstar Line de 1992 à 2001, année de conclusion d’un accord entre cette compagnie et la CMA CGM qui a imposé son acconier (Georges Michel). Nous continuons à proposer nos services aux compagnies maritimes pour opérer les porte-conteneurs, malheureusement les ententes qui existent entre les compagnies qui desservent La Réunion ne nous permettent pas de mettre notre savoir-faire au service des importateurs réunionnais. Depuis deux ans, nous sommes devenus l’acconier de l’armée française, pour qui nous débarquons et embarquons des conteneurs. Nous sommes équipés de trois supersteackers pour manipuler les conteneurs, et nous avons un effectif de six portiqueurs depuis 1994, formés comme ceux des autres manutentionnaires au Havre ».

Dans le document Décision 11-D-01 du 18 janvier 2011 (Page 5-12)

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