• Aucun résultat trouvé

L’infléchissement du principe

Dans le document Le fait culturel saisi par le droit pénal (Page 95-99)

Chapitre I – La portée justificative de la volonté personnelle

2) L’infléchissement du principe

Le consentement de la victime s’insère dans un mouvement favorable à sa reconnaissance. De nombreux aspects du droit pénal semblent s’orienter doucement vers un mouvement de contractualisation du droit pénal (il en va ainsi du consentement du délinquant à la sanction pénale ou encore de la création du délit de non-recueil du consentement par exemple321)322.

319 Cass crim. 16 novembre 1827, S. 1828, I, 135.

320 R. Cassin, Criminologie, Paris, Dalloz, « Paris », 6ème édition, 2007, n°75 et s. 321 Article L. 209-19 du code de la santé publique.

322 J-

S’agissant de la portée du consentement à la libre disposition du corps humain, il est un constat qui est celui du recul du principe de l’intangibilité du corps humain face à une volonté individuelle contraire323. Le consentement de la victime profite en outre de la montée d’une conception très

individualiste des droits de l’homme, rendant de plus en plus difficile la distinction entre l’individuel et le collectif324. De surcroit, la majeure partie des législations européennes ont accordé

une place importante à la notion de consentement325.

Le consentement recouvre une portée exonératoire lorsqu’il est couplé à la loi326. Le consentement ne se suffit pas à lui-même. Toutefois sa portée justificative ressurgit lorsqu’il est appuyé par la loi, en dehors des cas où il est un élément constitutif de l’infraction327. S’agissant notamment de deux domaines, tels que l’expérimentation médicale ainsi que le prélèvement d’organe en vue d’une greffe, le consentement est devenu une condition fondamentale de validité des actes envisagés dans ce cadre. La loi du 22 décembre 1976328 et le décret du 31 mars 1978 sont devenus les textes de principe en matière de prélèvement d’organe, donnant un rôle considérable au consentement. De même, en matière d’expérimentation biomédicale, la loi du 20 décembre 1988

323 B. L

EMENNICIER,« Le corps humain : propriété de l’Etat ou propriété de soi ? », Droits, n°13, p. 111.

324 X. P

IN,« Le consentement à la lésion de soi-même en droit pénal. Vers la reconnaissance d’un fait justificatif ? », Droits, 49, 2009, p. 83.

325 L’article 50 du code pénal italien affirme : « N’est pas pénalement punissable celui qui lèse ou

compromet un droit avec le consentement de la personne qui peut valablement en disposer ». Il en va de même du code pénal allemand, espagnol, autrichien, portugais, ou grec.

326 La loi entendue au sens générale, qui recouvre en fait la loi, le règlement et la coutume (Code pénal

article 122-4, al 1er). Notons que la tolérance coutumière permet certaines atteintes à l’intégrité physique

consenties telles que le fait de se faire couper les cheveux. Il a pu être jugé que le fait de couper les cheveux d’une femme contre son gré constitue effectivement des violences pénales, voir en ce sens un arrêt du Tribunal correctionnel de Saint-Dié, 7 juin 1945, Gaz Pal, 1945, 1, p. 218.

327 R.M

ERLE et A.VITU,Traité de droit criminel, tome 1, septième édition, 1997, Cujas, p. 449.

328 Loi n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes et son décret d’application

soumet les recherches au consentement de l’intéressé ou les personnes spécialement habilitées329.

De surcroit, un exemple supplémentaire parmi de nombreux autres, est celui de l’euthanasie passive330 qui bénéficie désormais de l’article 20 du code de déontologie médicale selon lequel :

« le médecin doit s’efforcer d’apaiser les souffrances de son malade » 331. Cette disposition confère une fois de plus, une place fondamentale au consentement332. Quant à la loi du 6 aout 2004333, elle n’a pas eu pour finalité d’affirmer l’indisponibilité du corps humain, au contraire elle aurait même sur certains points consacré sa « réification »334. Ainsi, malgré l’essence légaliste du système pénal, il semblerait que « le droit soit bien forcé de reconnaitre, comme une évidence, que chacun, dans

une large mesure, est maitre de son corps »335.

La faible justification de la différence de traitement entre l’atteinte à une valeur disponible et l’atteinte à une valeur indisponible336. Si l’absence de consentent est un élément constitutif de certaines infractions, il n’en est pas ainsi s’agissant de l’atteinte à l’intégrité corporelle. La justification à cette différence de régime serait fondée sur les principes

329 Loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches

biomédicales.

330 L’euthanasie passive consiste en le fait de ne plus mettre en œuvre tous les moyens thérapeutiques pour

assurer la survie du malade.

331 Décret du 28 juin 1979, n°79-506 portant code de déontologie médicale.

332 En effet la législation française en la matière semble s’orienter vers la dépénalisation qui s’illustre

notamment par de nombreuses nouvelles dispositions telles que les article L 111-10, L 1110-5 et L 111-13 du code de santé publique.

333 Loi n°2004-800 du 6 aout 2004 relative à la bioéthique.

334 Selon les termes d’A. DORSNER-DOLIVET, « De l’interdiction du clonage à la réification de l’être

humain », loi n°2004-800 du 6 aout 2004, JCP G, 2004, I, 172.

335 G.CORNU,« Droit civil », Introduction, les personnes, les biens, 9ème édition, 1999, p. 481. 336 Voir sur ce point J-

CL.SOYER,Droit pénal et procédure pénale, 15ème éd, Paris, 2000, n°268, pour qui le

viol est une infraction portant sur une valeur disponible, et l’atteinte à l’intégrité corporelle est une action portant sur une valeur indisponible. Sur ce point, X. PIN préconise d’intégrer aux incriminations qui supposent un acte ayant lieu contre le gré de la victime (telles que le viol, le vol ou encore la séquestration), les infractions relatives à l’intégrité physique. X.PIN,« Le consentement à la lésion de soi-même en droit pénal. Vers la reconnaissance d’un fait justificatif ? », Droits, 49, 2009, p. 99.

d’inviolabilité337 et d’indisponibilité du corps humain338. Ainsi, le consentement est exclusif de

l’infraction concernant le viol, et non concernant une mutilation corporelle. Ne s’agit-il pas là de deux actes qui constituent une agression corporelle ? En ce sens, la doctrine effectue un parallèle entre la pulsion de violence et la pulsion sexuelle qui animent chacune un acte réprimé par le droit pénal. Cependant un des deux actes peut échapper à cette répression lorsque le consentement lui est donné. En effet, « personne ne songe à dire par exemple, qu’un acte de pénétration consenti

est un acte violent. Pourtant l’acte sexuel, quel qu’il soit, reste un acte lié à une pulsion et une attraction corporelles. Donc de la même façon qu’il n’y a pas viol en cas d’acte sexuel consenti par la personne pénétrée, il ne devrait pas y avoir de violence, en cas d’atteinte à l’intégrité corporelle consentie par la personne lésée, dès lors que l’acte n’est pas perçu comme brutal »339.

La justification d’infractions culturelles par le consentement. Au regard de ces dérogations, la doctrine a pu dégager la notion de consentement permissif qui s’entend d’une

« manifestation de volonté émanant d’une personne, physique ou morale, autorisant son destinataire à commettre une infraction à son encontre en l’exonérant de sa responsabilité pénale »340. Cette notion, dans la mesure où elle parviendrait à s’imposer, pourrait permettre la

justification de pratiques culturelles qui font naitre une atteinte souhaitée par la victime. Il demeure toutefois, que ce consentement devra être encadré341.

***

337 Article 16-1 du code civil. 338 Article 16-3 du code civil. 339 X.P

IN,« Le consentement à la lésion de soi-même en droit pénal. Vers la reconnaissance d’un fait justificatif ? », Droits, 49, 2009, p. 82.

340 X. P

IN,Le consentement en matière pénale, LGDJ, Thèse Paris 2002, p. 73.

341 Il est notamment permis de penser que seul le consentement d’un majeur sera retenu (ou celui du

Le principe demeure celui selon lequel le consentement n’a pas force justificative, cependant les exceptions assorties à ce principe se multiplient voire s’élargissent. Cette tendance peut être mise en perspective avec l’étonnante percée du concept d’autonomie personnelle.

Dans le document Le fait culturel saisi par le droit pénal (Page 95-99)