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1. Listeria monocytogenes

1.3. L. monocytogenes dans les produits laitiers

1.3.3. L. monocytogenes dans les fromages

1.3.3.1. Contamination des fromages

Les niveaux de L. monocytogenes dans les fromages résultent d’une contamination du lait, de

l’environnement lors de différentes étapes de fabrication ou durant l’affinage par des

contaminations croisées à la surface des fromages (Meyer-Broseta et al, 2003 ; Kells et

Gilmour, 2004). Quelles que soient les technologies, la synérèse du caillé entraîne une

augmentation d’un facteur 10 du niveau de population de L. monocytogenes.

Il est difficile de disposer de données officielles sur la fréquence des fromages contaminés par

L. monocytogenes dans les divers pays, aussi seules celles publiées dans la littérature

permettent de l’évaluer. Ainsi, 6,4% des fromages à croûte lavée et 4,8% des fromages Tulum

(pâte semi dure) sont contaminés par L. monocytogenes (Rudolph et Scherer, 2001 ; Colak et

al, 2007). Les fromages Sao Jorge (au lait cru) et Minas frescal (fromage frais au lait

pasteurisé) ne seraient pas contaminés par ce pathogène (Kongo et al, 2006 ; Brito et al,

2008).

Sur la base des données publiées dans la littérature entre 1988 et 1999, le pourcentage de

contamination en L. monocytogenes des fromages bleus italiens varient de 3,4% à 14%

(Cantoni et al, 1988, 1990; Pinto et Reali, 1996; Bottarelli et al,

1999). D’après Ryser (1999), la prévalence de L. monocytogenes dans les fromages italiens

oscille entre 5 et 9% avec 7% dans le gorgonzola, 6% dans la mozzarella et 4% dans des

fromages à pâte molle. En 2005, le pourcentage de fromages Gorgonzola contaminés par L.

monocytogenes est de 2,1% après l'emballage et atteint 4,8% pour des fromages à la date

limite d’utilisation optimale (Manfreda et al, 2005).

En France, la mise en place des mesures de contrôle a permis une diminution significative de

la fréquence des produits laitiers contaminés. Seuls 5 % des produits sont contaminés par L.

monocytogenes à la distribution entre 1993 et 1996, dont 8% de fromages au lait cru et 3% de

fromages au lait pasteurisé (Berche et al, 2000).

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Au Royaume-Uni, les niveaux de contaminations en Listeria spp. sont de l’ordre de 3,1% de

fromages au lait cru ou thermisé avec des niveaux faibles (< 220 UFC/g) et 2,5% des

fromages au lait pasteurisé avec des niveaux < 20 UFC/g (Little et al, 2008).

La croissance de L. monocytogenes à coeur ou en surface des fromages dépend des souches

inoculées, de leur état physiologique (souche contaminant naturellement le fromage ou

ensemencée après adaptation ou non de l’inoculum) et de leur niveau initial. Elle varie aussi

selon les technologies fromagères en fonction des conditions de fabrication (vitesse

d’acidification en lien avec la nature des ferments et la température, le brassage, le chauffage

ou non du caillé, le salage ou non dans la masse), des conditions environnementales

d’affinage (température, humidité, durée) et de stockage jusqu’à la consommation. Tout au

long de l’affinage, la vie microbienne, en consommant les nutriments et en modifiant les

caractéristiques physicochimiques (pH, aw) et biochimiques des fromages, est aussi

déterminante pour le développement de ce pathogène.

La compréhension du développement de L. monocytogenes dans les fromages s’appuie sur

des challenge-tests en fromages dans des conditions contrôlées et sur la connaissance de

facteurs susceptibles de limiter la croissance de ce pathogène comme nous le développerons

dans la partie technologie de barrière.

1.3.3.2. Développement de L. monocytogenes lors de challenge tests en

fromages

La synthèse du tableau 3 illustre la diversité des conditions environnementales rencontrées

lors des fabrications fromagères et pouvant faire barrière à L. monocytogenes.

Lors de la fabrication de fromage frais (les fromages blancs, le Mascarpone, la Ricotta, …), la

population de L. monocytogenes ensemencée avec Lactococcus lactis ssp. Cremoris (Ex

Streptococcus cremoris) dans le lait reste stable, diminue lors du traitement thermique à

57,2°C pendant 30 minutes puis persiste et peut même se développer au cours de la

conservation du fromage (Ryser, 1999). Dans le fromage blanc katiki, un fromage PDO

(Protected Designation of Origin) grec au lait pasteurisé de chèvre et/ou brebis, L.

monocytogenes est inhibée (réduction de 4 logs) dès le 5

ème

jour à 20°C malgré un inoculum

important de 5 souches à 6 Log UFC/ml (Kagkli et al, 2009).

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L. monocytogenes (5 souches à 10

3

UFC/cm

2

) ne se développe pas à la surface d’un fromage à

pate semi cuite (Graviera) emballé sous air ou sous vide mais survit encore à 90 jours

(Giannou et al, 2009).

La technologie des pâtes pressées cuites n’est pas favorable au développement de L.

monocytogenes qui peut être inactivée dès le chauffage du lait. Celle-ci n’est d’ailleurs plus

détectée après 1 semaine dans la pâte des fromages de type Emmental (Bachmann et Spahr,

1995), après 66 jours dans un fromage suisse (Buazzi et al, 1992a, b) et après 2 à 6 semaines

d’affinage (en fonction de la souche de L. monocytogenes ensemencée) dans la pâte des

fromages de type Parmesan (Yousef et Marth, 1990).

Au contraire, L. monocytogenes survit dans un fromage mexicain, le Chihuaha (Solano-Lopez

et Hernandez-Sanchez, 2000). Lors de la fabrication du fromage Grana Padano, le maintien

du caillé inoculé avec L. monocytogenes (10

4

UFC/mL) à une température de 55°C pendant 1

h après la cuisson élimine L. monocytogenes (Ercolini et al, 2005).

Dans un fromage à pâte semi dure, le Carra, la bactérie est toujours présente même après 90

jours d’affinage (Durmaz, 2009). De la même manière L. monocytogenes n’est jamais

totalement inhibée dans le Manchego (Morgan et al, 2001 ; Solano-Lopez et

Hernandez-Sanchez, 2000).

Dans un fromage turc à pâte semi dure Kashar (Cetinkaya et al, 2004), lors d’une

contamination du lait inférieure à 6 log UFC/mL, le chauffage du caillé et un affinage d’au

moins 4 mois sont nécessaires pour supprimer L. monocytogenes.

Dans les fromages à pâte persillée, la population de L. monocytogenes diminue au cours des

50 premiers jours et la croissance est stoppée 120 jours après le début de l’affinage

(Papageorgiou et Marth, 1989c).

Pendant les premières heures de formation du caillé de type Mozzarella, les populations de

L. monocytogenes sont 4 fois plus concentrées dans le caillé que dans le lactosérum. Le

chauffage du caillé 30 minutes à 40°C provoque une diminution de 38% de la concentration

en L. monocytogenes. Pendant la cheddarisation du caillé (polymérisation des caséines du

caillé en milieu acide), la concentration en L. monocytogenes augmente de 25%. Le passage

du caillé dans l’eau chaude (77°C) et son étirement pendant 3 à 4 minutes provoque sa

disparition complète. L. monocytogenes ne survit pas aux conditions de fabrication de la

Mozzarella (Buazzi et al, 1992c).

De même, pour une inoculation de 10

3

ou 10

5

UFC/ml, l’étirement du caillé de Mozzarella de

bufflonne dans une eau à 95°C entraîne une diminution de L. monocytogenes de 2 logs en 48

h lors du maintien des fromages dans l’eau d’étirement du caillé (pH 4) (Villani et al, 1996).

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Les fromages à pâte molle sont, pour la plupart, favorables à la multiplication de L.

monocytogenes. Pendant la fabrication du Camembert, malgré l’abaissement du pH à des

valeurs de 4,60, L. monocytogenes se développe (Ryser et al, 1987a) et en cours d’affinage sa

croissance est plus importante en surface qu’à cœur. Ainsi à 60 jours, son niveau est 100 fois

plus élevé en surface que dans la pâte. Ces résultats corroborent ceux de Ramsaran et al

(1998) montrant que la désacidification de la croûte d’un Camembert en cours d’affinage est

associée à une croissance de L. monocytogenes plus importante en surface qu’à coeur.

Dans les fromages de type Feta, malgré des valeurs de pH inférieures à 4,30, L.

monocytogenes survit plus de 90 jours (Papageorgiou et Marth, 1989b).

La survie de L. monocytogenes dans les fromages dépend donc étroitement à la fois des

conditions de fabrication mais également de la souche en présence. Afin de limiter la

contamination des fromages et de contrôler la croissance du pathogène, diverses stratégies

sont mises en place.

Le contrôle des contaminations passe dans un premier temps par la mise en place de bonnes

pratiques d’hygiène et de sécurité lors des fabrications et l’application d’une démarche de

type HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point = Analyse des dangers - points critiques

pour leur maîtrise). L'HACCP est avant tout une démarche systématique et organisée,

permettant dans un processus de production, de renforcer la prévention et d’identifier les

points critiques où une intervention est nécessaire pour réduire les risques à un niveau

acceptable. Cette méthode intègre le principe de l'amélioration continue et doit s’adapter à

chaque technologie fromagère. Les autres stratégies de contrôles consistent à influer sur les

divers facteurs biotiques et abiotiques pouvant déterminer le comportement de L.

monocytogenes dans les fromages.

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