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L’opposition face aux développements des terres

CHAPITRE 2 : DES CONFRONTATIONS PUBLIQUES AVEC LES STRUCTURES DOMINANTES

2.1. L’opposition face aux développements des terres

C’était ça notre richesse, nous autres, le territoire. On n’avait pas d’argent mais on avait le territoire. Aujourd’hui on n’a plus d’argent et on n’a plus de territoire. On est encore plus pauvre qu’on était […]. T’as perdu ta richesse là. Quand tu regardes les territoires… Moi quand je regarde les territoires, c’est ça que j’me dis. C’est tout ça qu’on a perdu (Denise, 70 ans, avril 2013).

Le néolibéralisme nécessite pour son maintien de développer les terres et les ressources, au détriment des populations à proximité, afin de servir une élite dominante qui s’auto- génère. Le Québec est l’une des régions du monde où les ressources naturelles abondantes sont exploitées à ces fins, alors que les Innu.es, entre autres autochtones, n’ont jamais cédé leur titre ancestral sur le territoire. L’annonce du Plan Nord par le gouvernement Charest en 2011 en est un exemple. Le Plan Nord (aujourd’hui Un Nord Pour Tous) est un programme de développement économique des régions nordiques du Québec, au-dessus de la 49e

parallèle nord (72 pour cent de la superficie du Québec), qui prévoit des investissements publics et privés sur un horizon de 25 ans -il comprend l’ouverture de mines, le développement de projets « d’énergies renouvelables » et la construction d’infrastructures de transport. Il s’agit d’exploitation des ressources minérales et énergétiques, des ressources forestières et fauniques du territoire, principalement par des multinationales étrangères (Asselin 2011 : 40). Comment les Innu.es de Pessamit se positionnent face à ce projet ? Leurs conceptions territoriales ont-elles changé ? Entrent-ils en résistance pour contrer le développement ? Si oui, comment et pourquoi ? Leurs actions aboutissent-elles ?

2.1.1 L’évolution des conceptions territoriales des Innu.es

La conception territoriale innue a évolué avec le temps et le contact avec une société blanche et occidentale basée sur un rapport à la terre très différent du leur au moment de la colonisation. Pour pouvoir comprendre la multiplicité des discours des Innu.es par rapport aux développements, nous voudrions exposer ici comment ils conçoivent le territoire aujourd’hui et pourquoi ces conceptions se sont modifiées. Les Innu.es rencontré.es dans le cadre de cette recherche ont conscience que le rapport de leur nation face au territoire a beaucoup évolué au fil des années, depuis l’arrivée des Européens sur leurs terres :

Comme j’te dis moi quand les autochtones disaient que y’a quelqu’un qui avait pas d’animaux sur son territoire de chasse, puis que l’autre il disait ben viens chasser sur

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mon territoire, quand tes animaux reviendront sur ton territoire, tu retourneras sur ton territoire, tu me laisseras le mien. C’est une belle façon de voir la vie, puis vivre ensemble, sans se chicanier, sans se brimer les uns les autres. Puis aujourd’hui là, on est loin d’être là (Denise, 70 ans, avril 2013).

Les discours recueillis sur le terrain confirment que la confrontation entre deux mondes diamétralement opposés dans la façon d’entrevoir les territoires, de les vivre et de les ressentir, mais surtout l’imposition, via la colonisation, d’un mode de vie sur l’autre a profondément transformé la société innue. D’une part, en obligeant les Innu.es à quitter leurs territoires pour se sédentariser et vivre dans des réserves mais aussi pour être « éduqué.es » à la manière occidentale et d’autre part, en développant les terres précédemment occupées par les autochtones, les colons ont troublé leur organisation sociale, modifiant de ce fait leurs façons d’appréhender la terre. La construction des réserves et d’une législation orientant le mode de vie autochtone qui les empêchait de vivre dans le bois se sont alliées au début des développements des terres précédemment occupées par les autochtones. Les territoires, vidés d’une grande partie des autochtones, étaient libres pour que la société majoritaire y implante divers projets. D’une part, la colonisation a isolé les autochtones pour mettre en place les projets des colons ; d’autre part, ces mêmes projets empêchaient les autochtones de retourner sur leurs terres à cause, entre autres, du déboisement ou de l’inondation des terres causés par les barrages hydro-électriques, comme Manic 5 (annexe 3) :

J’suis née dans l’bois, j’suis née, justement […] à Manic 3. Après ça on a été obligé d’arrêter d’aller dans l’bois […] quand ils ont mis les enfants au pensionnat. Puis là quand ils ont voulu avoir les barrages aussi, quand ils ont commencé à étudier les… les rivières, pour construire des barrages, ben là ils ont obligé les parents à rester. C’est pour ça qu’ils nous ont donné des communautés. Ils ont tout ramassé pareil, ils ont dit bon on va vous donner ce territoire là, on va vous construire des maisons, vous allez vivre là, vous avez plus le droit d’aller dans l’bois, puis les enfants à 6 ans ils vont aller à l’école […]. Moi ma mère, a pas remonté dans l’bois, puis mon père non plus, quand ils ont décidé qu’ils nous envoyaient dans les réserves là. C’est l’cas d’le dire, c’est des réserves. Aujourd’hui on est plus gentils on appelle ça des communautés. Mais… mes parents, ils étaient obligés de rester là, sinon c’est les polices montées. Si y’avait des parents qui montaient leurs enfants dans l’bois là, c’est les polices montées qui allaient chercher les enfants, les parents là, pour les ramener dans les réserves. Puis à 6 ans fallait que t’ailles à l’école, à 6 ans. Donc moi j’ai pu aller une dernière fois dans l’bois, j’devais avoir 5 ans, avec mes grands- parents […]. Après ça ben j’ai jamais retourné, parce qu’il fallait qu’on vive sur la réserve, on n’avait pas l’droit d’y aller (Denise, 70 ans, avril 2013).

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Regarde c’était le printemps, le monde sont revenus ici, parce qu’ils revenaient le printemps ici hein. Quand le monde était parti pour aller dans leurs terres, y’avait plus de terre, ils ont tout perdu ce qu’ils avaient (Serge, 30 ans, mai 2013).

Tout inondé, sans qu’ils le sachent. Ça prenait un mois pour monter en haut en canot. Quand ils l’ont su… quand ils sont arrivés, y’avait plus de terre, y’avait plus rien (Lise, 30 ans, mai 2013).

Ils ont été obligés de retourner par ici, proche. Essayer de trouver d’autres terres (Serge, 30 ans, mai 2013).

La vie sur réserve est évaluée comme le point de coupure entre ce qu’ils appellent « la culture traditionnelle autochtone » qui prend corps dans le bois et le « mode de vie contemporain » associé au fait d’habiter dans les communautés, d’être « captifs de la réserve, puis du hors réserve, puis du système de la Loi sur les Indiens » (Sarah, 30 ans, mai 2013). L’imposition de lois coloniales pour réguler la vie des autochtones mais aussi de règles d’utilisation des terres qui s’appliquent aussi bien aux autochtones qu’aux allochtones les empêche bien souvent de continuer, s’ils le désirent, à pratiquer la vie en forêt :

Y’en a un qui était pogné parce qu’il a tué l’orignal hors de la réserve. Mais avant nous autres, tu montes à Baie-Comeau, l’orignal va traverser, tu vas tirer dessus, t’avais le droit. Là faut vraiment qu’il soit encadré dans une réserve comme nous autres là, numéroté l’orignal, la bande numéro 56 (Valérie, 60 ans, avril 2013). D’ailleurs, les autochtones commencèrent à travailler dans les chantiers de ces développements, puisqu’il n’y « avait plus de place où aller chasser. Parce que les territoires étaient pris » (Denise, 70 ans, avril 2013). Beaucoup se sont mis à travailler pour les compagnies mais aussi au sein du conseil de bande ou dans la construction. Ainsi, Boutet (2010 : 45) montre que les Innu.es qui travaillaient dans l’industrie ferroviaire à Schefferville de 1954 à 1983 avaient moins de temps pour la chasse à cause de l’emploi. C’est particulièrement pour la chasse au caribou que cela était problématique (notamment pour les familles qui disposaient d’un territoire de chasse éloigné du village), cette chasse nécessitant de parcourir de longues distances.

Le besoin grandissant d’argent lorsqu’on vit en dehors du bois a participé à cette volonté de travailler pour développer les terres mais aussi de commercialiser et de vendre les produits précédemment nécessaires au maintien d’un mode de vie. Précédemment liée à la

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subsistance, la chasse devient commerciale. Aujourd’hui, des Innu.es soulignent que leurs besoins alimentaires peuvent être assouvis par d’autres moyens que la chasse ou la pêche :

Les tuer pour manger… de moins en moins. C’est plus comme autrefois nous autres aussi, la vie. Si tu veux manger, y’a un grand centre d’achat à Baie-Comeau, le garde-manger il est plein. C’est ça, on vit avec ça, aujourd’hui (Richard, 60 ans, mai 2013).

L’idéologie capitaliste (même si elle n’est pas nommée de cette façon), est comprise par vingt Innu.es rencontré.es comme incompatible avec leur façon de vivre le territoire avant l’arrivée européenne (mais aussi, pour certain.es, leur façon de le vivre aujourd’hui) :

Puis en vivant de notre manière, on laisse les choses intactes, on prend juste ce qu’on a besoin. On prenait, avant. Aujourd’hui là c’est rendu qu’on prend pour le ventre […]. Puis moi, quand j’faisais de la cueillette des fruits sauvages, oh les autres gars là, oh ils ramassaient un gros seau, d’une vingtaine de kilos, moi j’en ramassais pas tant, à peu près un kilo. Ça c’était pour passer l’hiver (Donat, 50 ans, avril 2013).

Ils nous accusent de chasser l’orignal à l’année, ok. Ici on est un village de 3000, on n’en tue même pas 100 par année ici, de l’orignal. Eux autres ils ont un mois de chasse, ils sont même pas 2000, ils en tuent 10 000. Ils disent c’est à cause de notre faute, non c’est pas notre faute pantoute. Même le saumon, on n’en pêche pas beaucoup ici. Mais par exemple au large ils les pêchent en tabarnouche, c’est des grosses quantités là (Serge, 30 ans, mai 2013).

Outre le système capitaliste, la modernité et ses outils technologiques ont intégré les communautés en modifiant la façon, pour ceux qui continuent d’y aller, de vivre la forêt. Un aîné évoque à ce titre tout ce dont ils disposent aujourd’hui pour chasser ou pêcher ; la toile de tente, les canots automatiques qui ont remplacé l’utilisation de rames, le métal pour construire des outils à la place d’écorce de bouleau, désormais « dans les oubliettes, dans les musées » (Richard, 60 ans, mai 2013). Et les enfants sont touchés, à Pessamit comme ailleurs, par les technologies grandissantes :

Moi j’trouve ça important, j’ai essayé de l’enseigner à mes enfants puis ils veulent rien savoir. C’est à eux autres. J’vais pas leur tordre leur bras pour venir avec moi en forêt [...]. A cause de la technologie. Ils aiment mieux rester devant la télé à pitonner des manettes [...]. Ça détruit pas mal… Comment j’pourrai dire ça. Avant les enfants jouaient dehors, allaient en forêt. La technologie est arrivée, ça les détruit là. Pour moi dans à peu près 30/40 ans la forêt, y’a plus grand monde qui va y aller [...]. L’assimilation ici, ça a été très rapide j’pense. Parce que dans les années 40/50 le monde était pas de même. Y’avait pas d’électricité, le monde allait… toutes

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les familles allaient à la chasse. En même pas 60 ans, ça a tout changé. C’est pas long 60 ans [...]. Comme j’ai dit la technologie a pris un gros dessus (Serge, 30 ans, mai 2013).

La façon propre aux Innu.es de vivre le territoire a profondément évolué avec la colonisation (Capitaine 2013 : 1), la confrontation entre deux univers basés sur des valeurs opposées, le capitalisme et les valeurs qu’il génère. Cependant, vingt-deux Innu.es rencontré.es dans cette recherche conservent une appartenance même symbolique au territoire ancestral (qui n’est pas limité aux terres réservées). Les trois autres Innu.es rencontré.es n’ont plus d’appartenance, même symbolique, au territoire. Ainsi, un Innu rencontré considérait le territoire réduit de la réserve elle-même comme au centre de sa vision du monde, les « alentours » (Léo, 40 ans, mars 2013). Pour un autre Innu, le territoire se limite aujourd’hui à celui de sa maison : « ma maison, mes clôtures, ce qui se passe sur mon terrain en avant : ça, pour moi, c’est mon territoire » (Guillaume, 40 ans, avril 2013). Pour deux Innu.es rencontré.es, c’est l’ensemble du territoire du Québec qui est porteur d’appartenance ; en ce sens le territoire doit être partagé entre habitants du Québec, qu’ils soient autochtones ou non : « pas juste pour les autochtones, c’est pour tout le monde ça là, tsé que tu sois blanc, noir, rouge, c’est toi qui vis dans ce pays là » (Denise, 70 ans, avril 2013). Cependant ce discours est loin d’être internationaliste ; le Québec et ses ressources doivent rester aux gens qui y habitent, qui y vivent et non pas être utilisés pour « enrichir les Indes puis les Chines ».

Ainsi, une conception territoriale ancestrale perdure pour vingt-deux Innu.es rencontré.es, au moins d’une façon symbolique. Ils affirment que le territoire n’est pas à vendre15. Ils parlent de connexion à la terre et de la forêt qui les appelle. Ils évoquent une

richesse interne au territoire, au-delà de l’argent. Parfois, ils continuent à être sur les terres pour leur survie. Ils parlent de partager le territoire (pour se nourrir, s’habiller) et non d’en être propriétaires :

De comprendre que tu fais partie de cette terre là, t’es pas propriétaire. Tu fais partie au même niveau qu’un loup, qu’un arbre ostie, c’est pas plus long qu’ça là (Luc, 60 ans, mars 2013).

15 Un Innu ayant fait des découvertes archéologiques (tombe, poterie, pointes Clovis…) dans les territoires

ancestraux autochtones évoqua à ce titre qu’il ne fallait pas y toucher puisque cela appartient à la terre : ce qui est à la terre reste à la terre.

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Le territoire nous autres ne nous appartient pas vraiment. On appartient à la terre, dans la communauté. Moi si j’décède demain, y’a rien que j’va amener. Le pick-up que j’ai là, j’l’amènerai pas avec moi, le campement icitte j’l’amènerai pas avec moi. J’va retourner à la terre, j’va retourner (Charles, 50 ans, mai 2013).

On dit pas qu’il nous appartient, mais qu’on a vécu dedans. Parce que y’a rien qui nous appartient sur la terre. Moi ici là, j’ai ma maison, j’ai mes… J’vais dire mes meubles, mais ça c’est les meubles que quelqu’un d’autre a fait, que j’ai achetés. Aujourd’hui j’peux dire c’est les miens parce que ça m’appartient là là. Mais quand j’va mourir là, j’amènera pas tout ça dans ma tombe. Ça va appartenir à quelqu’un d’autre. C’est juste des choses qui me sont prêtées, que j’ai acquis, qui me sont prêtées. Y’a rien qui m’appartient. Personnellement là, dire c’est… c’est… c’est moi moi moi là. Y’a rien. Si ça serait à nous autres, on pourrait tout partir quand on va mourir avec. Moi j’pourrais demander dire, hé ça ça m’appartient c’te maison là là, défaite le puis enterrez-moi là. Brisez tout ça puis enterrez-moi icitte, ça c’est à moi, j’veux pas qu’personne touche à ça là. Mais non mais c’est pas ça. J’veux pas briser des choses que j’sais qu’ça peut servir à quelqu’un d’autre. Le territoire, c’était la même chose (Denise, 70 ans, avril 2013).

Justement quand on parle de t’ça, la terre m’appartient, la terre c’est à moi. Tout le monde dit ça. Mais pourquoi qu’ils l’ont pris, la terre ? […]. La seule place où tu vas être propriétaire de ton cher pays le Canada, ça va être une fosse commune, que tu l’appelles ma tombe. On va t’enfermer là-dedans. Est-ce que ça va t’appartenir encore ? J’penserais pas, tu vas être en poussières […]. Quand ils sont venus planter la croix à Gaspé, je prends possession de cette terre… Ben pourquoi tu prends possession ? Elle ne t’appartient même pas. Juste le sentir, c’est bon. Tu vas rester là. Nous autres à Tadoussac là, on avait nos territoires, dans c’temps là, sur la Basse Côte-Nord, y’a personne qui a dit c’est ma terre (Richard, 60 ans, mai 2013).

Pour ces Innu.es, le territoire est la pierre angulaire de l’identité et de la culture (Martin 2009 : 61) : il constitue « la matrice de leur culture » (ibid : 64). Il joue un rôle majeur dans l’organisation sociale de la communauté (ibid : 65). La terre, l’appartenance au territoire et la relation à la forêt sont porteuses de la culture (ibid : 64). La forêt est alors fondement, lieu d’expression et élément rassembleur des cultures amérindiennes. La conception du territoire est ici à la fois politique, écologique, spirituelle, économique, culturelle et sociale. A ce titre, on peut qualifier d’holiste la relation de ces autochtones au territoire (ibid : 61).

2.1.2. La diversité des positions face au développement du territoire

Nous venons de voir comment et pourquoi les conceptions territoriales innues ont évolué. De ce fait, les positions recueillies vis-à-vis du développement du territoire sont multiples, notamment par rapport au Plan Nord. Notons tout d’abord que le Plan Nord n’est qu’une

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nouvelle appellation alors que des projets de développement existent déjà ; le territoire ancestral des Innu.es de Pessamit est déjà développé par la société majoritaire, notamment avec 14 barrages sur les rivières Manicouagan, Outardes et Bersimis, pour lesquels la communauté n’a, la plupart du temps, rien eu à dire : ni consultation ni consentement (mis à part le barrage de Toulnustouc). Manic 5 (annexe 3) notamment est un emblème du Québec construit sans consultation ou accord avec les Innu.es de Pessamit. 27 pour cent de la part énergétique du Québec est directement prise sur les territoires de cette communauté :

Le gouvernement, ce qu’il a fait, c’est qu’il a tout ramassé des projets qu’il avait en poche, puis il les a tout mis dans le même panier, dans l’même projet là, pour pouvoir plus facilement nous duper dans l’fond. C’est la même affaire qu’il a fait pour les projets hydro-électriques, on a signé pour un, puis y’a des barrages partout (Louise, 30 ans, avril 2013).

Indépendamment de savoir si l’on est pour ou contre ce type de développement, il faut rappeler que les Innu.es n’ont jamais cédé leur titre ancestral sur leurs terres et donc leurs droits sur le territoire ; pour autant, ces développements se font sans qu’ils soient consultés, entendus, écoutés ou pris en considération. Le gouvernement donne des droits d’accès et des droits d’exploitation à des compagnies en ignorant les droits des autochtones dans un but de faire du profit sur des terres qui n’ont jamais été cédées. Mis à part certains projets où le conseil de bande a signé des ententes soit avec le gouvernement soit avec des compagnies privées, ils n’ont jamais été associés à ces projets et leurs voix qui pouvaient refuser ces projets n’ont jamais été écoutées.

De plus, le Plan Nord va engendrer un certain nombre de conflits intercommunautaires, notamment via des négociations de contrats au cas par cas entre compagnies étrangères et communautés, ce qui met ces dernières en compétition (Asselin 2011 : 39). Il risque d’exacerber les problèmes sociaux (qui prévalent déjà dans les communautés autochtones) et d’attiser des conflits entre autochtones et non-autochtones notamment avec l’arrivée massive de « travailleurs volants » (Fly-in/Fly-out) venus du Sud dans les communautés du Nord (ibid : 40). De nombreuses infrastructures prévues dans le cadre du projet sont simplement pensées pour les compagnies et le développement et non pour les communautés, qui resteront pourtant avec elles après. De plus, le gouvernement libéral a présenté le Plan Nord comme un plan de « développement durable » (ce terme est un oxymore) alors qu’il est basé sur

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l’exploitation de ressources non renouvelables et provoque des ravages écologiques (ibid : 43). Les coûts environnementaux et sociaux sont partagés par toute la société tandis que les bénéfices économiques sont accaparés par quelques compagnies (ibid).

Nous allons ici résumer la diversité des positions existantes par rapport au développement territorial passé et présent pour voir ensuite comment un discours anti- développement existe toujours au sein des communautés (voir annexe 7 pour une vue