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L’influence de l’attitude sociale sur le comportement non-verbal

Les humains ont `a leur disposition diff´erentes modalit´es lorsqu’ils ont besoin de communiquer avec d’autres, comme la parole, les gestes ou l’´ecrit par exemple. La parole, grˆace au langage, permet potentiellement d’encoder et d’exprimer toutes les informations que nous souhaitons communiquer. Cependant, dans nos interactions quotidiennes, lorsque nous sommes face `a face avec nos interlocuteurs, nous encodons naturellement une partie de ce que nous souhaitons exprimer dans notre compor- tement non-verbal, ce comportement non-verbal servant ainsi de compl´ement `a la parole, permettant d’accentuer, d’att´enuer ou de r´eguler ce qui est dit [Knapp et al., 2013]. Argyle [Argyle, 1988] pr´esente cinq fonctions du comportement non-verbal : l’expression d’´emotions, l’expression d’attitudes, la r´egulation des tours de parole, la pr´esentation de soi et la r´ealisation de certaines coutumes. La fonction qui nous int´eresse dans ce travail de th`ese est l’expression d’attitudes et c’est la capacit´e de r´ealiser celle-ci, `a travers le comportement non-verbal donc, que nous souhaitons donner aux agents virtuels.

2.2.1 Le comportement non-verbal

Les diff´erentes modalit´es du comportement non-verbal (par exemple les expres- sions faciales, les gestes ou la posture) ont ´et´e ´etudi´ees afin de comprendre leurs diff´erentes fonctions communicatives et quand et comment elles sont utilis´ees dans la communication.

Ekman et Friesen [Ekman and Friesen, 1976] ont propos´e une nomenclature pour d´ecrire les mouvements du visage appel´ee FACS. Dans cette nomenclature, les mou- vements possibles sont repr´esent´ees par des actions (comme lever les sourcils ou ´

etirer les l`evres par exemple) au nombre de 28. Chaque action est ´egalement as- soci´ee aux muscles du visage impliqu´es dans le mouvement. Plus tard, en suivant cette nomenclature, Ekman [Ekman, 1979] a ´etudi´e comment les sourcils sont utilis´es pour communiquer des ´emotions et des signaux de r´egulations de la conversation. Il

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NON-VERBAL explique que les mouvements de lever et baisser les sourcils sont utilis´es pour accen- tuer un mot ou un point de conversation et en fin de phrase par exemple. Il explique ´egalement que le lever de sourcils peut ˆetre utilis´e pour exprimer du doute ou de la surprise. A travers ce travail, l’on d´ecouvre qu’une mˆeme modalit´e du comportement (ici les sourcils) peur servir `a encoder diff´erentes fonctions communicatives.

Les gestes ainsi que leurs formes, leurs nombres et leurs rˆoles ont aussi ´et´e ´etudi´es afin d’identifier leurs fonctions communicatives. Ekman et Friesen propos`erent une classification des gestes [Ekman and Friesen, 1969] en fonction de leur rˆole dans l’accompagnement de la parole. Cette classification est la suivante :

– Les embl`emes : des gestes qui n’ont pas besoin de la parole pour communiquer un sens car ils repr´esentent un sens `a eux seuls, comme le pouce lev´e vers le haut ou le V de la victoire par exemple.

– Les illustrateurs : des gestes qui accompagnent la parole et imitent le sens de ce qui est dit, comme faire un geste vers le haut tout en parlant d’une croissance par exemple.

– Les gestes de r´egulation de la conversation : ils permettent de faire comprendre quand on prend la parole ou quand on souhaite la donner.

– Les gestes d’expression d’´emotions : Un mouvement brusque des bras lors de l’expression de la peur par exemple.

– Les adaptateurs : des gestes de contrˆole que l’on fait sur son corps ou sur un objet, comme jouer avec un stylo ou se gratter la tˆete par exemple.

McNeill proposa plus tard une autre classification [McNeill, 1992]. Selon lui, il existerait seulement quatre cat´egories de gestes qui sont les suivantes :

– Les gestes iconiques, imitant le contenu de ce qui est dit afin de l’accentuer. – Les gestes m´etaphoriques, repr´esentant les concepts de ce qui est dit.

– Les gestes d´eictiques, comme pointer du doigt ou montrer une direction. – Les gestes beats, des petits gestes rythmiques de la main ou des doigts accom-

pagnant le rythme de la parole.

Les raisons qui poussent les chercheurs `a chercher des classifications et `a ´etudier ces diff´erentes modalit´es sont motiv´ees par l’´etude de ces comportements afin d’en comprendre les significations. Dans certains cas, nous utilisons consciemment nos gestes, nos regards et nos expressions faciales comme support pour la compr´ehen- sion de ce que l’on souhaite dire, mais dans la plupart des cas, ces modalit´es sont

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utilis´es sans mˆeme que nous ne nous en rendions compte et il est tr`es difficile de les contrˆoler, rendant ainsi possible pour notre interlocuteur l’identification de certains traits comme notre personnalit´e, notre ´etat ´emotionnel ou notre attitude sociale [DePaulo, 1992].

2.2.2 L’influence de l’attitude sociale sur les différentes modalités du

comportement non-verbal

Plusieurs chercheurs dont Darwin [Darwin, 2002] et Ekman [Ekman, 1999] ont th´eoris´e comment sont exprim´es les ´emotions dans nos expressions faciales et nos gestes. Cependant, les ´emotions ne sont pas les seules `a pouvoir influencer le compor- tement non-verbal. Dans [Vinciarelli et al., 2009], les auteurs, `a travers une ´etude de la litt´erature dans le domaine des comportements sociaux, listent quelles modalit´es sont associ´ees `a quels comportements sociaux (voir figure 2.2). D’ailleurs, certains chercheurs se sont int´eress´es plus pr´ecis´ement `a l’expression et la perception des atti- tudes sociales `a travers le comportement non-verbal [Argyle, 1988][Mehrabian, 1969]. Leurs r´esultats ont montr´e qu’il existe des variations de comportement lorsqu’une personne exprime diff´erentes attitudes. Les travaux de Mehrabian [Mehrabian, 1969], Carney [Carney et al., 2005], Burgoon [Burgoon et al., 1984][Burgoon and Le Poire, 1999] et leurs coll`egues contiennent ´enorm´ement d’informations sur ces variations grˆace aux r´esultats de diff´erentes ´etudes qu’ils ont conduits.

En ce qui concerne les gestes, ils ont notamment trouv´e que produire plus de gestes et des gestes plus larges correspond `a une attitude dominante ou amicale [Burgoon and Le Poire, 1999, Carney et al., 2005]. Lorsque l’on touche quelqu’un pendant une conversation (sur l’avant-bras ou l’´epaule par exemple), en plus de la fonction communicative qui peut y ˆetre associ´ee (comme vouloir dire `a quelqu’un de reculer ou de s’approcher par exemple), cela peut correspondre `a une attitude do- minante ou amicale [Burgoon et al., 1984][Carney et al., 2005][Isbister, 2006],[Yabar and Hess, 2007]. A l’inverse cependant, l’utilisation de gestes de type adaptateur [Ek- man and Friesen, 1969] qui consiste `a se toucher soi-mˆeme (se tenir le bras, se gratter la tˆete, se frotter machinalement les mains) ou `a manipuler des objets (jouer avec un stylo, une feuille en papier) se retrouve principalement dans l’expression d’une attitude soumise [Briton and Hall, 1995][Carney et al., 2005] mais peut ´egalement ˆ

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NON-VERBAL

Figure 2.2 : Les comportements sociaux et les modalit´es associ´ees repris de [Vin-

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Ce dernier point souligne l’importance de consid´erer les modalit´es ensemble dans l’expression d’attitudes. Il peut ˆetre difficile de discriminer les attitudes en ´etudiant le comportement non-verbal modalit´e par modalit´e.

L’orientation de la tˆete peut ´egalement varier selon les attitudes exprim´ees. Orienter sa tˆete vers l’autre, pencher l´eg`erement la tˆete vers le haut et secouer l´eg`erement la tˆete sont des comportements associ´es avec une attitude dominante alors que les comportements inverses comme pencher sa tˆete vers le base et orienter sa tˆete ailleurs que vers l’autre peuvent donc traduire une attitude soumise voire hostile [Briton and Hall, 1995][Carney et al., 2005].

Par rapport `a la posture, se pencher en avant vers l’autre [Burgoon et al., 1984][Burgoon and Le Poire, 1999][Carney et al., 2005][Isbister, 2006][Yabar and Hess, 2007], se tenir droit [Carney et al., 2005], s’orienter directement vers l’autre [Mehrabian, 1969][Burgoon et al., 1984][Burgoon and Le Poire, 1999][Carney et al., 2005][Isbister, 2006][Yabar and Hess, 2007] sont des comportements pouvant ˆetre associ´es avec de la dominance ou de l’amicalit´e alors que les comportements inverses comme se reculer, s’orienter sur le cˆot´e et se tenir moins droit sont plutˆot associ´es `a des attitudes soumises ou hostiles.

Le regard offre des variations subtiles en termes d’expressions d’attitudes. S’en- gager dans des regards mutuels est un signe de dominance ou d’amicalit´e alors que simplement faire attention aux autres traduit plutˆot une attitude soumise (voire amicale) [Burgoon et al., 1984][Carney et al., 2005][Yabar and Hess, 2007][Mehra- bian, 1969]. De plus, il est not´e qu’un regard trop insistant peut traduire une attitude plutˆot hostile [Carney et al., 2005][Burgoon et al., 1984][Mehrabian, 1969]. Les ´evite- ments de regards quant `a eux traduisent une attitude soumise voire hostile [Burgoon and Le Poire, 1999][Carney et al., 2005][Mehrabian, 1969].

Enfin et bien ´evidemment, les expressions faciales permettent ´egalement d’expri- mer diff´erentes attitudes. La capacit´e de produire plus d’expressions faciales vari´ees est associ´e `a des attitudes dominantes et amicales [Carney et al., 2005][Burgoon and Le Poire, 1999][Hess et al., 2005]. Cependant toutes les expressions ne sont pas asso- ci´ees `a la dominance et `a l’amicalit´e. Les expressions d’´emotions de valence n´egative sont associ´es `a des attitudes de valence n´egative et inversement. Exprimer du d´e- gout est plutˆot associ´e `a une attitude hostile [Carney et al., 2005][Hess and Thibault, 2009] de mˆeme qu’exprimer une expression de tristesse traduit une attitude soumise

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[Hess and Thibault, 2009]. Les sourires restent principalement associ´e `a une attitude amicale [Burgoon et al., 1984][Briton and Hall, 1995][Yabar and Hess, 2007].

Toutes ces ´etudes et ces diff´erences traduisent bien l’importance de l’attitude sociale dans la production et la perception du comportement non-verbal d’une per- sonne. Il s’agit l`a de comportements non-verbaux servant de support `a la conver- sation. Il est important de rappeler que l’interpr´etation de ces comportements non- verbaux n’a pas ´et´e ´etudi´ee de mani`ere isol´ee. Cela veut dire que chaque modalit´e n’est pas consid´er´ee ind´ependamment des autres mais en interaction les unes avec les autres. D’ailleurs, dans [Burgoon and Le Poire, 1999], les auteurs rappellent “qu’une modalit´e du comportement non-verbal est continuellement accompagn´e par les autres et c’est l’ensemble qui permet de d´elimiter et de clarifier le sens” (“No non- verbal cue is an island. It is continously surrounded by a host of nonverbal behaviors which together may delimit and clarify meaning.”).

Dans la prochaine section, nous nous int´eressons aux comportements li´es `a la formation de groupes et comment ceux-ci sont ´egalement influenc´es par l’expression d’attitudes sociales.

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