• Aucun résultat trouvé

L’objet et le principe de l’expertise psychiatrique pénale

Section 1: L’objet et le principe de l’expertise psychiatrique pénale

« Il s’agit là d’étudier l’incidence de la pathologie diagnostiquée sur le passage à

l’acte au moment des faits », telle est la vision mise en avant sur le rôle de l’expertise

psychiatrique pénale par les recommandations de la commission d’audition67

.

Avant de se pencher sur le déroulement de l’expertise psychiatrique pénale (§II), faut-il encore se demander par qui la preuve de ce trouble et donc la demande de l’expertise psychiatrique peut-elle être faite, autrement dit, à qui incombe la charge de la preuve (§I).

66

J.-L. SENON, M. VOYER, G. DAVIGNON, A. DELBREIL, L’expertise psychiatrique pénale, Chapitre 18 in J.-L, SENON, M. VOYER, C. JONAS, Psychiatrie légale et criminologie clinique, Elsevier Masson, 2013, p.119

67 Recommandations de la commission d’audition, in J.-L. SENON, J.-C. PASCAL, G. ROSSINELLI,

28

§I. La charge de la preuve

La doctrine s’est interrogée sur le point de savoir quelle partie au procès devait ramener la preuve du trouble mental.

Pour certains auteurs, au regard du principe de la présomption d’innocence, c’est au ministère public que reviendrait la charge de la preuve.

Pour d’autres, « La démence, constituant un état exceptionnel, puisque la

plupart des hommes, arrivés à un certain âge, ont le discernement et la liberté de leurs actes, c'est à la défense qu'incombera la charge d'établir que l'accusé ou le prévenu était en état de démence […] au temps de l'action »68

.

Il n’y a pas de solution jurisprudentielle établissant un principe général et posé sur la charge de la preuve du trouble mental. En revanche, la seule situation qui ne pose pas difficulté est celle des majeurs protégés, puisque l’article 706-115 du Code de procédure pénale prévoit que le majeur protégé doit obligatoirement être expertisé afin que soit évaluée sa responsabilité pénale au moment des faits.

§II. Le déroulement de l’expertise psychiatrique pénale présententielle

« L’expert a donc la redoutable mission de diagnostiquer la maladie mentale

éventuelle de l’auteur présumé de l’infraction : soit une psychose dont la schizophrénie, la paranoïa, la psychose maniaco-dépressive ou la psychose hallucinatoire ; soit un défaut de développement des facultés mentales. Il doit déclarer irresponsable toute personne ayant, au moment des faits, soit perdu toute capacité à comprendre ses actes, soit toute capacité à les contrôler. Si la conscience ou la volonté font défaut, la personne poursuivie est irresponsable »69.

L’expert psychiatre doit poser un certain nombre de questions, lesquelles aboutiront à une réponse permettant de conclure selon lui, si le sujet était atteint au moment des faits d’un trouble mental ayant aboli ou altéré son discernement

- L’examen du sujet révèle-t -il chez lui des anomalies mentales ou psychiques ? Le cas échéant, les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent. - L’infraction reprochée au sujet est elle ou non en relation avec de telles

anomalies ?

- Le sujet présente-t-il un état dangereux ? - Le sujet est-il accessible à une sanction pénale ? - Le sujet est-il curable ou réadaptable ?

68 V. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, in E. BONIS-GARÇON, Troubles

psychiques, malades mentaux, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2014

69http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/troubles-mentaux-et-irresponsabilite-

29

- Le sujet était-il atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou altéré celui-ci ou encore entravé le contrôle de ses actes ?

- Se prononcer sur l’opportunité d’une injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judicaire.

Il y a ici trois démarches :

- Etablissement du diagnostic actuel ;

- Reconstitution du diagnostic rétrospectif (état mental au moment des faits) ; - Interprétation médico-légale du lien entre l’état mental au moment des faits et

l’infraction70

Ainsi, « Il ne s’agit pas seulement de poser un diagnostic, ce que savent

normalement faire la plupart es psychiatres, mais d’interpréter la nature de l’acte »71.

Classiquement, on voit dans cette technique « un moyen de doser la

responsabilité »72, telle est la formule de Jean Pradel pour expliquer le fondement de l’expertise psychiatrique dans le domaine pénal.

Les expertises peuvent être menées différemment d’un psychiatre à un autre, être plus ou moins brèves, plus ou moins approfondies, détaillées. Certains présidents de cours d’assises soulignent qu’ils regrettent que l’expert, souvent, ne s’attache pas à présenter à la cour quel type de contact a-t-il a eu avec l’expertisé, ou s’il a pu facilement aller loin dans ses questions etc.

Selon le professeur Garçon, « La question de savoir si cette aliénation mentale

existe ne relève pas du droit ; elle ne relève que de la psychiatrie ». La psychiatrie et le

droit, lorsqu’un sujet commet une infraction et qu’il est atteint d’un trouble mental, doivent travailler l’un avec l’autre, l’un est l’auxiliaire de l’autre. Les experts psychiatres sont réquisitionnés en permanence, et leurs expertises constituent des éléments clés dans la procédure. L’objet de la question est alors celui de la place de l’expertise psychiatrique pénale dans la procédure pénale (section 2).

70

D. ZAGURY, Comment discuter l’abolition du discernement face aux évolutions récentes de la

clinique et de la thérapeutique psychiatrique ?, Textes des experts pour l’audition publique des 25 et 26

janvier 2007

71 Ibid.

72 J. PRADEL, En droit pénal, quels sont les fondements de l‘expertise psychiatrique pénale, in J.-L.

SENON, J.-C. PASCAL, G. ROSSINELLI, Expertise psychiatrique pénale, John Libbey Eurotext, 2008, p.73

30

Section 2 : La place de l’expertise psychiatrique pénale dans la