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A. Entre rejet de la ville industrielle et volonté de créer une société nouvelle:

l’influence des utopies du XIXᵉ siècle sur les logements sociaux

A.1 La révolution industrielle et le développement des taudis

Le développement de l’industrie au XIXᵉ siècle – période communément appelée « Révolution industrielle » va profondément transformer la société française – aussi bien en métropole que dans les colonies. Cette période voit le développement des techniques modernes et l’introduction de plus en plus importante de la mécanisation dans le monde du travail. Les usines fleurissent et s’agrandissent. Cette évolution du monde du travail va avoir d’importantes conséquences aussi bien sur le quotidien des travailleurs que sur la structure des villes.

La demande de plus en plus importante de main-d’œuvre par les usines et les difficultés de subsistance rencontrées dans les campagnes vont engendrer un important mouvement d’exode rural qui persiste tout au long de la période étudiée. Ainsi comme l’indique Jean-Jacques Planes : « Au XIXᵉ, Bordeaux va très nettement franchir les limites des cours et va passer de 109 000 habitants en 1789 à 123 000 en 1851 et à 252 000 en 1961 »60.

Pour ce qui est de Casablanca, cet accroissement de population est encore plus élevé du fait de l’importance croissante de son port qui va l’élever au rang de capitale économique du Maroc, position que la ville occupe toujours de nos jours. Comme l’indique Jean-Louis Cohen et Monique Eleb: « between 1907 and 1960, the Muslim

Moroccan population rocketed from 19,000 to nearly 850,000. In 1952, 473,000 Muslims represented 69 percent of the city’s total population »61.

Cet afflux massif de population a d’importantes conséquences d’un point de vue structurel sur les villes. En effet, les usines s’agrandissant, elles ont besoin de plus

60 Jean-Jacques Planes, La construction à usage d'habitation dans l'agglomération bordelaise de 1945 à

1961. Problèmes de l'agglomération bordelaise, t. V, Bordeaux, p. 8.

61 Jean-Louis Cohen, Monique Eleb, Casablanca, op. cit., p. 286.

Entre 1907 et 1960, la population musulmane marocaine augmente de 19,000 à presque 850,000. En 1952, 473,000 musulmans représentés 69 pour cent de la population totale de la ville.

d’espace que celui dont elles disposent en centre-ville. La rechercher de grands espaces peu coûteux les conduit à s’installer en périphérie des villes. Comme le rappelle Pierre Merlin, « la population ouvrière a dû les suivre »62 entraînant le développement de la

banlieue industrielle.

Ce phénomène urbain nouveau se différencie des faubourgs – « excroissance ponctuelle d’une ville (de fors – hors – et bourgs: hors les murs) »63, existant depuis le

Moyen-âge et destinée à accueillir « les activités indispensables à la ville, mais qu’on souhaitait en écarter (activités salissantes, prostitution, etc.) »64 – en cela qu’il « occupe

indistinctement tout l’espace autour des murs anciens (souvent arasés) »65. Ceci va

modifier profondément la structure des villes.

Le développement de quartiers ouvriers – qu’il s’agisse de Bacalan et de la Benauge à Bordeaux ou des Roches Noires et du Maarif à Casablanca – va entraîner une importante modification de la séparation sociale urbaine, comme le souligne Newsome: « Vertical segregation, in which the middle class had inhabited the lower and the

working class the upper stories of buildings, gave way to horizontal segregation, […] with the latter increasingly confined to the easter and southern periphery »66. On retrouve

en grandes lignes cette ségrégation Est/Ouest à Casablanca comme nous le verrons plus en détail par la suite. A Bordeaux, cette ségrégation est un peu différente puisque l’on assiste à une ségrégation centre-ville/périphérie et plus particulièrement rive gauche où se trouve le centre-ville/ rive droite où se trouvent les activités industrielles.

62 Pierre Merlin, Des grands ensembles aux cités, op. cit., p. 7.

63 Pierre Merlin, Françoise Choay, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'urbanisme, op. cit., Art. « Faubourg ».

64 Merlin. Des grands ensembles aux cités, op. cit. p. 7. 65 Ibid., p. 8.

66 W. Brian Newsome, French Planning 1940 – 1968. The construction and Destruction of an

Authoritarian System, New-York, 2009, p. 12.

La ségrégation verticale, où les classes aisées habitées les étages inférieurs et les classes populaires les étages supérieurs des immeubles, cede la place à la ségrégation horizontale […] où ces dernières sont de plus en plus confinées dans les périphéries est et sud.

Comme on peut le voir sur cette carte de 189567 indiquant le nombre de logements

et individus (ouvriers et employés) dans les arrondissements de Bordeaux, cette différence est très importante. Le centre-ville – en rouge sur la carte – ne compte en effet que 616 des 22.462 logements pour ouvriers et employés, soit moins de 3%.

L’industrialisation bordelaise suscite l’essor de la rive droite, jusque-là peu développée du fait de sa topographie marécageuse. De nombreux travaux d’aménagement entrepris entre 1840 et 1914, notamment l’assèchement des marais a permis le développement industriel de la rive droite. Comme l’indique le Groupe de recherche Production de la Ville et Patrimoine, « déjà à la veille de la Première guerre mondiale, la rive droite connaît une grande prospérité liée au port, à la voie ferrée et aux industries de transformations »68 et devient un important quartier ouvrier. Dès 1895 le quartier abrite

environ 14% de la population modeste de Bordeaux.

67 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Carte Histoire de Bordeaux. 1895. Le centre-ville de Bordeaux est marqué en rouge.

68 Groupe de Recherche Production de la ville et Patrimoine (dir.), Cités, cités-jardin : une histoire

(détail de la carte de 1895 pour le quartier de la Bastide, rive droite)

Ce phénomène se renforce pendant la période étudiée, ce qui marque profondément l’image du quartier dans l’inconscient bordelais.

Cette ségrégation horizontale est renforcée par un important mouvement de spéculation foncière. Cette spéculation touche d’une part le prix des terrains comme l’indique André Adam au sujet de Casablanca :

En gros, la spéculation ayant imposé sa loi à la ville dès l’aube de son développement et n’ayant jamais relâché son étreinte, on peut dire que les terrains coûtaient d’autant plus cher qu’ils étaient proches du centre, ce qui obligeaient les quartiers populaires à s’implanter de plus en plus loin69.

D’autre part, elle touche le montant des loyers ouvriers. Comme le souligne Jean Dethier, « l’arrivée massive de nouveaux citadins (ou plus exactement de néo-citadins) procure à certains propriétaires urbains l’occasion d’exercer une spéculation rentable »70. Ainsi, à

69 André Adam, Casablanca. Essai sur la transformation de la société marocaine au contact de

l'occident, Paris, 1968, p.19.

70 Jean Dethier, « 60 ans d'urbanisme au Maroc. L'évolution des idées et des réalisations », Bulletin

économique et social du Maroc, n° 118-119, XXXII, Numéro spécial sur les villes et l'urbanisme au

Casablanca par exemple, les propriétaires réclament en octobre 1912, « pour des logements à peu près inhabitables, de 50 à 75 Francs par pièces et par mois »71. Certains

n’hésitent pas à augmenter de plus de 50% leur loyer du jour au lendemain sous peine d’expulsion, comme on peut le lire dans cette lettre du 19 janvier 1917 : « Je vous donne

congé pour le 1er mars 1917, à moins que vous ne consentiez à payer par mois une somme

de CENT CINQUANTE francs à titre de loyer »72, au lieu des cent francs prélevés

auparavant. Cette spéculation est renforcée par la crise du logement qui sévit aussi bien au Maroc qu’en métropole. Cette crise est due à l’insuffisance du nombre de logements disponibles par rapport à la demande, entraînant elle aussi une inflation du loyer des logements disponibles, comme le souligne la Commission Mixte des Habitations à Loyer Modéré: « Tout au long du XIXᵉ siècle, les loyers populaires vont flamber. Ils connaissent 25% de hausse en moyenne de 1900 à 1910 alors que le prix des logements des classes plus aisées ne varie pratiquement pas sur cette même période »73.

Ne trouvant pas à se loger, les nouveaux arrivants se rabattent sur les hôtels ou garnis au profit de ceux que l’on appelle les marchands de sommeil, certains n’hésitant pas à louer le même lit à plusieurs personnes. Comme le montre la question « c » de l’enquête sur l’habitation ouvrière menée en 1895 dans l’ensemble de la France, cette pratique n’est pas une exception: « c. Garnis. Description. Existe-t-il des lits loués par moitié, par tiers…? »74. Elle existe de façon plus ou moins généralisée dans toute la

France. A Bordeaux, comme on peut le lire, « généralement il n’est pas loué de demi-lit, non plus que de tiers ; cependant, en cas d’urgence, le « Mères » ou « Pères » [sic] des compagnons affectent un même lit à deux ou trois compagnons ; mais ce cas est excessivement rare »75. Tout comme les garnis, les logements disponibles sont en 71 Archives Nationales du Maroc, Fonds E 820, Note « A/S de la crise des loyers et des remèdes

possibles », p. 1.

72 Archives Nationales du Maroc, Fonds E 820, Note « A/S de la crise des loyers et des remèdes possibles », p. 6.

73 Commission mixte nationale HML & Habitants, Histoire d'habitants, Paris, 1999, p. 7.

74 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Enquête sur l'habitation ouvrière. Enquête générale. Questionnaire sur les questions générales de l'état de l'habitation ouvrière. Question c. 75 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Enquête sur l'habitation ouvrière. Enquête

générale. Questionnaire sur les questions générales de l'état de l'habitation ouvrière. Réponse à la Question c.

situation de grand surpeuplement, comme l’indique la Commission mixte nationale HLM & Habitants : « Le surpeuplement est la règle. Le recensement de 1906 montre que 62% des personnes qui habitant des villes de plus de 5 000 habitants vivent à deux ou plus par pièce (cuisine comprise). »76 Ce surpeuplement entraîne de graves problèmes d’hygiène et

de promiscuité, lesquels sont aggravés par la dégradation des conditions de logements. En effet, du fait de la crise du logement, les taudis fleurissent sous la forme de logements insalubres à Bordeaux ou de bidonvilles à Casablanca. Nous analyserons plus en détail par la suite le phénomène des bidonvilles. Nous pouvons néanmoins affirmer que ces formes d’habitation posent aux municipalités des problèmes similaires. Ceci amène même certains témoins de l’époque à tirer des parallèles entre les deux phénomènes:

In his visits of the outskirts of Casablanca, Drovin drew parallels between the shantytowns there and the slums around Paris, saying that the bidonvilles ‘bear certain similarities to the Parisian slum belt or to the society depicted in Steinbeck’s Grapes of Wrath’.77

En effet, dans les deux cas, les habitations ne respectent pas les règles minimales d’hygiène. C'est ce quʼexplique Patrick Kamoun, « Dans les années 1880 on dénombre [en France] près de 220 000 logements sans la moindre fenêtre. La lumière n’y pénètre que par la porte »78. A Bordeaux, la situation est exacerbée par l’architecture traditionnelle

que constitue l’échoppe. Comme le décrit l’Association pour l’Étude de l’Urbanisme et de l’Architecture et Académie d’Architecture, « l’échoppe s’est imposée, dans le troisième quart du XIXᵉ siècle, comme la demeure bordelaise populaire caractéristique, occupant des rues entières dans certains quartiers périphériques »79. Au tournant du XXᵉ

76 Commission mixte nationale HLM & Habitants, Histoire d'Habitants, op. cit., p. 27. 77 Jean-Louis Cohen, Monique Eleb, Casablanca, op. cit., p. 288.

Lors de sa visite des abords de Casablanca, Drovin élabore des parallèles entre les bidonvilles ici et les taudis autour de paris en disant que les bidonvilles 'comportemt certaines similitudes avec la ceinture de taudis parisien ou avec la société dépeinte dans les Raisins de la colère de Steinbeck.

78 Patrick Kamoun, Hygiène et Morale, op. cit., p. 13-14.

79 Association pour l'Etude de l'urbanisme et de l'Architecture et Académie d'Architecture, Bordeaux et

siècle, « il existe à Bordeaux environ 11 000 maisonnettes n’ayant qu’un rez-de-chaussée, dites “échoppes” ».80.

L’échoppe est comme on peut le voir sur le plan suivant81, constituée de plusieurs

pièces en enfilade ne recevant de la lumière que de façon secondaire.

Cette insalubrité et ce surpeuplement des logements entraînent de graves problèmes de promiscuité et favorisent la propagation des épidémies. A Bordeaux et à Casablanca, la situation est aggravée par leur situation de grands ports internationaux, comme l’expliquent B. Lachaise et B. Schmidt82: « Les ports sont de longue date considérés

comme les portes d’entrée d’épidémies venues de contrées lointaines. […] On accuse aussi volontiers les ports d’être, par la prostitution qu’ils suscitent, responsable de la propagation des maladies vénériennes ».

80 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Enquête sur l’habitation ouvrière. Enquête générale. Questionnaire sur les questions générales de l'état de l'habitation ouvrière. Question 1b. 81 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Plan n° 17. Habitations ouvrières. Faubourgs et banlieue de Bordeaux. Epoque actuelle.

82 Bernard Lachaise, Burghart Schmidt, Bordeaux – Hamburg. Zwei Städte und ihre Geschichte. Bordeaux

A.2. Le développement des logements sociaux comme moyen de lutte contre les logements insalubres

Comme nous venons de le voir, la Révolution industrielle s’accompagne d’une dégradation des conditions de vie dans les logements des classes ouvrières et engendre de nombreux problèmes d’hygiène urbaine. Ce problème devient de plus en plus important. Il entraine le développement d'une nouvelle science, la topographie médicale, dont les résultats engendrent une prise de conscience du problème et de ses conséquences sur la société, obligeant le gouvernement français à agir.

La topographie médicale se développe parallèlement à l’industrialisation de la société. Elle a pour origine l’initiative de nombreux médecins qui parcourent le pays pour décrire les conditions de vie des classes populaires. Comme l’explique Patrick Kamoun, ils « sillonnent les villes et les quartiers populaires. Ils consignent leurs observations et conclusions dans des rapports souvent volumineux. Ils décrivent avec une précision d’entomologiste les conclusions épouvantables de logements de la classe ouvrière »83.

Comme l’indique Roger-Henri Guerrand, « les inventeurs de la nouvelle science [la topographie médicale] ont non seulement dévoilé l’état critique du logements des classes laborieuses, mais surtout posé les bases de l’hygiène publique en matière d’habitat »84. Ils

établissent notamment le lien entre le manque d’hygiène, l’insalubrité et la mortalité. Cette découverte est d’une grande importance dans le combat contre la tuberculose qui est alors « la principale cause de mortalité des 15-29 ans en Europe au début du XXᵉ siècle »85. C’est une maladie liée à un manque d’air et de lumière, lesquels sont aussi les

caractéristiques d’un logement insalubre. Pour cette raison, « le critère d’insalubrité a été basé en 1919 sur le nombre de décès par tuberculose. (il fallait pour être classé insalubre que l’immeuble ait compté au moins dix décès en 25 ans) »86. Ces critères ne seront

modifiés par la DATAR qu’en 1950 lors d’un recensement des taudis sur tout le territoire

83 Patrick Kamoun, Hygiène et Morale, op. cit., p. 38.

84 Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et Locataires, op. cit., p. 32. 85 Patrick Kamoun, Hygiène et Morale, op. cit., p. 56-57.

national. Les nouveaux critères sont: « dans l’ordre suivant : 1) menace de ruine ; 2) humidité ; 3) mauvaise position ; 4) manque d’air et de lumière. »87

a) La lutte contre l'insalubrité en France

Pour soutenir le combat contre les logements insalubres, l’État français décide, par la promulgation de la loi du 13 avril 1850, de mettre en place des commissions chargées d’identifier et de résorber les logements insalubres. Cette loi fut complétée par celle du 25 mai 1864. Elles n’eurent cependant qu’un faible impact. En effet ces lois n’ont qu’un caractère incitatif et la décision quant à la création d’une telle commission est laissée au

Conseil Municipal88. Ces lois ne donnent à aucun moment une définition exacte de ce

qu’est un logement insalubre si ce n’est que « sont réputés insalubres les logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants ».89 Le fait qu’un logement soit perçu comme salubre ou non est donc laissé à

l’appréciation des membres de la commission.

Une telle commission est créée à Bordeaux entre 1864 et 1876. Elle est composée de 20 membres, comme le veut la loi du 25 mai 1864:

Dans les communes dont la population dépasse 50.000 âmes, le Conseil Municipal pourra, soit nommer plusieurs commissions, soit porter jusqu’à 20 le nombre des membres de la Commission existante. A Paris, le nombre des membres pourra être porté jusqu’à 30.90

Cette loi augmente le nombre des membres de la commission, prévu à seulement « neuf […] au plus et [...] cinq au moins »91 par la loi de 1850. Les 20 membres de la

Commission de Bordeaux sont répartis sur les sept cantons de la ville.92Comme le veut

87 Ibid, p. 107.

88 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 54 S 3, Article 1 de la loi du 13 avril 1850. 89 Ibid.

90 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 54 S 3, Article unique de la loi du 25 mai 1864. 91 Ibid., Article 2 de la loi du 13 avril 1850.

92 Le canton est comme l’arrondissement un découpage administratif. Bordeaux compte pendant la période étudiée douze arrondissements et sept cantons. Archives municipales de Bordeaux. Fond 54 S 3. Tableau

l’article 2 de la loi du 13 avril 1850, parmi eux « feront nécessairement partie un médecin et un architecte ou tout autre homme de l’art, ainsi qu’un membre du bureau de bienfaisance et du Conseil des prud’hommes si ces institutions existent dans la commune ».93 Elle est chargée de visiter les lieux signalés comme insalubres, d’en

déterminer l’état exact et les moyens à employer pour y remédier. De nombreuses sanctions sont prévues dans le cas de non-respect des décisions de la commission :

Si les travaux n’ont pas été exécutés dans l’année qui aura suivi la condamnation et si le logement insalubre a continué d’être occupé par un tiers, le propriétaire ou l’usufruitier sera passible d’une amende égale à la valeur des travaux et pouvant être élevée au double.94

Malgré tout, la commission se trouve face à des problèmes d’application des mesures sur le terrain, comme on peut le lire dans le questionnaire sur les conditions générales de l’état de l’habitation ouvrière réalisé dans le cadre d’une Enquête sur

l’habitation ouvrière à la fin du XIXᵉ siècle de 1895.

Ce fonctionnement de la Commission des logements insalubres demande de sérieuses et promptes réformes. La première, la plus importante de toutes, celle qui s’impose, c’est la simplification de la procédure administrative et en second lieu diminution des délais. Entre la visite de la Commission des logements insalubres et l’exécution de ses prescriptions toujours nécessaires, le plus souvent d’une urgence absolue, un propriétaire récalcitrant et retord peut pendant dix-huit mois ou deux ans berner l’Administration Municipale et faire durer des irrégularités directement préjudiciables à la santé, de ses locataires parfois compromettantes pour la salubrité de toute la ville.95

De nombreuses enquêtes seront menées et un certain nombre de problèmes résolus comme le montre le rapport de la commission des logements insalubres de Bordeaux qui traita 6530 affaires entre 1887 et 1896, soit une moyenne de 653 affaires par an. Ce nombre est certes en progression constante mais il reste entre trop faible pour lutter efficacement contre les problèmes d’insalubrité d’une ville comme Bordeaux – qui

des Membres de la Commission des Logements Insalubres. Novembre 1901.

93 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 54 S 3, Article 2 de la loi du 13 avril 1850. 94 Ibid.

95 Archives Municipales de Bordeaux, Fonds 1000 Q 2, Enquête sur l'habitation ouvrière. Enquête générale. Questionnaire sur les questions générales de l'état de l'habitation ouvrière. Question 2 « Mode d’action de l’administration municipale ; de la Commission des logements insalubres ; résultats obtenus ».

compte alors 267.000 habitants – comme on peut le lire dans le rapport détaillé des activités pour l’année 189796. Ceci provient principalement du fait que les membres de la

Commission sont trop peu nombreux face au travail à accomplir.

b) La lutte contre l'insalubrité au Maroc

Les problèmes d'insalubrité n'existent pas uniquement en France métropolitaine, on les retrouve aussi dans les colonies obligeant les autorités coloniales à mettre en place de nombreuses mesures pour les résoudre. A Casablanca, cette situation est particulièrement extrême, c'est pourquoi il y fut créé sur arrêté viziriel du 1er novembre 1912 un bureau

d’hygiène. Les autorités coloniales prennent pour modèle les bureaux d’hygiènes présents en Europe car ils permettent

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