• Aucun résultat trouvé

manipulation collaborative

5.2 L’interface tangible reconfigurable

Le but de l’interface tangible reconfigurable (RTD) est de proposer une interface physique qui corresponde à de nombreuses formes d’objets 3D pour leur manipulation. Cette interface doit être facilement et rapidement reconfigurable pour éviter des inter-ruptions trop longues de l’activité de ses utilisateurs. Elle est rigide pour fournir un retour haptique passif entre les mains qui l’emploient.

Le RTD est un nouveau concept d’interface tangible reconfigurable qui propose une interface physique générique et universelle comprenant des points rigidement liés entre eux. Ces points de manipulation sont des poignées qui constituent une forme simple

pouvant être modifiée. La forme obtenue à partir des points esquisse la forme (ou le maillage) de l’objet virtuel manipulé par ses utilisateurs. Les liens physiques entre les points sont rigides mais faciles à étirer ou raccourcir. Cette interface a été pensée dans le but de permettre à deux utilisateurs (ou plus) d’interagir simultanément sur un objet virtuel.

5.2.1 Domaines d’application

Nous visons les domaines de l’apprentissage dans des environnements virtuels, du prototypage virtuel et, éventuellement, du ludique.

Plus précisément, nous souhaitons rendre les gestes des utilisateurs les plus naturels possibles au sein d’environnements virtuels, c’est-à-dire les plus proches possibles de la réalité. Nous espérons alors qu’en permettant à des personnes de faire des gestes fidèles à la réalité dans un environnement virtuel, elles les apprendront et sauront les reproduire dans un environnement réel.

Nous pensons également que des mouvements les plus réalistes possibles dans le virtuel permettront de mieux détecter des erreurs de conception industrielle dans les phases de prototypage virtuel, ou bien de mieux envisager des méthodes d’amélioration des tâches à effectuer dans le réel.

Enfin, l’aspect naturel et intuitif de l’interface tangible pourrait permettre un accès rapide au grand public. Il est alors possible d’envisager son usage pour des jeux vidéos.

5.2.2 Intérêts d’une interface tangible

Une interface tangible est conçue dans le but de donner une forme physique à une information numérique [UI00]. Une telle interface peut alors donner l’impression à ses usagers qu’ils tiennent l’objet virtuel dans leurs mains, ou du moins, une partie de l’objet virtuel. Cette idée a été introduite en réalité virtuelle par Hinckley et al. [HPGK94] pour une application de neurochirurgie comme nous l’avons mentionnée dans la partie 1.3 de l’état de l’art. Avec celle-ci, l’interacteur effectue des coupes pour voir les résultats d’une radiographie d’un patient (cf. figure 1.11). Récemment, Salzmann et al. [SJF09] ont proposé d’utiliser une interface tangible qui a la forme d’une barre. Elle relie les mains des deux utilisateurs qui l’emploient, ce qui la met en rapport avec la technique des trois mains et l’interface tangible reconfigurable que nous proposons. Dans cette tâche, chacun des deux utilisateurs n’utilise qu’une seule de ses mains pour manipuler le pare-brise virtuel d’une voiture. Ensemble, les utilisateurs amènent le pare-brise d’une position initiale à son emplacement sur la carrosserie. Les auteurs ont constaté que la manipulation sans leur interface tangible était plus longue que celle avec l’interface.

Diverses interfaces ont été développées pour imiter les formes d’objets à manipu-ler (pas nécessairement en réalité virtuelle). Nous qualifions ces interfaces tangibles de reconfigurables, par opposition à celles dont la forme ne peut être changée comme [HPGK94] et [SJF09]. Une première approche pour approximer la forme d’un objet à manipuler consiste à le construire par un assemblage de briques. Cette approche a donné lieu à de nombreux travaux de recherche qui ont débuté par une application

architec-L’interface tangible reconfigurable 109

turale [Fra95] pour ensuite donner lieu, par exemple, aux briques de MERL [AFM+99] (cf. figure 5.1) ou aux ActiveCubes [WIA+04, IIKK04] (cf. figure 5.2). Une deuxième approche consiste à modifier la forme d’interfaces tangibles qui sont malléables. Par exemple, l’utilisateur applique des pressions avec ses doigts sur l’interface proposée dans [STP08] pour modéliser des objets en 3D. Dans Glume [PLI06], des sphères mal-léables sont reliées entre elles par une structure rigide sous-jacente. Dans Senspec-tra [LPI07], des balles rigides sont connectées ensemble par des flexibles pour constituer une structure globale flexible. La figure 5.3 illustre ces deux interfaces tangibles.

(a) (b)

Fig. 5.1 – (a) Un assemblage des briques de MERL [AFM+99]. (b) Un objet virtuel manipulé par les briques de (a), celles-ci approximent la forme de ce bâtiment.

Fig. 5.2 – (a) Différents types d’ActiveCubes [WIA+04]. Cette illustration montre que ces cubes peuvent embarquer différentes fonctionnalités telles que l’émission de sons ou de lumières, ou bien la récupération d’orientations par des gyroscopes. (b) Des ActivesCubes assemblés approximent la forme d’une navette spatiale virtuelle qu’un utilisateur peut orienter à l’écran.

Toutefois, même si les utilisateurs semblent préférer les interfaces tangibles à celles non tangibles, les performances observées ne sont pas toujours meilleures [HTP+97,

(a) (b)

Fig. 5.3 – (a) Illustration de l’interface tangible Glume [PLI06]. (b) Illustration de l’interface tangible Senspectra [LPI07].

WR99]. Malgré cela, le retour tactile passif procuré par une interface tangible peut amé-liorer l’impression d’immersion ainsi que l’efficacité d’un entrainement au sein d’un en-vironnement virtuel [IMWB01]. Dans le cas d’interactions collaboratives, ce retour hap-tique passif procuré par une interface tangible peut améliorer les performances [SJF09].

5.2.3 Un triangle reconfigurable pour des manipulations à trois points

Le triangle est une instance du RTD où 3 points de manipulation sont utilisés (cf. figure 5.4). Cette version du RTD est nommée RTD-3. Le nombre de points trouve son origine dans la technique d’interaction à 3 mains présentée au chapitre 4. En effet, il s’agissait d’abord d’aider les manipulateurs à conserver leurs mains à une distance constante durant une manipulation à 3 mains. Pour cette raison, l’instance du RTD qui est présentée hérite des avantages de la technique à 3 mains. Notamment, la position et l’orientation de l’objet virtuel manipulé sont obtenues à partir des positions des 3 mains uniquement.

Fig. 5.4 – Illustration de l’interface tangible reconfigurable triangulaire. L’utilisateur à gauche tient le RTD-3 par ses deux mains, aux coins, tandis que l’autre utilisateur n’en emploie qu’une seule.

L’interface tangible reconfigurable 111

L’usage de trois points présente l’avantage de définir un plan par le nombre minimal possible de points. Avec ce faible nombre, le triangle reste facile à attacher à un objet à manipuler. La séquence de manipulation est comme suit :

1. les trois points virtuels manipulés par le triangle doivent venir effleurer l’objet virtuel à manipuler. Il s’agit ici d’imiter une préhension de l’objet avec les mains ; 2. un utilisateur déclenche le début de la manipulation. Une télécommande peut être utilisée pour un déclenchement distant (nous avons, par exemple, utilisé une Wiimote de Nintendo), ou bien un opérateur peut employer le clavier.

La possibilité de reconfigurer la forme du RTD-3 aide également à accomplir plus rapidement et plus aisément l’étape 1. En effet, les trois branches du triangle sont télescopiques et peuvent être allongées ou raccourcies après avoir libéré le coulissement par un bouton.

Le RTD-3 s’adapte aux petits objets comme aux grands grâce à une variation im-portante des angles : d’environ 20 à 130, grâce à des branches dont la longueur, pour chacune, s’étend de 38 cm à 95 cm. La figure 5.5 montre que ces différentes variations permettent la manipulation d’objets longs ou courts, aux formes rondes, cubiques, etc. de façon horizontale ou verticale. Pour un petit objet, comme une balle, les branches du triangle seront raccourcies pour atteindre la longueur minimale. Pour un carton plus grand que la balle, le triangle peut être légèrement agrandi. Enfin, un objet de forme allongée, telle une lampe, peut être contrôlé par un triangle isocèle dont un flanc est « écrasé ».

5.2.4 Réalisation de l’interface à trois points

Nous souhaitions, dès le départ, que l’interface tangible triangulaire ait des branches télescopiques. Un premier prototype s’est basé sur six antennes télescopiques qui sont habituellement employées sur des postes radiophoniques (cf. figure 5.6). Chacune des trois branches du triangle était formée par deux antennes en sens opposés afin de rigidifier la structure. Le triangle ainsi obtenu était très léger et très compact (chaque branche mesurait 10 cm) tout en offrant une taille assez grande une fois déployé (dans ce cas, chaque branche mesurait 70 cm). Malheureusement, la rigidité de l’ensemble n’était pas satisfaisante. Avec des utilisateurs crispés effectuant des actions divergentes, le triangle se tordait très rapidement et offrait un lien haptique trop faible entre les deux utilisateurs.

La deuxième version du RTD-3 est celle utilisée actuellement et illustrant ce cha-pitre. Ses branches sont issues d’un trépied pour appareil photographique qui a été démonté. L’ensemble reste léger tout en devenant rigide et robuste.

Pour les deux versions du RTD-3, les marqueurs optiques ont été placés dans ses coins. Nous avons fait ce choix pour que sa manipulation reste identique à celle de la technique à trois mains. Certains utilisateurs auraient souhaité pouvoir placer les cap-teurs aux centres des branches mais nous n’avons pas encore évalué l’apport éventuel. Les marqueurs sont ceux utilisés lors de la manipulation à trois mains. Afin de les fixer, trois petites surfaces (moins de 2 cm2 chacune) en carton ont été placées au dessus de

Fig. 5.5 – L’image supérieure montre l’ensemble d’une scène virtuelle de test. Les deux colonnes montrent différentes formes du RTD-3 pour correspondre à l’objet virtuel à manipuler : une balle, une boîte en carton et une lampe.

Évaluation de l’interface tangible reconfigurable triangulaire 113

Fig. 5.6 – Premier prototype du RTD-3. Ce triangle est composé d’antennes téles-copiques. Ces illustrations le montrent sous deux tailles : raccourcie au maximum et étendue au maximum.

chacun des coins en veillant à ne pas bloquer les articulations. Un marqueur est alors accroché à cette surface par une bande auto-agrippante et peut aisément être remplacé si besoin.

5.3 Évaluation de l’interface tangible reconfigurable