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3.4. Modèle de recherche de développement adapté à cette recherche Dans cette recherche, nous sommes partis des problèmes rencontrés dans les

3.6.1. L'ingénierie didactique comme méthodologie de recherche

Artigue décrit l'ingénierie didactique comme une méthodologie de recherche se basant sur la conception, la réalisation, l'observation et l'analyse de séquences d'enseignement en y distinguant la micro-ingénierie et la macro-ingénierie. La micro- ingénierie s'intéresse à la relation enseignement/apprentissage à l'échelle d'un cours, tandis que la macro-ingénierie s'intéresse à la relation enseignement/apprentissage à l'échelle de plusieurs cours ou d'un programme. Ces deux niveaux rappellent les niveaux 1 et 2 de l’interdisciplinarité scolaire que nous avons présentés à la figure 4.

Artigue distingue quatre phases à l’ingénierie didactique comme méthodologie de recherche :

 Phase 1 : Les analyses préalables ;

 Phase 2 : La conception et l'analyse a priori ;  Phase 3 : L'expérimentation ;

 Phase 4 : L'analyse a posteriori et l'évaluation.

La phase des analyses préalables soutient la phase de conception. En effet, la phase de conception s'appuie, d'une part, sur un cadre théorique constitué de connaissances didactiques générales de même que de connaissances spécifiques au domaine étudié et, d'autre part, sur le résultat de différentes analyses préalables qui prennent en compte les objectifs spécifiques de la recherche. Les analyses préalables les plus souvent menées sont:

• L'analyse épistémologique des contenus visés par l'enseignement ; • L'analyse de l'enseignement usuel et de ses effets ;

• L'analyse des conceptions des élèves, des difficultés et obstacles qui marquent leur évolution ;

• L’analyse du champ de contraintes dans lequel va se situer la réalisation didactique effective (Artigue, 1996, p. 249-250).

L'orientation du travail d'analyse tient compte des objectifs spécifiques de la recherche. En effet, Artigue souligne que, selon le type de recherche menée, l'accent sera mis sur certaines analyses plutôt que d'autres et que l'envergure du cadre théorique didactique général pourrait varier. De plus, elle mentionne que les résultats de ces investigations préliminaires serviront de base à la conception et pourront être repris de même qu'approfondis au fil des différentes phases du travail de recherche selon les besoins ressentis.

80 Dans notre recherche, nous considérons que nous avons effectué ces analyses préalables en nous appuyant sur des connaissances générales en didactique et des connaissances spécifiques en expérimentation assistée par ordinateur. En effet, dans les considérations théoriques et pratiques, nous avons fait une analyse épistémologique des contenus visés par notre idée de développement, comme la construction de savoirs en technologie sur le fonctionnement des instruments de mesure électroniques. Nous avons aussi effectué une analyse du champ de contraintes qui mentionnait que notre développement s’effectuerait avec un environnement d’apprentissage MicrolabExAO respectant l’esprit constructiviste des apprentissages. Dans le chapitre Problématique, nous avons effectué l’analyse de l’enseignement usuel en présentant certaines pratiques enseignantes concernant l’interdisciplinarité et les démarches de résolution de problèmes incomplètes dans lesquelles sont placés les élèves. Concernant l’analyse des conceptions des élèves, nous y accorderons une place particulière dans la section analyse et interprétation des résultats où l’évaluation des conceptions de l’élève sur le fonctionnement des instruments de mesure électroniques sera présentée.

Ensuite, durant la phase de conception et d'analyse a priori, le chercheur doit concevoir son dispositif d'enseignement. Brousseau (2013) mentionne que la modélisation de ce dispositif veut décrire et prévoir les évènements observables en classe, comme les comportements de l'élève, pour en favoriser la reproduction et le contrôle. Pour ce faire, le chercheur doit émettre des hypothèses sur le comportement de l'élève en contrôlant certaines variables qui influent sur le dispositif d'enseignement. Ces variables, appelées variables de commande, sont dites globales lorsque les choix didactiques portent sur la situation d'apprentissage, et locales lorsque les choix portent, dans une séance particulière, soit sur le problème posé, soit sur l'organisation et la gestion du milieu. En d'autres termes, l'analyse a priori est « centrée sur les caractéristiques d'une situation a-didactique que l'on a voulu constituer et dont on va chercher à faire la dévolution aux élèves » (Artigue, 1996, p.258). Son objectif « est donc de déterminer en quoi les choix effectués permettent de contrôler les comportements des élèves et leur sens » (Artigue, 1996, p.258). Pour décrire, prévoir et expliquer les évènements observables d'un épisode d'enseignement, cette analyse comporte une partie descriptive et une partie prescriptive :

81 • on décrit les choix effectués au niveau local (en les rapportant éventuellement à des

choix globaux) et les caractéristiques de la situation a-didactique qui en découlent,

• on analyse quel peut être l'enjeu de cette situation pour l'élève, en fonction en

particulier des possibilités d'action, de choix, de décision, de contrôle et de validation dont il dispose, une fois opérée la dévolution, dans un fonctionnement quasi isolé du maître,

• on prévoit des champs de comportements possibles et on essaie de montrer en quoi

l'analyse effectuée permet de contrôler leur sens et d'assurer en particulier que les comportements attendus, s'ils interviennent, résulteront bien de la mise en œuvre de la connaissance visée par l'apprentissage (Artigue, 1996, p.258-259).

Ainsi, le travail effectué dans l'analyse a priori par le chercheur qui conçoit une situation adidactique facilitera l'évaluation, lors de l'analyse a posteriori, de la portée de ses choix didactiques sur le comportement observé et envisagé de l'élève, une fois la dévolution du problème opérée.

Dans notre recherche, la phase de conception correspond à la section élaboration de l’idée. C’est dans cette section que nous détaillerons le déroulement de l’intervention didactique ainsi que les différents savoirs et savoir-faire que nous nous attendons à voir déployer par l’élève lors de cette construction. L’analyse a priori correspond à ces savoirs et savoir-faire attendus, détaillés dans l’élaboration de l’idée, ainsi qu’aux manipulations attendues de l’élève décrites dans la section modèle d’action. Ce modèle d’action est à la fois descriptif et prescriptif. Il décrit la séquence d’activités prévues pour amener l’élève à intégrer progressivement la démarche de réalisation d’instruments de mesure pour résoudre un problème. Pour la réalisation du dernier instrument de mesure en situation adidactique, en plus de décrire les choix possibles de l’élève, le modèle d’action prévoit les comportements attendus de l’élève, c’est-à-dire les actions qui seraient menées par un apprenant qui aurait intégré la démarche de réalisation d’un instrument de mesure à la manière d’un expert. Ainsi, les variables locales à considérer lors de la confrontation de l’analyse a priori et de l’analyse a posteriori seront décrites dans le chapitre développement.

Pour continuer, dans le modèle d’Artigue, les différents évènements observables apparaissent lors de la mise à l'essai du dispositif pendant la phase d'expérimentation. Pour recueillir des informations sur ces évènements, le chercheur peut effectuer une cueillette

82 de données internes en classe à partir d'observations ou de productions d'élèves, et externes en utilisant questionnaires ou entrevues individuelles et de groupe.

Dans notre recherche, les évènements observables apparaissent aussi principalement durant les mises à l’essai. Comme nous prévoyons qu’il y aura plusieurs sujets qui participeront à ces mises à l’essai, nous devons prévoir une façon d’observer ces sujets dans l’environnement. Nous pensons qu’il serait pertinent de conserver ces observations en les filmant individuellement pour pouvoir les analyser en détail. Nous prévoyons aussi recueillir des données externes en leur demandant de répondre à un examen préalable en début de la mise à l’essai empirique pour évaluer leur conception initiale sur le fonctionnement d’un instrument de mesure, ainsi qu’un examen final à la fin de la mise à l’essai pour étudier leur conception suite à notre intervention didactique.

Dans la phase d'analyse a posteriori et d'évaluation, le chercheur, en s'appuyant sur les données amassées durant l'expérimentation, juge de la validité de ses hypothèses en confrontant l'analyse a priori et l'analyse a posteriori ; « C'est sur la confrontation des deux analyses (...) que se fonde essentiellement la validation des hypothèses engagées dans la recherche » (Artigue, 1996, p.263). Le chercheur peut ainsi juger son dispositif d'enseignement en évaluant le contrôle des évènements observables par les variables de commande. Les variables « dont la preuve de l'effet didactique a été attestée » (p.255) sont appelées des variables didactiques. Dans cette phase, le chercheur tente de dégager quelles sont les variables didactiques de son dispositif d'enseignement.

Actuellement, et comme le soulignait Artigue au début des années 90, la plupart des recherches effectuées en classe reposent sur des données externes dont les résultats sont obtenus par inférence statistique suite à la comparaison des performances de groupes expérimentaux et témoins. Contrairement à ces recherches, et c'est ce qui en fait sa particularité, l'ingénierie didactique « se situe, à l'opposé, dans le registre des études de cas et dont la validation est essentiellement interne, fondée sur la confrontation entre analyse a priori et analyse a posteriori » (Artigue, 1996, p.248).

Dans notre recherche, nous prévoyons aussi effectuer cette analyse a posteriori afin de la confronter à notre analyse a priori. En effet, nous comptons comparer la démarche

83 de réalisation d’un instrument de mesure en situation adidactique avec la démarche qui était prévue dans le modèle d’action. Nous pourrons ainsi voir dans quelle mesure ce modèle correspond aux manipulations de l’élève. Nous verrons aussi si, dans les activités qui précédent la situation adidactique, nous avons préparé adéquatement les élèves à réaliser un instrument de mesure de façon autonome. De plus, nous pourrons évaluer l’efficacité de la construction d’un instrument de mesure par chaque élève en situation adidactique.

En ce qui a trait aux possibilités d'améliorations de la séquence d'enseignement, nous croyons que, sans l'exclure, l'idée du retour en arrière pour améliorer cette séquence et la remettre à l'essai n'apparaît pas clairement dans le modèle d'ingénierie didactique. En effet, l'accent est mis sur la validation interne des différentes hypothèses émises par le chercheur lors de la confrontation entre l'analyse a priori et l'analyse a posteriori. L'amélioration d’un dispositif, la formulation de nouvelles hypothèses et la remise à l'essai ne sont donc pas clairement explicites dans ce modèle. Il n'y a pas non plus de distinction dans les différentes mises à l'essai, contrairement au modèle de recherche que nous proposons.

Ainsi, il est possible de constater que notre recherche satisfait tous les critères d’une recherche en ingénierie didactique telle que définie par Artigue (1996). Toutefois, dans notre recherche de développement, nous ne nous limiterons pas à la conception et la construction d’une intervention didactique, mais nous allons aussi améliorer sur les plans didactique et technologique les différents composants de l’environnement d’apprentissage des systèmes MicrolabExAO.