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L’int´ egrateur parfait

neurone postsynaptique

2.5 L’int´ egrateur parfait

Nous allons nous attarder maintenant sur un mod`ele impulsionnel tr`es particulier : l’int´egrateur parfait. C’est le mod`ele impulsionnel le plus simple que l’on puisse concevoir, et de ce fait son ´etude analytique est relativement ais´ee. Il s’agit d’un simple accumulateur : l’entr´ee est somm´ee au cours du temps, et lorsque cette quantit´e accumul´ee d´epasse un certain seuil, une impulsion est ´emise et l’accumulateur est r´einitialis´e. Math´ematiquement, le mod`ele s’exprime ainsi :

dV

dt = I(t) (2.5)

o`u V est la variable de l’accumulateur (le potentiel de membrane), et I(t) est l’entr´ee du mod`ele (la somme des ´ev´enements synaptiques). Lorsque V atteint 1, une impulsion est ´emise et V est r´einitialis´e `a 0. Bien sˆur, par une simple mise `a l’´echelle on peut choisir des valeurs de seuil et de r´ einitialisa-tion arbitraires. On retrouve parfois l’int´egrateur parfait dans la litt´erature sous la forme d’une marche al´eatoire [175] : chaque ´ev´enement synaptique al´eatoire (poissonnien) augmente ou diminue la variable d’accumulation (V ) d’une quantit´e donn´ee, et la d´echarge (r´einitialisation) a lieu lorsque la va-riable d´epasse un certain seuil. Il s’agit de l’int´egrateur parfait, avec une entr´ee constitu´ee de Diracs.

Nous allons voir que l’int´egrateur parfait est l’expression impulsionnelle d’un mod`ele fr´equentiel, c’est-`a-dire : 1) la dynamique du mod`ele n’est pas stable, c’est-`a-dire que le temps des impulsions est sensible `a la condition ini-tiale et au bruit ; 2) la fr´equence de sortie est proportionnelle `a la somme des fr´equences d’entr´ee, ind´ependamment de la structure temporelle des entr´ees. 2.5.1 Instabilit´e du mod`ele

Commen¸cons par faire l’observation suivante : si V1(t) et V2(t) sont deux solutions de l’´equation diff´erentielle (2.5), alors leur diff´erence V1(t) − V2(t) reste constante (en d´erivant la diff´erence, on obtient 0). Lorsqu’une impul-sion se produit, cette diff´erence change d’une unit´e. Elle reste donc constante

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modulo 1. Par cons´equent, tout d´ecalage au temps 0 sera reproduit `a l’iden-tique au temps t. Le temps des impulsions d´epend donc de la condition initiale. En outre, un bruit sur la dynamique, mˆeme tr`es faible, s’accumule : le temps des impulsions est donc sensible au bruit.

Consid´erons un ensemble (id´ealement, un continuum) d’int´egrateurs par-faits dont le potentiel V est initialement distribu´e uniform´ement entre 0 (r´einitialisation) et 1 (seuil), et soumettons-les `a une entr´ee positive iden-tique. La distribution de potentiel est conserv´ee au cours du temps. Dans un intervalle [t,t + dt], le potentiel de chaque int´egrateur augmente de I(t)dt. Donc tous les int´egrateurs dont le potentiel est compris entre le seuil 1 et 1 − I(t)dt ´emettent une impulsion dans cet intervalle, ce qui constitue une proportion ´egale `a I(t)dt (car le potentiel est uniform´ement distribu´e entre 0 et 1). Ainsi la fr´equence instantan´ee, vue comme fr´equence de population, refl`ete exactement l’entr´ee. Ce r´esultat est connu depuis 1972 [118, 117]. Remarquons que, de mani`ere plus g´en´erale, la fr´equence instantan´ee est mo-dul´ee par la distribution initiale de potentiel. Si un petit bruit est ajout´e `a la dynamique, alors au bout d’un certain temps la distribution de potentiel devient uniforme, et la fr´equence instantan´ee est ´egale `a l’entr´ee. Si l’entr´ee change de signe, le r´esultat ne peut bien sˆur plus s’appliquer tel quel. Si l’en-tr´ee devient n´egative `a l’instant t1, alors la fr´equence instantan´ee est nulle entre t1 et t2, o`u t2 est le premier instant tel que Rt2

t1 I(t)dt = 0. (ce n’est donc pas exactement une rectification ;voir [32] pour le cas p´eriodique).

Par ces r´esultats, on voit que, plutˆot que l’instant pr´ecis des impulsions, c’est la densit´e de probabilit´e des impulsions (au sens d’une moyenne de po-pulation) qui est l’information pertinente. Dans ce sens, l’int´egrateur parfait est l’impl´ementation impulsionnelle d’un mod`ele fr´equentiel.

2.5.2 Fr´equence de d´echarge

Nous allons d’abord d´emontrer le r´esultat suivant :

Proposition 4. La fr´equence de d´echarge moyenne de l’int´egrateur parfait est ´egale `a l’entr´ee moyenne :

F = lim t→+∞ 1 t Z t 0 I(t)dt (lorsque cette quantit´e existe)

D´emonstration. Consid´erons la solution ¯V (t) qui part de 0 `a l’origine des temps t = 0, i.e. : ¯ V (t) = Z t 0 I(t)dt

Notons V (t) la solution impulsionnelle qui part de 0 en t = 0. A chaque fois qu’une impulsion est produite, V (t) passe de 1 `a 0, donc la diff´erence ¯V (t) − V (t) augmente d’une unit´e. Dans les intervalles o`u il n’y a pas d’impulsion,

cette diff´erence reste inchang´ee. Par cons´equent, si l’on note tnle temps de la neme impulsion, alors ¯V (tn) − V (tn) = ¯V (tn) = n. La fr´equence de d´echarge est la limite de n/tnquand n tend vers l’infini, c’est-`a-dire la limite de ¯V (t)/t quand t tend vers l’infini. On a donc bien :

¯ V (t) =

Z t

0

I(t)dt

Consid´erons que ce neurone re¸coive son entr´ee de n neurones, qui d´ e-chargent `a une fr´equence moyenne de ri (nombre moyen d’impulsions par unit´e de temps, 1 ≤ i ≤ n), et que chaque impulsion pr´esynaptique suscite une entr´ee postsynaptique de la forme wiS(t) (un Dirac, une fonction ex-ponentielle ou alpha, par exemple), o`u wi est le « poids » de la connexion, c’est-`a-dire l’amplitude des ´ev´enements synaptiques. Dans ce cas la propo-sition pr´ec´edente s’´ecrit :

F =  n X i=1 wiri Z +∞ 0 S(t)dt

Ainsi la fr´equence de sortie est une fonction des fr´equences d’entr´ee, elle ne d´epend pas de la structure temporelle des entr´ees : en ce sens, l’int´egrateur parfait est l’impl´ementation impulsionnelle d’un mod`ele fr´equentiel.

Les r´esultats du chapitre suivant sur la r´eponse des mod`eles impulsion-nels `a une entr´ee p´eriodique ne concernent pas l’int´egrateur parfait. En effet, il n’y a jamais d’accrochage de phase dans celui-ci, `a cause de son instabi-lit´e (l’accrochage de phase se d´efinit par des solutions p´eriodiques stables). On pourra trouver des r´esultats sp´ecifiques concernant l’int´egrateur parfait soumis `a une entr´ee p´eriodique dans [32].

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Chapitre 3