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Chapitre 5 : Propriétés mécaniques

IV- L’influence de la porosité

a. Effet de la porosité sur le module d’Young : description des modèles

L’effet de l’ajout d’une deuxième phase dans un matériau sur son module d’Young a très largement été étudié et discuté dans la littérature. En analogie avec les modèles de conductivité thermique décrits dans le chapitre précédent, des modèles analytiques peuvent être appliqués. Hill [111] a proposé un modèle considérant une association de phases en « série » (Reuss–contraintes planes) et en « parallèle » (Voigt-déformations planes) généralisés à n phases. Ils sont généralement peu représentatifs de la microstructure d’un matériau composite contenant des inclusions d’une deuxième phase.

Cependant, un autre modèle peut être appliqué pour décrire les matériaux composés de deux phases : l’approche d’Hashin-Shtrikman [88, 112]. L’interaction entre les particules est

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négligée et les expressions des bornes inférieure et supérieure du modèle ne nécessitent que la connaissance des propriétés individuelles (module d’Young E, coefficient de Poisson υ) propres à chaque constituant ainsi que leurs fractions volumiques. Les valeurs données par la borne inférieure d’Hashin-Shtrikman et les valeurs expérimentales du module d’Young d’un matériau composite à particules sphériques d’alumine incluses dans une matrice de verre sont très proches [113, 114]. Comme la borne inférieure représente le cas d’une seconde phase plus rigide que la matrice, elle ne peut s’appliquer à des matériaux poreux. Les prédictions fournies par la borne supérieure peuvent par contre décrire convenablement la diminution des propriétés d’élasticité avec l’augmentation du taux de porosité vp (en attribuant à E et υ de l’air des valeurs qui tendent vers zéro). Pour les faibles taux de porosité (0 < vp < 0,15), les valeurs prédites sont généralement en assez bon accord avec celles mesurées pour de nombreux matériaux céramiques poreux [115].

Cette gamme de porosité est assez faible pour qu’aucune interconnection de la deuxième phase s’établisse dans le matériau. L’expression simplifiée du module d’Young effectif d’un matériau poreux correspondant à la borne supérieure de la limite d’Hashin-Shtrikman (HS +) devient alors :

(Eq. 32)

où Es est le module d’Young de la phase solide.

Pabst propose de ne tenir compte que du module d’Young de la phase solide et du taux de porosité. Lorsque la porosité devient connectée, c’est-à-dire dans la gamme 15 à 65 % de porosité, les valeurs du module d’Young calculées avec la borne supérieure du modèle d’Hashin-Shtrikman sont généralement surestimées. Pour décrire une telle situation, Pabst [116] a proposé une expression exponentielle qui prend en compte un paramètre d’ajustement empirique (Eq. 33). Dans ce cas, lorsque ce paramètre est voisin de 2, il a été constaté que les valeurs prédites sont proches des données expérimentales obtenues pour plusieurs matériaux céramiques (alumine, zircone, carbure de silicium et de nitrure de silicium) présentant un taux de porosité maximal d’environ 70 % [117].

(Eq. 33)

Pour des matériaux encore plus poreux (porosité supérieure à 70 %), Gibson et Ashby ont développé une approche analytique pour les matériaux cellulaires qui prend en compte les proportions de cellules ouvertes ou fermées [118, 119]:

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avec φ : fraction volumique de solide continu dans les parois des cellules.

Dans le cas de matériaux dont l’intégralité des pores est interconnectée, cette expression correspond à la relation de Coble-Kingery (Eq. 35) :

(Eq. 35)

La figure 61 présente l’évolution du module d’Young effectif en fonction du taux de porosité suivant les différents modèles utilisés. Le module d’Young effectif diminue lorsque le taux de porosité augmente.

Figure 61 : Présentation de quelques modèles analytiques décrivant la diminution du module d’Young effectif avec l’augmentation du taux de porosité vp

b. Effet de la porosité sur la contrainte à la rupture

Généralement une microstructure formée de gros grains ou de gros pores va contribuer à diminuer les valeurs de contrainte à la rupture puisqu’elle entraîne statistiquement une augmentation de la taille des défauts critiques. De plus, l’ajout de porosité entraîne des concentrations de contraintes localisées très fortes, qui contribueront également à diminuer la contrainte à la rupture. La figure 62 illustre par exemple cet effet dans le cas d’un verre présentant des pores sphériques isolés [115].

HS +

Pabst

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Figure 62 : Exemple de variation de la contrainte à la rupture vis à vis du taux de porosité (cas d’un verre porosité sphérique isolée) [115]

Des modèles exponentiels ont été développés pour décrire l’évolution de la contrainte à la rupture en fonction de l’augmentation du taux de porosité :

(Eq. 36)

avec : contrainte à la rupture du matériaux poreux, celle du matériau dense et n entier

non nul.

Lorsque le taux de porosité devient supérieur à 65 %, le comportement des matériaux céramiques n’est généralement plus purement fragile. En effet, en étudiant le comportement mécanique de matériaux céramiques poreux (alumine) en compression, ayant des taux de porosité compris entre 30 et 75 %, Meille a par exemple mis en évidence une transition entre un comportement purement fragile pour des taux de porosité inférieurs à 60 % vol. et un comportement similaire à celui caractéristique des matériaux cellulaires pour des taux de porosité plus élevés [119]. Ainsi, pour les matériaux les moins poreux, la courbe contrainte-déplacement est caractérisée par un comportement élastique et une rupture soudaine, typique des matériaux céramiques denses. En revanche, les matériaux très fortement poreux (la bentonite par exemple) présentent une loi de comportement caractérisée par trois régimes distincts (Figure 63) mis en évidence par Gibson et Ashby pour divers matériaux tels que des mousses de polyuréthane ou des mousses de mullite [48]:

un régime linéaire élastique correspondant au fléchissement des parois

intercellulaires. De faibles ruptures en cascades peuvent avoir lieu;

un plateau, relatif à l’écrasement des cellules, de comportement

intrinsèquement fragile ou plastique selon la nature du squelette solide;

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Figure 63 : Loi de comportement en compression typique de matériaux cellulaires