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De l’isolement à l’encastrement social : le rôle des réseaux pour les dirigeants

l’encastrement social : le rôle des

réseaux pour les dirigeants

Introduction

« Quelles sont les raisons qui vous incitent à interagir avec votre environnement ? ». Cette question, posée aux chefs d’entreprise de Bretagne Sud, constitue le point de départ de notre chapitre qui cherche à analyser le processus les conduisant à s’encastrer socialement. Pour y répondre, nous adoptons volontairement pour une lecture linéaire du cheminement du chef d’entreprise, sans pour autant négliger sa dimension systémique. Ce parcours débute en situation d’isolement pour s’achever sur une situation d’encastrement (cf. figure 7). Nous montrons, dans ce cadre, le rôle charnière des réseaux sociaux en tant que pourvoyeurs de ressources, générateurs de capital social et facteurs d’empowerment. Nous revenons, tout au long du chapitre, sur les définitions données à ces différents concepts.

Depuis Granovetter et la Nouvelle Sociologie Economique, on sait combien les organisations économiques (si l’on exclut peut-être certains secteurs comme la haute finance internationale) n’évoluent pas de manière isolée et atomisée, se contentant de chercher sur les marchés les ressources dont elles ont besoin. La coopération, comme pourvoyeuse de ressources indispensables au fonctionnement de l’entreprise, complète la logique du marché « pur et parfait » et les théories néoclassiques. Ce modèle se révèle incapable « de comprendre le rôle fondamental des liens sociaux » (Huault, 1998). « L’économie ne constitue qu’un sous ensemble découpé au sein d’un ensemble social plus vaste et construit à partir d’une logique proprement sociale » nous dit l’auteure dans son papier consacré aux travaux de Granovetter. L’économie est encastrée dans le social. Cet argument vient justifier notre intérêt pour l’encastrement social des entrepreneurs dans des réseaux sociaux.

D’un point de vue plus « orthodoxe », pour expliquer les fondements théoriques de la coopération interentreprises, l’économiste Ronald Coase met en évidence, dans les années 1930, l’existence de coûts de transaction préalables à toute réalisation (production de biens et

services) pour les entreprises. Ils permettent d’expliquer, toute chose égale par ailleurs, les différences de performance entre les entreprises. Ces coûts de transaction incluent notamment ceux associés à la recherche d’information et à la prise de décision. Réduire ces coûts constitue, en conséquence, un enjeu fort dans la réussite de tout projet entrepreneurial. A la suite des travaux de Coase, Williamson (1991) conforte cette théorie et établit une typologie des formes d’organisation allant de l’entreprise (forme la plus intégrée) au marché (forme la moins intégrée), le réseau et la coopération constituant des formes hybrides. Pour parvenir à réduire leurs coûts de transaction, les dirigeants et leur entreprises intègrent des réseaux, structurés ou non, leur permettant d’accéder à de l’information tacite, hors marché. Nous reviendrons plus longuement en chapitre 6 sur le rôle de ce type d’information pour les entrepreneurs.

Ces éléments justifient notre intérêt pour les liens sociaux des dirigeants d’entreprise, qu’ils soient de nature personnelle ou institutionnelle (i.e. réseaux structurés). Dans ce cadre, notre chapitre aborde trois aspects complémentaires de l’encastrement social, notion intrinsèquement liée aux réseaux sociaux. Le premier est relatif à la recherche de ressources. Le second concerne le capital social des dirigeants et le dernier leur implication dans l’évolution de la société. Le concept d’empowerment sera mobilisé pour analyser ce dernier point.

Avant de présenter le déroulé de ce cinquième chapitre, précisons qu’il s’appuie tant sur la littérature que sur les résultats de notre enquête auprès des dirigeants sud-bretons. A ce titre, les fondements théoriques sous-jacents de notre raisonnement seront développés tout au long du chapitre. Par ailleurs, il s’agira d’insister sur l’indifférenciation entre le dirigeant et son entreprise (cf. encadre 5) afin de limiter les risques d’interprétations erronées de nos analyses.

Encadré 5 : La question du « Je » et du « Nous »

Pour éviter toute confusion entre l’entreprise et son dirigeant lorsque nous traitons des relations avec leur milieu, nous prenons le parti de considérer que les deux se confondent. La validité de ce parti-pris a été confortée lors de l’enquête auprès des dirigeants réalisée lors de notre recherche, où l’usage du « je » se confondait avec celui du « nous ». Faber (2000) et Filion (2000) confirment par ailleurs la pertinence de cette posture en indiquant notamment qu’elle est usuelle dans le cas de l’étude des PME en science de gestion.

Dans une première section, nous préciserons la tendance, volontaire ou non, des dirigeants de petite structure à s’isoler mais également les raisons qui les poussent à s’ouvrir à leur environnement, en brisant l’isolement qu’ils endurent, surtout lorsque leur entreprise est en

phase de structuration et / ou que sa taille est modeste. La littérature en science de gestion permet de cerner les problématiques liées à l’isolement des dirigeants. Pour comprendre comment l’entreprise construit ensuite son espace de relation une fois sortie de l’isolement, il faudra s’arrêter sur les différentes formes de proximité, leur rôle et leur complémentarité. Nous pourrons alors, dans une deuxième section, aborder les différents modes d’accès aux réseaux, en soutenant que le dirigeant mobilise des proximités et en considérant l’insertion dans les réseaux comme une étape intermédiaire, davantage qu’une fin en soi. Le dirigeant peut soit s’appuyer sur un organisme tiers, soit faire appel au marché, soit faire appel à des relations individuelles.

Dès lors, une troisième section exposera les manifestations de l’encastrement social du dirigeant. Il s’agira notamment de montrer, en s’appuyant sur la théorie des ressources (cf. 3.1), comment l’entreprise tire parti de ses relations sociales pour accéder à des ressources de différentes natures : génériques ou spécifiques, matérielles, humaines et financières. D’autres facteurs peuvent de prime abord sembler moins indispensables au bon déroulement du projet entrepreneurial mais prennent, après analyse, une dimension essentielle, même si leurs effets s’avèrent souvent indirects comparativement à l’accès direct aux ressources. Nous identifions, par exemple, la recherche de capital social (cf. 3.2) comme motif d’adhésion aux réseaux. Par ailleurs, l’engagement de l’entreprise dans la société se révèle être un argument mis en exergue par les dirigeants. Qu’il s’agisse d’une contribution à leur épanouissement personnel, d’une volonté de prendre part, au sens d’empowerment, au développement de leur territoire en pesant sur les décisions locales qui ont des effets sur leur structure, les dirigeants rencontrés mobilisent les réseaux pour y parvenir. Nous reviendrons en point 3.3 sur la définition de la notion d’empowerment. Ces motifs comptent. Les dirigeants y consacrent du temps alors que les retombées de court terme pour leurs entreprises sont souvent très limitées, voire nulles alors qu’à long terme, elles peuvent être gagnantes. Tout se passe comme si l’on assistait à un changement de temporalité : le temps long prend sa place au côté du temps court, celui du quotidien du dirigeant.

Il nous a semblé judicieux, dans une dernière section, de proposer trois portraits de dirigeants sud-bretons. Ces témoignages mettent en exergue, chacun à leur manière, le rôle des réseaux dans le projet d’entreprise et soulignent plusieurs enjeux du lien entre territoire et réseau. La figure 7 présente le cadre logique de notre chapitre. Le point de départ étant la situation de l’entreprise isolée qui, progressivement s’encastre dans les réseaux sociaux.

Figure 7 : L’encastrement social de l’entreprise en dynamique : de la sortie de l’isolement à ses différentes formes de manifestation (réalisation : C. Marinos)

1. Sortir de l’isolement et activer les

proximités : quel cheminement pour le

dirigeant d’entreprise ?

Nos réflexions initiales ciblent plus particulièrement les petites entreprises49 (PE) pour deux raisons. D’une part, elles constituent l’essentiel du tissu d’entreprises de notre terrain de recherche50 et, d’autre part, ce sont elles qui, d’après Birch (1987), embauchent et innovent le plus par rapport aux grands groupes. L’aspect organisationnel, relatif au fonctionnement interne, nous intéresse moins ici. Nos analyses débutent aux frontières externes de l’entreprise. Pourquoi doit-elle les franchir (1.1) et comment procède-t-elle pour y parvenir (1.2) ?

49 Selon l’Union Européenne, une petite entreprise a un effectif compris en 10 et 50 salariés pour un total du bilan annuel ne dépassant pas 43 M€

50 En 2013, les entreprises de moins de 50 salariés de Bretagne Sud représentent 60 % des emplois salariés privés contre 48 % en moyenne dans les zones d’emploi des métropoles de Brest, Rennes et Nantes (données ACOSS, calculs : Audelor)

1.1 L’isolement au cœur des enjeux des petites entreprises

(PE)

Pour comprendre le processus conduisant le dirigeant à s’encastrer dans son environnement social, d’une manière délibérée ou non, il faut introduire la notion de solitude. D’une manière générique, la solitude d’une personne peut être définie par « l’absence de relations dans la vie sociale » (Peplau et Perlman, 1982, cités dans Wright, Burt et Strongman, 2006). A l’opposé, l’encastrement se définit par le fait que toute action économique, y compris celles concernant les relations entre dirigeants, est encastrée dans des structures sociales comme les réseaux sociaux. La solitude, état pouvant être considéré comme une conséquence de l’isolement, appliquée aux chefs d’entreprise s’avère être un champ de recherche exploré par la littérature en science de gestion depuis les années 2000. Nos recherches nous conduisent à penser qu’elle est généralement abordée dans le cadre de l’étude des PE et des TPE et qu’elle fait l’objet d’analyses spécifiques.

Plus l’entreprise est petite, plus le dirigeant doit s’impliquer dans son fonctionnement interne au détriment d’autres tâches. On parle d’effet microcosme, défini par « le fait qu’un dirigeant de PE focalise généralement son attention sur l’immédiat dans le temps (le terme le plus rapproché, c’est-à-dire le court terme) et dans l’espace (le plus proche physiquement et psychologiquement) » (Torres, 2002). Cet effet s’explique par le besoin du dirigeant de dominer son environnement immédiat et contrer les menaces extérieures. Le « désir d’indépendance » et « la volonté de préserver une forte autonomie » apparaissent comme des caractéristiques communes aux chefs de petite entreprise.

Ce premier effet se double d’un second appelé effet de proportion ou de grossissement : « plus l’effectif pris en considération est réduit, plus la place d’un élément est proportionnellement élevé » (ibid). La taille modeste de la structure se traduit par un faible effectif et une hiérarchie réduite. Le décideur principal qu’est le dirigeant mène son affaire personnellement. Il investit souvent ses biens personnels dans son entreprise et, comme créateur, assume une grande partie du risque de défaillance. Il détient seul le pouvoir car la taille de sa structure ne convient pas à la présence d’une instance de type conseil d’administration. Le dirigeant est par ailleurs aux prises avec la plupart des problèmes rencontrés dont il détient la clé. En somme, il est au centre de son organisation.

Moles et Rohmer (1978) parlent de phénomène de « paroi » pour expliquer la différence de perception entre ce qui se situe à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise : « Quand on

introduit une paroi dans l’espace libre, les phénomènes extérieurs perçus de l’intérieur diminuent subjectivement de grandeur » nous disent les auteurs. Plus l’entreprise est petite, plus la gestion quotidienne, du point de vue du dirigeant, est centrée sur l’interne. Il dispose en conséquence de moins de temps pour s’ouvrir à son environnement et prendre du recul sur ses prises de décision. Les deux auteurs prolongent leurs analyses en établissant une typologie des parois, dites « coquilles », qu’il s’agit d’appliquer aux dirigeants de petite entreprise. Selon eux, l’entrepreneur se situe au niveau de l’appartement (cf. tableau 5) qui est « le lieu où j’exerce mon emprise de maître et de possesseur. La paroi est épaisse et dure : la domination s’exerce à l’intérieur des murs résistants mais s’arrête à l’extérieur ». Qui plus est, les PE ne sont généralement pas multi-sites, ce qui renforce cette unicité de lieu.

TYPE DE COQUILLES ATTRIBUTS

Le corps propre Cette coquille constitue la frontière de l'être et détermine la

frontière entre Moi et le Monde.

Le geste immédiat C'est la sphère d'extension du geste autonome. C'est

l'ordonnancement du "tout" à portée de la main.

La pièce d'appartement La pièce est le territoire optiquement fermé, couvert par le champ

visuel. C'est tout l'espace mis sous l'emprise du regard.

L'appartement C'est le lieu où j'exerce mon emprise de maître et de

possesseur. La paroi est ici épaisse et dure : la domination s'exerce à l'intérieur des murs résistants et s'arrête à l'extérieur.

Le quartier (le lieu

charismatique de la rencontre, le regard social).

Cette coquille correspond à l'idée d'un domaine familier mais dont on n'est pas maître. Le quartier est la personnalisation de l'impersonnel.

La ville et son centre (la coquille d'anonymat)

C'est le lieu des services rares (on fait appel au médecin de quartier mais on consulte le spécialiste de la ville). C'est aussi le lieu de la variété et de l'anonymat (il s'y passe quelque chose et on n'y est pas sous l'œil du voisin).

La région (l'agenda) C'est un domaine où l'homme dépend de son agenda de rendez-

vous, c'est-à-dire d'une organisation de son budget-temps. La région se définit par l'ensemble des lieux où l'homme peut aller et revenir en moins d'une journée, sans découcher.

Le vaste monde (l'espace de projets)

C'est la zone de voyage et d'exploration, le réservoir du nouveau. L'idée de préparation et celle de bagages, sont inhérentes à la transgression des frontières de la région pour passer dans le vaste monde.

Tableau 5 : La typologie des coquilles de l'Homme d'après Moles et Rohmer (1978)

Ces effets et phénomènes vont de pair avec un alourdissement de l’emploi du temps du dirigeant qui se focalise en priorité sur le court terme et l’opérationnel. Il se trouve relativement isolé, « la petitesse épaissit les parois qui séparent le dedans du dehors, ce qui

explique le fort isolement dans lequel fonctionnent un grand nombre de PE et TPE » (Drucker-Godard, 2000).

Afin de mesurer les conséquences de l’isolement pour les dirigeants, le sociologue Gerhard Krauss (2009), membre, rappelons-le, de notre comité de suivi, a entrepris d’objectiver le lien entre défaillance de la firme et ouverture du créateur en termes de relations sociales. Son enquête auprès d’entrepreneurs allemands et américains, dans le domaine des nouvelles technologies, l’a mené à un certain nombre de résultats empiriques inédits. Ainsi, dans la période de grande incertitude qu’est la phase de création, l’échec provient principalement du manque d’interaction avec la communauté professionnelle (privée et publique), synonyme d’un enfermement subi et parfois choisi. Cet élément prime sur d’autres causes d’échec comme la difficulté d’accès aux ressources financières. Dans le même ordre d’idée, une enquête de la CCI de Paris (Schaefer et al., 2015) réalisée auprès de 6000 entreprises montre que 40 % des entreprises ayant un projet d’innovation ont dû l’abandonner faute de trouver des partenaires.

Le témoignage d’un des dirigeants interviewés lors de notre enquête résume bien la problématique de l’isolement pour les petites entreprises : « Avoir des relations équilibrées passe par la nécessité de sortir de l’entreprise. C’est ce qui peut être terrible d’ailleurs : quand l’entreprise a du mal, le dirigeant a la tête dans le guidon et n’a plus l’envie et la force de sortir. Alors que la richesse est d’aller voir ce que font les autres. L’entreprise de moins de 20 salariés est la pire pour ça. Le patron n’a personne avec qui échanger ». Un second entrepreneur ajoute : « On ne peut pas s’exclure du tissu. Vouloir vivre seul, cela signifie s’exclure ».

La détresse liée à la solitude face à la prise de décision stratégique a par ailleurs été soulignée par les gestionnaires Defays et Saint-Pierre (2012). Les auteurs montrent que, dans un contexte de concurrence accrue et de mondialisation, les difficultés auxquelles le chef d’une petite entreprise est confronté lorsqu’il doit concilier seul ses trois rôles (homo economicus,

homo politicus et pater familias). Ils soulignent également le rôle de la famille et des

associations de dirigeants quand il s’agit de « chercher de l’aide » (cf. chapitre 6).

Si l’ensemble de ces éléments constitue une forme de fragilité pour les entreprises de taille modeste, ils ne doivent pas éclipser un certain nombre de facultés dont elles bénéficient par rapport aux plus grandes. Elles profitent aussi « d’avantages qui leurs sont propres, tels que la rapidité avec laquelle les décisions sont exécutées, la proximité des marchés ainsi qu’une plus

grande capacité à s’adapter et à changer d’orientation à court terme » (Blili et Raymond, 1998).

En conclusion de ce premier point, nous pouvons estimer que le degré d’isolement du chef d’entreprise constitue un élément déterminant de la réussite entrepreneuriale. Mais une fois la décision prise de sortir de sa « coquille », qu’elle soit contrainte ou non, le dirigeant mobilise plusieurs formes de proximité lui permettant d’accéder à différents espaces de relations.

1.2 La mobilisation de multiples formes de proximité pour

franchir les frontières de l’entreprise

La notion de proximité permet d’appréhender le processus de sortie de l’isolement. Que se passe-t-il lorsqu’un dirigeant décide de quitter son « appartement » ? On a précédemment souligné que les chefs d’entreprise, surtout de taille modeste, doivent lever certaines barrières et s’ouvrir vers l’extérieur pour mener à bien leur projet et surtout limiter les risques d’échec. Ils mobilisent des liens sociaux qualifiés de liens de proximité. Parce que rares sont ceux qui évoluent « hors sol », réduire les distances représente un enjeu auquel les dirigeants doivent faire face. La proximité constitue un concept utile pour comprendre les interactions des chefs d’entreprise avec leur environnement. Il s’agit, selon nous, d’un « passeport » permettant à l’entreprise de dépasser ses propres frontières et d’étendre ultérieurement son espace relationnel. A la différence des grandes entreprises dont les espaces de coordination sont multiples à l’intérieur même de l’organisation, les PE se tournent davantage vers l’extérieur pour interagir.

Depuis les années 1990, le concept de proximité, sur lequel nous revenons plus longuement ci-après, a été largement développé par l’Ecole française de la proximité (Rallet, Torre, Zimmerman, Gilly, Bouba-Olga, etc.) qui cherche à comprendre « comment la proximité géographique génère (…) des avantages économiques » (Talbot, 2009). L’espace n’explique pas tout. Des facteurs non spatiaux interviennent dans les interactions entre acteurs. Ces derniers s’inscrivent dans des systèmes sociaux qui modèlent leurs échanges. Des représentations communes ont pour conséquence de faciliter les interactions. L’appartenance à une même aire culturelle, par exemple le fait de partager la même langue, également. Mais d’autres types de proximité permettent d’expliquer la nature et l’intensité des relations entre acteurs.

L’Ecole de la proximité (Bouba-Olga et Grossetti, 2006) en différencie plusieurs formes parmi lesquelles les auteurs distinguent en premier lieu la proximité géographique des autres formes de proximité.

a) Proximité géographique

La dimension la plus manifeste en matière de proximité est celle relative à l’espace, appelée proximité géographique ou spatiale. « Toute interaction entre agents économiques est ainsi située : elle peut se dérouler à proximité (géographique) et / ou ailleurs » nous dit Rallet (1999). L’espace joue un rôle majeur pour expliquer l’émergence de liens économiques et sociaux. En effet, comme l’indiquent les premières théories de localisation, l’agent économique cherche à minimiser les coûts de déplacement (Cantillon, Turgot, Weber). L’espace a été, pendant longtemps, perçu comme une contrainte. L’économie classique affirme que, toute chose égale par ailleurs, l’agent se dirige mathématiquement vers la ressource la plus proche géographiquement. Les coûts de transport permettent donc d’arbitrer entre plusieurs relations.

L’importance de cette variable nous a été confirmée empiriquement par la majorité des entrepreneurs interrogés dans le cadre de notre enquête. L’un d’entre eux témoigne : « il est certain que nous sommes plus performants en ayant juste besoin de traverser la rue pour trouver ce complément plutôt que d’aller traverser l’Europe ». L’entrepreneur agit ici de manière rationnelle : lorsqu’il s’agit de franchir les frontières de son entreprise, il prend en