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Chapitre 2 : Le commerce équitable ou l’institutionnalisation de pratiques organisationnelles stratégiques

2. L’institutionnalisation d’une pratique au sens de Kostova

Pour Kostova, la légitimité - ou institutionnalisation - d une pratique au sein d une organisation relève non seulement de sa mise en place effective l implémentation , mais aussi et surtout de l internalisation de celle-ci par les membres de l organisation, à savoir l état psychologique d un individu lorsqu il adopte les valeurs sous-jacentes à une pratique au sein d une organisation :

Institutionalization is the process by which a practice achieves a taken-for-granted status at the recipient unit – a status of this is how we do things here . )n addition, institutionalization is also a process by which the practice may achieve symbolic meaning for the employees at the recipient unit. Institutionalization, thus, is conceptualized at two levels: implementation and internalization. I define implementation here as the degree to which the recipient unit follows the formal rules implied by the practice; hence it is reflected in certain objective behaviors and actions at the recipient unit. Internalization is that state in which the employees at the recipient unit attach a symbolic meaning to the practice – they infuse it with values Sel nick, 1957). A practice become infused with values when it is accepted and approved by employees, when the employees see the value of using this practice, and when the practice becomes part of the employees organi ational identity . (Kostova, 1999, p.311)

Ces deux concepts sont distincts et à la fois interdépendants. Selon Kostova, un niveau élevé d implémentation des pratiques sera susceptible de donner lieu à un haut niveau d internalisation de celles-ci : plus une pratique particulière est utilisée au sein d une organisation, plus les membres de cette organisation lui donneront de la valeur et du sens. L implémentation est donc une condition nécessaire à l internalisation de la pratique ; néanmoins, elle ne la garantit pas. )l est possible qu une pratique formellement établie et suivie à la lettre par les membres d une organisation ne soit pas internalisée, les utilisateurs de cette pratique ne lui ayant pas attribué de valeur, ou n ayant pas développé de comportement positif à son égard. Cela peut être par exemple lié à une désapprobation de la part des membres vis-à-vis de certains aspects de cette pratique, ou encore par manque de temps.

Kostova (1999) distingue trois éléments dans l internalisation : l engagement, la satisfaction et l appropriation psychologique : « Internalization is conceptually proximal to traditional constructs from the field of organizational behavior, such as organizational commitment, job satisfaction, and psychological ownership, which, I suggest, can be adapted to operationalize the concept of internali ation (p.311).

L engagement d un individu envers une pratique reflète son degré d acceptation des objectifs et des valeurs de celle-ci. Un fort engagement se traduit par une volonté accrue et d importants efforts menés pour mettre en place cette pratique et la maintenir dans le temps.

Un individu ressent de la satisfaction vis-à-vis d une pratique lorsqu il développe une attitude positive envers celle-ci et l apprécie.

Enfin, l appropriation psychologique est un état dans lequel se trouve l individu, lorsqu il considère la pratique comme « sienne », comme faisant partie de lui-même. Dans une étude menée en 1989, Pierce, Kostova et Dirks développent une théorie de l appropriation psychologique dans les organisations. )ls définissent alors ce concept :

« Psychological ownership is that state in which individuals feel as though the target of ownership or a piece of it is theirs it is mine! . The core of psychological ownership is the feeling of possessiveness and of being psychologically tied to an object. One s possession are felt as extensions of the self – what is mine becomes in my feelings part of me - and thus, the state of psychological ownership emerges. When property s grounded psychologically, it becomes, for the individual, mine , as the individual finds himself or herself present in it, and it within the individual. Thus, the target becomes part of the psychological owner s identity (Pierce, Kostova, & Dirks, 2001, p.300)

Les auteurs cherchent tout d abord à savoir pourquoi l être humain est amené à éprouver ce sentiment. Selon eux, cet état aide l individu à remplir trois motivations humaines basiques, d ordre à la fois innées et acquises la collecte d objets étant considérée comme un instinct propre à la construction d une identité, mais c est aussi un acquis car c est la société qui nous incite à penser que « l avoir » fait partie de la construction du soi . )ls expliquent que l appropriation psychologique est généralement expérimentée à l égard d un objet matériel, mais qu elle peut aussi se manifester envers des entités immatérielles, telles que des idées, des pratiques organisationnelles, des

créations artistiques, voire envers autrui. Les « moteurs » de l appropriation psychologique sont les suivants.

La première motivation est le besoin d efficacité, associée à celui de contrôler son environnement. S approprier un objet permet à l individu de le modifier, de créer, et ainsi de se sentir efficace. Le lien apparaît ici avec la dimension de satisfaction, qui apparaît de façon extrinsèque lorsque l individu contrôle son objet.

La seconde motivation est le besoin de construire son identité. Les individus tendent à s approprier les objets dans le but de se définir soi-même, d exprimer et d affirmer leur « moi » aux autres, et d assurer la continuité de leur moi dans le temps.

La dernière motivation : « Having a place » en anglais, renvoie au besoin d avoir un territoire, une « objet» dans lequel habiter.

Ces motivations sont les « racines » de l appropriation psychologique, elles donnent les raisons pour lesquelles se sentiment existe. Les auteurs s intéressent dès lors aux différentes voies qui amènent l individu à s approprier un objet dans notre cas, une pratique).

La première voie d appropriation est le contrôle que l individu exerce sur un objet. En effet, plus cet objet est expérimenté, plus il fait partie de l individu. A l inverse, les objets qui ne peuvent être contrôlés o‘ qui le sont par d autres personnes ne peuvent être perçues comme faisant partie intégrante du « soi ». Par exemple, être autonome dans la réalisation d une tâche, au sein d une organisation, permet aux individus de développer un sentiment vis-à-vis de la tâche dont ils se sentent responsables et sur laquelle ils ont alors un pouvoir. L effet inverse risque de se produire en cas de centralisation et de formalisation.

La seconde voie d appropriation psychologique est la connaissance de l objet. Plus les individus sont intimement associés à cet objet, en ayant accès à l information qui porte sur celui-ci, plus ils développeront le sentiment que cet objet est le leur. Ainsi, lorsque l individu dans une organisation accède à l information complète sur son poste, sa mission, ses objectifs, sa performance, etc. il développe un sentiment fort d appropriation vis-à-vis de son travail et de l organisation en général. Les auteurs indiquent en outre que seul l accès à l information n est pas une condition suffisante à l appropriation psychologique : l intensité de la relation, à savoir le nombre d interactions entre l individu et l objet, influence aussi le processus d appropriation

psychologique. Enfin, une association sur long terme entre l individu et l objet favorisera le processus d appropriation.

La dernière voie d appropriation psychologique est l investissement : de son temps, mais aussi de son propre soi, de son énergie intellectuelle et psychologique. L investissement est fortement lié à la création : « The most obvious and powerful means by which individuals invest themselves into objects is by creating them. Creation involves investing time, and even one values and identity . (p.302)

3. Le transfert de pratiques organisationnelles stratégiques dans une relation