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L’iode comme solution

Dans le document Histoire de l iode, d hier à aujourd hui (Page 46-49)

III. Les troubles de l’iode depuis l’antiquité

6. L’iode comme solution

L’utilisation d’éponges calcinées comme traitement du goitre a toujours été recommandée depuis l’antiquité. En 1819, le médecin genevois Jean François Coindet s’interroge sur le principe actif contenu dans les éponges et le varech et les soumet à analyse. Il met alors en évidence la présence de l’iode, cet élément nouveau découvert huit ans plus tôt par Courtois. Fort de cette constatation et des enseignements traditionnels, il entreprend par la suite d’expérimenter l’utilisation de l’iode chez cent cinquante goitreux et livre ses conclusions dans un mémoire intitulé Découverte d’un nouveau remède contre le goitre publié en 1820. Dans ses écrits, le médecin y décrit ses prescriptions d’iode sous forme de gouttes diluées à l’eau et ses résultats positifs en termes de réduction du goitre. Il alerte également sur la rigueur dont doit faire preuve le thérapeute dans ses dosages pour éviter les effets indésirables. Parfois rendu coupable d’accidents survenus à la suite de surdosage, Coindet n’en demeure pas moins le

46 précurseur d’une nouvelle perspective thérapeutique dans le traitement du goitre et le premier à décrire objectivement les principaux symptômes de l’hyperthyroïdie (Dreifuss, 1876).

Reconnu pour ses vertus dans ce cas précis, l’iode interroge, suscite l’expérimentation mais aussi le doute compte tenu de son caractère toxique à fortes doses. Le goitre, bien que disgracieux trouve même crédit auprès de certains qui n’hésitent pas à le provoquer pour échapper au service militaire.

Aux approches purement médicales se joignent des approches aux champs d’explorations plus élargis. En 1825, le chimiste français Jean-Baptiste Boussingault s’intéresse au goitre et à sa cause. Considéré aujourd’hui comme le père de l’agro-écologie et célèbre pour la mise au point des premiers aciers au chrome, le chimiste académicien des sciences s’interroge en Bolivie sur la cause du goitre qui sévit de façon endémique dans la cordillère des Andes.

Pionnier dans le concept de carence alimentaire, il réfute l’opinion qui attribue cette endémicité au climat et à l’air vicié et se consacre dans son mémoire à l’étude des eaux dans les régions concernées. Il constate une forte teneur en iode des eaux potables dans les régions côtières qui contraste avec la faible concentration retrouvée dans la cordillère et soumet l’hypothèse de l’implication de ces eaux dans l’endémicité du goitre (Blondel-Mégrelis, 2007). Il en tire la conclusion suivante : « Je considère comme certain que le goitre disparaîtrait des Cordillères, si l’autorité prenait des mesures convenables pour qu’il soit établi dans chaque chef-lieu de canton où le goitre est endémique, un dépôt de sel contenant de l’iode, et dans lequel chaque habitant pourrait aller acheter le sel nécessaire à sa consommation » (Boussingault, 1831). Il faut voir dans cette solution les prémices d’une attitude prophylactique raisonnée contre le goitre qui ne sera, pour lors, pas jugé suffisamment convaincante par ses pairs.

Néanmoins, malgré le scepticisme exprimé sur les travaux de Boussingault, quelques-uns abondent dans son sens. C’est le cas notamment du Docteur Grange de Genève qui recommande dans ses travaux en 1840 l’utilisation d’un sel iodé comme vecteur d’iode, et de Gaspard Adolphe Chatin. En France en 1850, ce botaniste mesure à son tour les concentrations d’iode dans les eaux et les plantes d’eau douce et parvient aux mêmes conclusions que son confrère exilé en Amérique du Sud. Influencé également par les enseignements de Coindet, il expose sa théorie selon laquelle le déficit en iode des aliments ingérés serait la cause du goitre et entreprend avec le renfort de Bernard Niepce de mettre au point une thérapie contre le

47 crétinisme en utilisant l’iode. Il réaffirme par la même occasion la corrélation entre goitre endémique et crétinisme. Cependant le manque de précision de ses méthodes d’investigation lui est lourdement reproché et discrédite ses travaux.

Le concept de carence au retentissement symptomatique est encore difficilement compréhensible et c’est la thèse de la dégénérescence qui est bien souvent préférée.

A ce stade, le cycle de l’iode exposé plus tôt dans cette thèse est plus ou moins identifié.

On a compris l’influence des fortes concentrations en iode des sols sur sa répartition dans les eaux et l’alimentation ; et les plateaux montagneux, éloignés des mers, sont clairement identifiés comme des zones de carence. Pour autant, la réticence des médecins du XIXème à l’utilisation de traitements au long court et la méfiance vis-à-vis des effets délétères de l’iode rendent les travaux prophylactiques difficiles.

Malgré les craintes, l’engouement suscité autour de l’iode et de ses composés reste intact et atteint même son paroxysme à la même période. La multiplicité des résultats positifs obtenus dans le traitement du goitre ouvre la voie à d’autres perspectives thérapeutiques dans de nombreuses autres affections. On reconnait à l’iode ses qualités d’expectorant, stimulant digestif et anti-infectieux mais également des propriétés hautement irritatives pour le tube digestif dans son état natif, responsable parfois d’accidents mortels. Cette toxicité souvent vivement décriée par certains médecins conduit les expérimentateurs à diversifier leurs formes galéniques tout comme les voies d’administrations. Dans le formulaire magistrale de Bouchardat publié en 1878 c’est plus d’une centaine de formes de l’iode qui sont. On y reconnait entre autres l’efficacité de l’iode dans le traitement du goitre mais également de la syphilis, de la blennorragie, des leucorrhées et de certaines maladies de peau - dartres, teignes, etc (Bonnemain, 2000). Le caractère « agressif » de l’iode suggère également au médecin sa recommandation dans le traitement des tumeurs et des excroissances.

C’est cet attrait pour l’iode et une volonté d’en réduire les effets nocifs par la forme pharmaceutique qui expliquent la multiplicité des spécialités iodées au cours du 20ème siècle.

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Dans le document Histoire de l iode, d hier à aujourd hui (Page 46-49)

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