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2.3 L ES TROIS ÉTAPES CLÉS DE LA PRISE EN CHARGE – ACCUEIL , ÉVALUATION - ORIENTATION , PRISE EN

2.3.1 L’isolement impose un accueil dans l’urgence qui percute des dispositifs locaux souvent

Dans l’ensemble des départements dans lesquels la mission s’est déplacée, la question de la déstabilisation du dispositif d’accueil d’urgence par les arrivées imprévisibles et parfois groupées de mineurs étrangers isolés est apparue comme l’un des points clé.

La situation d’isolement et la difficulté d’ajourner une décision d’admission en laissant un mineur à la rue imposent en effet une réaction rapide de la part des institutions qui perdent dans ce contexte toute souplesse d’ajustement. Lorsque, comme cela est arrivé souvent, ce sont plusieurs mineurs qui arrivent dans la même journée ou la même semaine, le dispositif d’accueil d’urgence très sollicité peut perdre les marges de manœuvre que les responsables de l’aide sociale à l’enfance tentent en général de préserver pour pouvoir faire face à des situations graves d’enfance en danger.

Outre la mise sous tension des circuits de l’accueil d’urgence, une telle pression génère des débats parfois malsains sur la réalité des dangers comparés auxquels sont soumis d’une part, des jeunes mineurs étrangers pour qui le passage à l’aide sociale à l’enfance est parfois présenté comme une étape programmée dans un parcours d’intégration et d’autre part, des jeunes susceptibles d’être en butte à des violences ou à des abus. Or, s’il est

d’origine chinoise, vers soit des juges soit des services d’aide sociale à l’enfance et que les acteurs concernés aient alors le sentiment d’être manipulés, cela ne minore pas forcément les risques réels encourus par ces mineurs s’ils restent à la rue ou en proie à un réseau d’exploitation éventuel.

Cette question est particulièrement cruciale à Paris où le dispositif d’accueil d’urgence est généralement sous tension.

Dans la capitale, l’engorgement du système d’urgence met tous les acteurs en première ligne lorsqu’il s’agit de trouver un hébergement dans les délais les plus brefs Au sein de l’aide sociale à l’enfance, l’arrivée massive de mineurs étrangers isolés depuis plusieurs années a conduit à une saturation des structures d’accueil, Saint-Vincent de Paul et Didot, imposant de faire appel à d’autres établissements – tels Paris Ado service orienté vers la prévention- ou de rechercher des solutions palliatives de moindre qualité tels les hébergements en hôtels. La responsable de la cellule d’accueil des mineurs étrangers isolés (CAMIE) de Paris a cependant insisté sur les précautions prises pour les plus jeunes ou pour les jeunes filles. L’hébergement en hôtel concerne essentiellement de jeunes hommes proches de la majorité.

Pour les accueils en urgence, notamment de nuit, le service d’accueil et d’hébergement provisoire de la Croix-Nivert (association « Jean Coxtet »), destiné aux mineurs fugueurs ou errants qui y sont conduits sur ordonnance du juge des enfants ou du Parquet des mineurs, après interpellation par les services de police, est régulièrement sollicité ; ce qui suscite parfois la crainte de ne pouvoir mettre à l’abri d’autres jeunes soumis à des violences et devant être retirés dans l’urgence de leur milieu. La majorité des admissions se fait par l’intermédiaire de la Brigade de Protection des Mineurs, deux places étant toutefois réservées aux placements judiciaires. Il arrive que dans l’attente d’une expertise osseuse, l’aide sociale à l’enfance parisienne fasse appel à cet établissement.

Le trop-plein des différentes structures a aussi mené à ce que le dispositif ADMIS de mise à l’abri joue parfois son rôle pour des durées bien supérieures à la mise à l’abri immédiate pour lequel il était prévu. Certaines structures d’accueil d’urgence en amont de l’aide sociale à l’enfance expriment de surcroît le sentiment de jouer elles-aussi, au-delà du seul rôle de solution de dépannage, un rôle de sas avant l’admission à l’aide sociale à l’enfance dans l’attente de l’expertise osseuse.

Dans d’autres départements, ce sont généralement les foyers de l’enfance qui font face au besoin de places en grande urgence. Ainsi à Strasbourg, Lyon, Lille.

La nécessité de se doter progressivement d’un savoir-faire pour accueillir au mieux les mineurs étrangers isolés entraîne souvent une spécialisation de fait comme cela est le cas à Lille, ce qui ne fait qu’accroître l’engorgement. Le Foyer de l’enfance de Lille (EPDSAE) connaît structurellement des situations de sur-occupation, accueillant un nombre élevé de mineurs étrangers isolés. Inquiet des risques de dysfonctionnement du système de protection de l’Enfance, le conseil général du Nord souhaite répartir l’accueil sur plusieurs structures et a sollicité le parquet pour éviter les placements directs au foyer induits trop fréquemment par le monopole de fait du foyer de l’EPDSAE.

La pression sur le dispositif d’urgence est de surcroît exacerbée par les difficultés à trouver des places de débouché. Compte tenu du temps nécessaire à une phase satisfaisante d’évaluation-orientation, les jeunes étrangers demeurent parfois dans les structures d’accueil

d’urgence au-delà de la durée prévue pour trouver un placement d’aval, soit deux mois en général. Les durées moyennes de séjour ont par conséquent une nette tendance à l’allongement au foyer de l’enfance de Lille, comme d’ailleurs au foyer Saint Vincent de Paul de Paris.

Dans plusieurs départements, la coopération des acteurs permet toutefois de surmonter les moments de tension les plus forts pour garantir des hébergements d’urgence. C’est notamment l’un des objectifs d’accords plus ou moins formalisés entre conseil généraux et protection judiciaire de la jeunesse, par exemple à Strasbourg avec la cellule de coordination de l’accueil en urgence.

A Grenoble, les difficultés récurrentes rencontrées par les juges comme par le conseil général pour dégager des places d’accueil à tout moment ont conduit à l’élaboration d’une solution ad hoc avec création d’un établissement de petite taille spécialisé dans le premier accueil des mineurs étrangers en mai 2004.

Le Catalpa est un petit établissement de 7 places qui offre le premier accueil de quelques semaines en internat puis une prestation d’accompagnement-évaluation pouvant aller jusqu’à trois mois alors que les jeunes placés sont installés dans des familles ou dans des appartements lorsqu’ils sont autonomes. Au bout de trois mois, le passage de relais doit être fait avec les circonscriptions de l’ASE et un hébergement de droit commun.

La viabilité d’un tel dispositif d’accueil en urgence repose naturellement sur la capacité à organiser la prise en charge de droit commun dans les trois mois, faute de quoi l’établissement risquerait d’être en sur-capacité puis embolisé rapidement. Tel n’est pas encore le cas mais d’ores et déjà certains jeunes sont demeurés au-delà des trois mois initialement prévus soit parce que la proximité de leur majorité rend une sortie viable difficile, soit parce que des démarches sont entreprises pour un regroupement familial.

On peut noter à ce stade que la structure ad hoc créée pour accueillir les mineurs isolés sortant de la zone d’attente de Roissy, le Lieu d’Accueil et d’Orientation (LAO ) de Taverny connaît des difficultés similaires d’articulation avec les lieux de placement de droit commun, difficultés exacerbées par le fait que le LAO ne relève pas d’un conseil général disposant d’autres structures de placement, à la différence de Grenoble où les différentes institutions dépendent du conseil général de l’Isère. La recherche de débouché est le point faible majeur d’une institution juridiquement dérogatoire au regard du rôle actuel des acteurs publics en matière de protection de l’enfance. C’est pourquoi alors que la durée prévue était de deux mois, la durée moyenne de séjour du LAO était de 102 jours pour la période allant de septembre 2003 à septembre 2004.

Ainsi, lorsque leurs flux d’arrivée deviennent significatifs, les mineurs étrangers isolés génèrent incontestablement des tensions sur le système d’accueil en urgence des conseils généraux dont les marges de manœuvre sont souvent réduites. L’émergence de ce nouveau phénomène a imposé des adaptations structurelles voire des innovations. La mission souligne toutefois que dans ce contexte, le problème n’est sans doute pas tant l’arrivée des mineurs étrangers que l’insuffisance des dispositifs d’accueil.

2.3.2 La phase décisive d’évaluation-orientation présente sauf exception un caractère