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L‟intelligence territoriale et le patrimoine : une voie et des voix pour constituer la mémoire.

musées : des savoir-faire à créer puis à partager.

5. L‟intelligence territoriale et le patrimoine : une voie et des voix pour constituer la mémoire.

Dans nos propos précédents, nous avons établi la relation à imaginer entre le territoire et son développement par la patrimonialisation de ses constituants culturels. Nous avons évoqué que cette posture relevait d‘un processus, l‘intelligence territoriale. Nous emprunterons la définition de l‘intelligence territoriale à Yann Bertacchini (2004) en tant « processus informationnel et anthropologique, régulier et continu, initié par des acteurs locaux physiquement présents et/ou distants qui s‘approprient les ressources d‘un espace en mobilisant puis en transformant l‘énergie du système territorial en capacité de projet. De ce fait, l‘intelligence territoriale peut tout à fait être assimilée à la territorialité qui résulte du phénomène d‘appropriation des ressources d‘un territoire puis aux transferts des compétences entre des catégories d‘acteurs locaux de culture différents »

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De plus, nous vivons non pas une identité unique, mais des identités multiples et croisées. C‘est pourquoi la dimension territoriale a de l‘importance pour penser le patrimoine. Les possibilités d‘activité et d‘identification qui nous entourent ne sont pas aléatoires. Elles sont le fruit de la volonté des militants associatifs, de sollicitations institutionnelles, de l‘histoire spécifique d‘une zone géographique. Les données de notre environnement immédiat social, économique, culturel, sont de plus en plus informatisées. Et de plus en plus, les informatisations successives mettent en évidence l‘ensemble des possibilités d‘action et d‘identification réunies dans un lieu. C‘est le cas par exemple du portail d‘une mairie sur Internet. Enfin, ces informatisations successives mettent en interconnexion des activités internes à un groupe avec des activités associées. Ces actions soulignent la multiplicité des intentions et peuvent brouiller aussi la lecture d‘un territoire. Nous pouvons alors nous demander comment la numérisation du patrimoine régional participe-t-elle de l‘intelligence territoriale ? On pourrait proposer en ce sens une réflexion systématique sur la numérisation du patrimoine de la région, s‘appuyant sur la diversité de ce qui est travaillé aujourd‘hui au sein d‘un département par exemple. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la question de la production de l‘information c‘est-à-dire au recensement et à la description des éléments patrimoniaux. Nous pensons que si le premier maillon à savoir la prise en compte du patrimoine tangible, est défaillant, c‘est toute la chaîne de l‘information jusqu‘à la numérisation qui est faussée.

La numérisation permet de nouvelles formes d'accès aux archives et au patrimoine public qui suscitent le renouveau de pratiques anciennes, par

57 Les méta données sont des données décrivant d’autres données, c’est-à-dire

l’ensemble des informations techniques et descriptives ajoutées aux documents pour mieux le qualifier.

58 Bertacchini, Yann, Intelligence territoriale, - volet 2 – Mesurer la distance ; Penser la durée ; mémoriser le virtuel, Coll. Les Etic, p. 275.

exemple, la valorisation et la mise en ligne d‘archives personnelles ou associatives.

La numérisation du patrimoine et sa mise à disposition répondent à la demande croissante de la population de constituer collectivement la mémoire des groupes et des territoires, socle des cultures et des pratiques culturelles. Les programmes et les méthodes techniques en faveur de la numérisation des fonds patrimoniaux du ministère de la culture évoqués dans les lignes précédentes s‘étendent progressivement à l'ensemble des territoires.

V.

Conclusion

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L‘échange de savoir-faire, la collaboration, le partage des ressources, sont autant de termes récurrents dans les publications officielles des différents ministères.

A l‘époque d‘Internet, la mise en réseau des connaissances et des compétences semble aller de soi. Quoi de plus facile que de communiquer par mail, de s‘échanger des informations et des fichiers ? S‘il est vrai que le développement des logiciels de messagerie, couplé aux opérations de numérisation dans les musées et les bibliothèques, a permis un accroissement des relations entre les chercheurs en leur faisant gagner énormément de temps (plus besoin de se déplacer aux quatre coins de la France ou du monde), on n‘en constate pas moins que ces relations restent le plus souvent circonscrites à une seule institution, musée ou bibliothèque. Le principal obstacle à la collaboration entre musées et bibliothèques semble avant tout être une question de conception des relations entre ces deux institutions : pour le musée, la bibliothèque est encore trop souvent un simple centre de documentation venant en appui aux collections conservées.

Le plan de numérisation du Ministère de la Culture et de la Communication impose, pour qu‘un projet de numérisation soit recevable, que le fonds concerné soit totalement indexé, quelle qu‘en soit la nature (manuscrits, images fixes, objets en trois dimensions, musique…)

Là se trouve peut-être l‘explication du retard pris par l‘institution muséale en matière de numérisation de ses collections, par rapport aux bibliothèques. En effet, avant de numériser quoi que ce soit, il faut en avoir une trace informatique, or, l‘informatisation des photothèques et des inventaires des collections des musées est encore loin d‘aller de soi, en particulier dans les musées territoriaux.

L‘informatisation permet une meilleure gestion des collections, en facilitant suivi des oeuvres au gré des expositions. Mais elle permet également, grâce à l‘intégration des photothèques aux bases de données muséographiques, de mieux diffuser auprès du public, amateurs comme chercheurs, par le biais des bases de données du Ministère de la Culture et de la Communication. Les musées sont encore trop peu présents sur le web, or la création d‘un site Internet et le développement de visites virtuelles ont un réel impact en terme de fréquentation.

C‘est pour pallier ce retard, et pour encourager les initiatives de mise en réseau que le sénateur Philippe Richert 59 propose « la mise en place de fonds

régionaux destinés à financer des programmes d’informatisation, à l’image des fonds régionaux d’acquisition des musées financés à parité par l’Etat et les régions », ceci pour soutenir la politique d‘informatisation et de

numérisation retenue comme « une priorité des schémas des services

culturels ».

Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de pivot que peuvent jouer les institutions de recherche entre les musées et les bibliothèques. C‘est le cas en particulier du Collège de France et des différents laboratoires de recherche qui, disposant de technologies avancées, peuvent générer des bases de données et sites Internet de pointe sur des sujets transversaux aux différentes institutions patrimoniales.

Ainsi, par exemple, l‘Institut National d‘Histoire de l‘Art a décidé, dans le programme de numérisation 2004-2006, de numériser les lettres de Delacroix, conservées à la Bibliothèque Centrale des Musées Nationaux. Cette campagne ne pourrait-elle pas aboutir à une mise en ligne de ces manuscrits exceptionnels, en lien avec l‘œuvre peint de ce grand artiste, ce qui permettrait de comprendre son art selon un angle de vue plus intimiste ?

Bibliographie

- Badie. B, 1995, La fin des territoires, Ed. Fayard

- Bertacchini, Yann, Intelligence territoriale, - volet 2 – Mesurer la

distance ; Penser la durée ; mémoriser le virtuel, Coll. Les Etic,

Presses Technologiques, p. 275.

- Brunet.R, Dollfus.O, 1990, Mondes nouveaux, Géographie universelle, tome 1, Hachette-RECLUS.

- Ferrier.J.P., 1984, Antée 1, la géographie çà sert d’abord à parler du

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- Le Berre M., 1992, "Territoire", in A.S.Bailly et D.Pumain, (dir.)

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- F.Auriac et R.Brunet (dir.), Fayard, Roncayolo M., 1990, La ville et

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- Jokilheto, Jukka, Lusenet, Yola de, Gertz, Janet, La conservation à

l’ère du numérique ; Actes des IVème Journées Internationales de

l‘ARSAG, Paris, 27-30 mai 2002, Association pour la recherche scientifique sur les arts graphiques, 2002.

59 Richert, Philippe, Rapport d’information n°379 du Sénat, Commission aux affaires

- Guide des bonnes pratiques, version 1.3 de mars 2004, dans le cadre

du projet Minerva, par le groupe de travail Minerva n°6, identification des bonnes pratiques et des centres de compétences,

http://www.numerique.culture.fr/fr/eeurope/documents/bonnes_pratiqu es.pdf.

- Normes et documents numériques : quels changements ? Solaris,

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http://www.info.unicaen.fr/bnum/jelec/Solaris/d06/

- La préservation des documents numériques : solutions techniques, solutions politiques, Journée d‘étude organisée par l‘Association des directeurs et des personnels de direction des bibliothèques universitaires etd e la documentation, à l‘Université de Provence, Aix-

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Partie 4 : Territorialisation, Recherche & Actions

Anticipation des ruptures affectant le territoire, Intelligence