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I.1 La balance excitation/inhibition au sein du cortex

I.1.2 L’inhibition

A l’exception des neurones étoilés à épines, la grande majorité des neurones excitateurs peuvent donc recevoir, intégrer et répandre des informations à des aires cérébrales éloignées. En l’absence de régulation, une surcharge d’informations aurait lieu et notre cerveau ne serait plus capable de réagir efficacement à notre environnement. Le principal mécanisme capable de contrebalancer le comportement des neurones excitateurs est donc l’inhibition. Plutôt qu’un simple suivi temporel de l’excitation, l’inhibition est un processus complexe et dynamique capable de sculpter la réponse d’un réseau entier. Elle régule l’intégration synaptique et par conséquent la probabilité et le moment de génération des potentiels d’action dans les cellules locales. La balance excitation-inhibition est maintenue à l’échelle du réseau, de la cellule et même d’une seule dendrite (Iascone et collab., 2020). Cet équilibre est possible grâce à une population diverse et éparse de cellules : les interneurones inhibiteurs GABAergiques. Bien que cette population soit essentielle au bon

fonctionnement de notre cerveau, les interneurones inhibiteurs GABAergiques ne sont que faiblement représentés, composant de 25% des neurones corticaux (Hendry et collab., 1987; Lefort et collab., 2009). Ils possèdent des projections axonales et dendritiques bien moins importantes que celles des neurones pyramidaux et sont principalement restreints à exercer leur inhibition au niveau des neurones voisins. De plus, contrairement aux cellules excitatrices, les interneurones inhibiteurs peuvent former des synapses au niveau du tronc des dendrites (Karimi et collab., 2020) et au niveau de l’axone (Somogyi, 1977). Ils libèrent dans ces synapses, un neurotransmetteur spécifique : l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). Le GABA est le principal neurotransmetteur inhibiteur du néocortex. Il est directement synthétisé à partir du glutamate grâce à la glutamate decarboxylase et peut se fixer sur deux types de récepteurs : les récepteurs ionotropiques GABAA et les récepteurs métabotropiques GABAB.

I.1.2.1 L’inhibition rapide via GABAA

Lorsque les interneurones inhibiteurs émettent un potentiel d’action, ils relarguent dans la fente synaptique des vésicules contenant du GABA. Ce dernier va pouvoir se fixer sur le récepteur ionotropique GABAAdu neurone post-synaptique. Cette fixation provoque l’ouverture du canal ionotropique. Dans la majorité des cas, un flux d’ions chloride (Cl-) entre dans le neurone et provoque une hyperpolarisation de la membrane du neurone post-synaptique appelée potentiel post-synaptique inhibiteur (PPSI). La différence entre le potentiel de membrane et le seuil d’excitabilité s’agrandit et la probabilité d’émettre un potentiel d’action est diminuée : c’est l’inhibition hyperpolarisante. Dans le cas où le potentiel de membrane du neurone post-synaptique est équivalent au potentiel d’équilibre du Cl-, le potentiel de membrane n’est pas modifié mais la conductance membranaire augmente. La résistance s’en retrouve diminuée et l’amplitude de la dépolarisation induite par les synapses excitatrices locales devient plus faible. C’est le phénomène deshunting inhibition(Borg-Graham et collab., 1998). L’inhibition hyperpolarisante et leshunting inhibitionsont donc les deux moyens par lesquels les interneurones inhibiteurs peuvent exercer rapidement leur action de réduction de l’excitabilité d’un neurone.

I.1.2.2 L’inhibition lente via GABAB

Les récepteurs métabotropiques GABABprésents sur le neurone post-synaptique sont également activés par la libération de GABA dans la fente synaptique. Lorsque le GABA se lie au récepteur, la protéine G est activée et provoque l’ouverture de canaux potassiques. Une fois ouvert, un flux d’ions potassiques (K+) sort de la cellule et entraîne une hyperpolarisation lente et robuste de la membrane post-synaptique. Il existe également des récepteurs GABABau niveau pré-synaptique

qui agissent comme des auto-récepteurs. Ils peuvent être exprimés par des neurones inhibiteurs mais aussi par des neurones excitateurs. Leur activation réduit la libération de GABA et de glutamate en inhibant les canaux calciques pré-synaptiques dans les synapses inhibitrices et excitatrices (Sanchez-Vives et collab., 2020).

I.1.2.3 Les circuits canonicaux de l’inhibition

Il existe une infinité de configurations possibles par lesquelles les neurones peuvent se connec-ter aux autres. Toutefois, quatre principaux motifs d’inhibition ont été décrits dans le cortex impliquant les interneurones inhibiteurs : l’inhibition disynaptique, l’inhibition anticipative oufeed-forward inhibition, l’inhibition par rétroaction oufeedback inhibitionet la désinhibition (Feldmeyer et collab., 2018) (Figure I.1). L’inhibition disynaptique se produit lorsqu’un neurone excitateur active un interneurone qui lui-même cible un neurone excitateur. L’activation du pre-mier neurone excitateur engendre donc indirectement (via deux synapses) l’inhibition d’un autre neurone excitateur. Lorsqu’un premier neurone excitateur active à la fois un deuxième neurone excitateur et un interneurone inhibiteur qui lui-même cible le second neurone inhibiteur, c’est l’inhibition anticipative. Ce motif d’inhibition contribue à diminuer la durée de la réponse du neurone excitateur cible. L’inhibition par rétroaction quant à elle, se produit lorsque le neurone excitateur est inhibé par l’interneurone qu’il a excité. Ce type d’inhibition est un mécanisme per-mettant de prévenir une trop forte activité des neurones excitateurs et de réduire dans le temps leur action. Enfin, on retrouve le motif de désinhibition qui se produit lorsqu’un interneurone inhibe un autre interneurone, qui lui-même cible un neurone excitateur. Ce mécanisme conduit à une levée d’inhibition sur le neurone excitateur. Ces quatre motifs d’inhibition peuvent être retrouvés dans l’ensemble du cortex et permettent une bonne régulation de l’activité corticale.

FIGUREI.1: Principaux motifs de l’inhibition.Schéma des circuits neuronaux impliqués dans l’inhibition disynaptique, l’inhibition anticipative, l’inhibition par rétroaction et la désinhibition.Les neurones excitateurs sont représentés en noir et les interneurones inhibiteurs en rouge. Modifié de Feldmeyer et collab. (2018).

I.1.2.4 Les différents types de classification

Outre le fait que les interneurones inhibiteurs ont des projections spatialement restreintes et ont la propriété de libérer du GABA, il est encore difficile à ce jour de caractériser plus précisément cette famille de neurones tant elle est hétérogène.

Dans un premier temps, les interneurones ont été classés selon leur anatomie et sept sous-types majeurs ont été répertoriés. Lesbasket cells ou cellules paniers sont les plus représentées de tous les interneurones. Elles exercent leur inhibition dans les régions proximales des cellules pyramidales en formant unpanierautour du soma, d’où leur nom. Ont également été répertoriées : les cellules chandeliers ayant la particularité d’inhiber les axones ; les cellules Martinotti inhibant les extrémités des dendrites apicales ; les cellules bipolaires caractérisées par un soma ovoïde ; les cellules multipolaires avec une arborisation dendritique large ; les cellules neurogliaformes projetant localement de façon dense et les cellules projetantes, les seules ayant la capacité d’émettre des axones dans l’hémisphère opposé (Markram et collab., 2004; Gentet, 2012) (Figure I.3).

Puis dans un second temps, ce sont les propriétés moléculaires des interneurones qui ont permis de les caractériser. Trois catégories principales ressortent : les interneurones exprimant majoritairement des protéines liant le calcium, les interneurones exprimant principalement des neuropeptides, et ceux qui combinent l’expression des deux (Markram et collab., 2004).

Parmi les interneurones exprimant des protéines liant le calcium on retrouve la parvalbumine (PV), la calbindine et la calretinine. Les neuropeptides retrouvés dans les interneurones sont la somatostatine (SST), le peptide vasoactif intestinal (VIP), la cholecystokinine et le neuropeptide Y (NPY). Bien que certaines molécules soient préférentiellement exprimées dans des cellules avec une ou plusieurs morphologies spécifiques, il est impossible de créer des classes distinctes de sous-type neuronaux qui ne se recoupent pas en n’utilisant que le critère moléculaire et le critère morphologique. Par exemple les cellules VIP peuvent prendre la forme d’une cellule à panier, d’une cellule projetante, ou d’une cellule bipolaire (Gentet, 2012). A l’inverse les cellules chandeliers sont capables de co-exprimer la calbindine et la PV (Markram et collab., 2004). Aussi on découvre que certains interneurones expriment des récepteurs membranaires spécifiques comme le récepteur ionotropique 3a de la sérotonine (5HT3aR), ou encore des enzymes particulières comme la choline acetyltransferase, ou l’oxyde nitrique synthase neuronale (nNOS).

Plusieurs études se sont alors penchées sur leurs comportements electrophysiologiques. Les interneurones ont tout d’abord été décrits comme des neuronesfast spiker, c’est à dire avec un potentiel d’action étroit et une phase post hyperpolarisation réduite, ce qui leur confèrent la

capacité de décharger à des fréquences bien plus élevées que les cellules pyramidales (Mccormick et collab., 1985). Plus tard, il s’est avéré que tous les interneurones ne possédaient pas cette caractéristique et qu’il existait beaucoup d’autres patterns de décharges : irréguliers, en bouffées, avec ou sans accommodation, possédant une résistance membranaire ouinput resistanceélevée ou faible.

Au fil des années, des critères de classifications se sont ajoutés prenant en compte notamment l’origine embryonnaire, la proportion de chaque sous-type neuronal dans les couches corticales, les propriétés synaptiques, les cellules cibles, etc. En 2008, une communauté de chercheurs s’est regroupée dans le village de naissance de Ramón y Cajal, pour définir une classification unique et universelle des interneurones : la nomenclaturePetilla, faisant référence au nom du village espagnol (Ascoli et collab., 2008). Finalement, aucune classification n’a fait consensus, et seuls les différents critères permettant de caractériser les interneurones ont été clairement définis.

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