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Dans notre étude, le taux global de réponses surestimant le risque ou le bénéfice du THM sur l’ensemble des items était de 48%.

Les médecins généralistes surestimaient majoritairement les risques du THM pour les évènements cancer du sein, cancer de l’endomètre et MTEV. A contrario, les médecins généralistes sous-estimaient le risque de survenu d’un SCA. Ils surestimaient le bénéfice du THM sur la fracture du col fémoral. Concernant le décès et la Maladie d’Alzheimer, les

médecins ont répondu majoritairement correctement, soit une absence de changement de risque sous THM.

Seuls 24% des réponses estimaient correctement les risques ou bénéfices du THM. Enfin, 10,4% des réponses étaient fausses, c’est-à-dire qu’il y avait une erreur dans le sens du changement sous THM.

Nos résultats apparaissent cohérents avec ceux de l’ étude publiée en 2004 , menée par l’équipe de R. Stan Williams “Assessment of the understanding of the risks and benefits of

HRT in primary care physicians ” [ 61] , reprise dans la métanalyse de la revue JAMA en

2017 “ Clinicians’ expectations of the benefits and harms of treatments, screening and tests, a

systematic review”[85].

Cette étude, réalisée deux années après la publication de la WHI, a analysé les

réponses de 600 médecins de l’Etat de Floride aux Etats-Unis, incluant médecins généralistes, gynécologue-obstétriciens et médecins internistes. Ils étaient interrogés sur les risques et bénéfices du THM au regard des cancer du sein, cancer du colon, décès, fracture du col, maladie coronaire, AVC et MTEV.

Seuls 28% des réponses étaient correctes et environ deux tiers des réponses (67%) surestimaient les risques ou bénéfices du THM. 5% des réponses étaient fausses,

avec une erreur dans le sens du risque. Les médecins surestimaient le bénéfice du THM sur la fracture du col fémoral, le décès , le cancer du côlon et sous-estimaient le risque de maladie coronaire. Ils surestimaient majoritairement le risque d’AVC et de MTEV. Le risque de décès est également correctement estimé comme dans notre étude.

Contrairement à notre étude, le risque de cancer du sein était majoritairement

correctement estimé. La proximité avec la publication de la WHI pourrait vraisemblablement expliquer ce taux de résultats corrects, l’étude ayant été arrêtée prématurément à cause d’un surisque de cancer du sein, information largement relayée dans la littérature et les médias.

Nos résultats sont également comparables à ceux de l’étude réalisée par Exline JL and Co.[86] publiée en 1998, puis référencée également dans la métanalyse du JAMA

« Differences in providers' beliefs about benefits and risks of hormone replacement therapy in

managed care » [85] . Elle s’est intéressée à analyser les réponses des médecins selon leurs

genres. 74 médecins de Caroline du Nord ont été interrogé. Les médecins des deux genres surestimaient les bénéfices du THM sur l’ostéoporose et la maladie coronaire.

Il est intéressant de voir que plus de quinze ans après la publication de la WHI les médecins surestimaient autant les risques du THM. Les réponses de notre étude apparaissaient comparables a des études de 1998 et 2004, malgrè un nombre important d’études publiées en aval qui réabilitaient en partie l’utilisation du THM.

Pour expliquer ces estimations erronées , les auteurs de l’étude de Stan Williams emettaient l’hypothèse d’une confusion entre le risque relatif et le risque absolu . Il en résulterait une mauvaise comprehension des résultats de la WHI . En effet , les chiffres ont été diffusé majoritairement , surtout dans les médias , en risques relatifs . Les risques reportés ont été ceux d’une augmentation de 22% d’évènements pour le SCA, 41% pour les AVC et

26% pour le cancer du sein. Les bénéfices rapportés étaient d’une diminution de 37% de cancer du colon et 33% pour la fracture du col.

Dans l’article de Exline, les auteurs estimaient que les médecins avaient besoin d’accéder à des résumés clairs, concis et mis à jour régulièrement concernant les

bénéfices et risques des traitements. Il est aussi soulevé la nécessité d’une meilleure formation des praticiens concernant l’ interpretations de résultats d’articles scientifiques .

Dans le meme sens , la thèse de doctorat en médecine de 2013 de H. Paquentin de la faculté de médecine de Lille , analysait les freins des médecins généralistes à la prescription du THM dans une enquete qualitative [87]. Les médecins relevaient le « flou intellectuel »

autour du THM au regard des différentes études contradictoires et controverses : «c’est

assez peu clair dans les directives qu’on peut recevoir de la HAS » , «on reçoit peu d’information» . Ils soulignaient également la difficulté à réaliser la balance bénéfice-

risque pour leurs patientes , par exemple un médecin disait « bénéfice-risque? Si quelqu’un

a la réponse je serai content de savoir» .

Les médecins sembleraient également plus sensibles aux risques d’un traitement

comparativement à ses bénéfices , selon le principe ancien primum non nocere[85]. On peut

ainsi penser que les médecins prescrivent et proposent moins le THM au regard de ses risques , généralement surestimés , meme si les bénéfices sont connus , et souvent eux-memes surestimés. Ainsi la crainte du médico-légal pourrait également expliquer les réticences à la prescription comme il l’était cité dans la thèse de H. Paquentin [87] .

Nous pouvons penser aisément qu’un médecin généraliste considérant le risque du cancer du sein augmenté de 10% par an sous THM soit peu enclin à l’initier et à le proposer . A contrario, une connaissance de l’ augmentation réelle et faible du risque pourrait engendrer un nombre plus important de prescription . Il serait ainsi possible de redonner l’accès au THM à des patientes qui en présentent l’indication.

Sans des informations claires et précises sur les risques et benefices encourus, il parait difficile :

- de donner une information claire et loyale aux patientes concernées ,

- de décider ou non de la prescription du THM , sans pouvoir « peser » correctement la balance bénéfice-risque de son intervention.

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