L E DIAGNOSTIC DES OPPOSANTS
4. L E DÉVELOPPEMENT DE LA LUTTE
4.2. La conduite de la lutte
4.2.4. L’organisation et les ressources
Pour avoir une mobilisation collective, il est nécessaire d’avoir accès à des ressources (Mathieu, 2002). Les ressources peuvent être : le nombre de personnes, les compétences du groupe et son potentiel, les expériences antérieures, la présence d’un leader et de professionnels, la structure de recrutement, le financement, l’organisation interne et le partage d’une identité collective (Duperré, 2002 : 84). Le contrôle de ces ressources facilite et favorise la mobilisation, l’organisation et la réalisation d’actions collectives.
Le mouvement contre la réforme de l’assurance‐emploi n’a pas d’organisation rigide et structurée. Chaque organisation membre des coalitions provinciales fonctionne à partir de leur base matérielle et organisationnelle (locaux et personnel). Il n’y a pas de rapports de subordination entre les différentes organisations faisant partie du mouvement, chacun entreprenant ses propres actions compte tenu de l’objectif général de la lutte. Les porte‐parole assurent la coordination et présentent leurs organisations lors des réunions et des conférences de presse.
Le mouvement anti‐réforme fonctionne avec peu de ressources et ses capacités propres se situent loin derrière son opposant principal, le patronat et le gouvernement, qui dispose de sommes importantes pour défendre son point de vue. Les ressources financières des syndicats proviennent essentiellement des cotisations de leurs membres. L’ensemble des activités d’autres groupements (chômeurs, femmes, étudiants, etc.) repose sur des ressources financières fort limitées : maigres subventions du gouvernement, cotisations des membres, dons des syndicats et des communautés religieuses et de la population. Un des moyens de ramasser les fonds est l’appel aux contributions lors des manifestations. Ainsi, la porte‐parole de la Coalition contre la réforme de l’assurance‐emploi en Gaspésie, Ginette Côté, rapporte 1 500 dollars des contributions populaires lors d’une manifestation en Gaspésie en février 1996 (Gagné, 1996b). La faiblesse de financement est en partie palliée par la volonté et l’implication de nombreuses personnes bénévoles au sein de ces organisations. En d’autres mots, ils font beaucoup avec peu. Depuis la fin des années 1980, le gouvernement fédéral mène une politique visant l’élimination des groupes représentatifs des citoyens de la scène politique en coupant leur financement. Par exemple, depuis 1995, le Comité canadien d’action sur le statut de la femme, auparavant subventionné presque à 100 % par le gouvernement fédéral, tire la totalité de son capital d’exploitation des cotisations, dons, subventions de projets et événements spéciaux. La faible capacité financière de ces groupements (autres que syndicats) limite leur capacité de mobilisation et de pression politique. Le mouvement conserve cependant la liberté de parole et d’action grâce aux syndicats.
Le mouvement contre la réforme de l’assurance‐emploi compte de nombreux bénévoles désireux de mettre à profit leurs compétences et qui contribuent à la lutte selon leurs moyens et leurs disponibilités. Le recrutement des adhérents se fait par des réseaux syndicalistes, féministes et communautaires au moyen de différentes activités – telles que les conférences, les colloques informatifs, les tables rondes, les kiosques, les journées de formation sur la réforme et ses enjeux – qui demandent peu d’investissement en termes de finance, de temps, d’énergie et de ressources humaines.
Les individus et les groupes constituant le mouvement mettent à contribution leurs propres ressources (pour l’impression de documents, par exemple), se mobilisent et font intervenir leur expertise et leur renommée, lorsque c’est le cas. Ils travaillent conjointement avec les groupes membres et les alliés, appuient et participent aux activités et prennent en charge la réalisation des recherches sur les différents aspects du problème du chômage et de l’assurance‐emploi. Pour leur part, les organisations de chômeurs contribuent à la lutte sur les plans juridique, documentaire et éducatif. Sont également mis en place les services d’information et de conseil auprès des chômeurs et chômeuses au moyen d’un service téléphonique facilement accessible. L’accès aux ressources, tel que des locaux, des sources d’information et des données de recherche, est aussi favorisé par les réseaux communautaires et syndicaux et par les alliés tels que le MAC de Montréal, qui offre ses locaux à plusieurs reprises à différents comités, coalitions ou tables de concertation, afin de défendre et faire progresser la cause des sans‐emploi (http://www.macmtl. qc.ca/Accueil.htm#Struct).
Les moyens les plus utilisés pour assurer une communication avec les membres individuels du mouvement et la population en général sont des sites Internet des organisations membres (FTQ, FFQ, CSN, CEQ, CIAFT, CTC, etc.). Le courrier électronique est un moyen efficace pour informer les membres des événements importants qui s’annoncent. Des feuillets d’informations sont affichés dans les locaux des syndicats et groupements féministes, des cartes et des pamphlets sont envoyés par la poste à la population. On peut ajouter les journaux électroniques, tels que
L’Infomac (MAC de Montréal) qui expliquent les enjeux économiques et juridiques des débats sur
l’assurance‐emploi. Ces moyens se montrent assez efficaces pour minimiser les coûts en termes d’argent et de temps, mais connaissent aussi des limites, tout particulièrement en ce qui concerne les personnes dépourvues d’accès à Internet et qui éprouvent de la difficulté à suivre les dossiers de façon continue. L’absence d’un site Internet unique au mouvement contre la réforme de l’assurance‐emploi rend plus difficile la prise d’information cohérente et la mise à jour. Le discours essentiellement porté par les médias (journaux, télévision) permet l’établissement d’un lien constant avec la base sociale et une plus grande sensibilité au problème de la réforme de l’assurance‐emploi dans certaines provinces (Québec, Maritimes et Ontario).