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B – I.1. Chauffage avant formage de demi-produits

En France, une étude CEREN a été menée en 2007 sur le « Parc des fours industriels » dédié à la profession Fours de chauffage des métaux en forge (NAF 2008 25.50A). Les informations relevées sont les suivantes :

Consommations : 617 GWh en 2007 (note : 325 GWh en Traitement Thermique en forge).

Plage de températures principales : 1000 à 1500°C pour 540 des 617 GWh de consommation

Nombres de fours : 310 fours sur la plage principale de température (+ 300 autres fours sur les plages de températures inférieures, mais pour une consommation totale peu importante). Types de fours (sur la plage 1000-1500°C) :

Brûleurs à mélange au nez : 370 GWh sur 190 fours (168 MW cumulés)

Brûleurs auto récupérateurs : 40 GWh sur une quinzaine de fours (40 MW cumulés)

Induction : 145 GWh sur environ 95 fours (68 MW cumulés)

Le chauffage des pièces métalliques par induction est une technique largement employée dans l’industrie de transformation des métaux car elle permet d’injecter une grande quantité d’énergie très rapidement dans une pièce métallique. Les industriels de la profession forge et de nombreuses autres professions utilisent cette technique afin de porter les pièces à une température suffisante pour pouvoir être déformées « facilement ». Les températures utilisées varient suivant les métaux de 400°C à 900°C pour les métaux non ferreux et de 850°C à 1250°C pour les aciers et alliages. Le chauffage par induction s’est largement développé car il permet un chauffage très rapide des lopins et une constance dans la maîtrise des températures.

La consommation énergétique est un poste qui pèse de plus en plus sur la compétitivité des entreprises de mécanique. La profession de la forge fait partie des entreprises où la réduction de cette consommation est devenue un enjeu prioritaire du fait des hautes températures nécessaires à la mise en forme de métaux et des procédés mis en jeu.

Une enquête de besoins réalisée en 2009 par le CETIM auprès de la profession a fait ressortir un besoin de réduction des consommations d’énergie des systèmes de chauffage des pièces par induction, qui sont identifiés comme très consommateurs d’énergie. Afin de conforter ce besoin, des mesures de consommation d’énergie électrique ont été réalisées par le CETIM sur deux installations existantes. Ces mesures ont montré que les rendements mesurés étaient très largement inférieurs aux rendements attendus (de 11 à 22% au lieu de 70%). L’analyse a montré que ces consommations anormales sont principalement dues à des défauts de dimensionnement des inducteurs et/ou de couplage électrique entre la pièce et l’inducteur. Ces défauts sont liés à des changements de fabrication fréquents éloignant les installations de leur point de fonctionnement initial. Dans certains cas, des inducteurs « maison » ont été fabriqués par les forgerons eux-mêmes sans dimensionnement électrique optimisé et qui conduisaient au mieux à un chauffage peu efficace, au pire à une réduction de la capacité de production de la ligne.

Les résultats de cette enquête a conduit le CETIM à s’associer avec EDF R&D, organisme ayant déjà réalisé de nombreuses études sur le chauffage par induction, pour la réalisation d’une étude portée par la commission Forge AFF/CETIM, financée à part égale par les deux partenaires et complétée par une subvention de l’ADEME à hauteur de 25%. Le projet mené dans cette étude a consisté à élaborer un outil de calcul simple d’emploi permettant aux professionnels de la forge d’optimiser les consommations énergétiques de leurs fours à induction en se basant sur les travaux de recherche antérieurs menés par EDF R&D. Cet outil doit leur permettre de choisir les paramètres électriques du chauffage les mieux adaptés aux pièces à chauffer, voire de dimensionner correctement de nouveaux inducteurs pour des nouvelles gammes de production.

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Par une très forte diffusion de l’outil dans les entreprises de la profession les résultats attendus sont les suivants :

Une réduction forte des consommations d’énergie électrique des installations existantes de chauffage de pièces métalliques par induction. L’étude de besoin a montré des réductions possibles parfois supérieures à 50%.

Une meilleure connaissance par les utilisateurs du comportement de l’installation leur permettant une réduction des rebuts et une réduction des temps de chauffage, facteurs de nouvelles économies d’énergie.

Une contribution à la généralisation de la technologie par induction permettant de réduire le nombre des systèmes de chauffage par fours à gaz et donc une forte réduction des gaz à effet de serre. L’étude du CEREN a montré que environ 73% des fours utilisés en forge sont à gaz avec une consommation équivalente à 550 GWh. Un remplacement de 5% du parc pourrait faire gagner environ 4000 tonnes d’équivalent CO2.

B – I.2. Panorama des logiciels de simulation d’installations

de chauffage par induction

La simulation numérique du chauffage par induction a démarré dans les années 1980 avec la démocratisation des ordinateurs permettant à un plus grand nombre de chercheurs et industriels de s’équiper et d’utiliser ces machines. Avec l’augmentation des capacités de calcul des machines, les logiciels se sont progressivement complexifiés, passant d’approches analytiques simplifiées à la modélisation tridimensionnelle. On peut les classer dans trois catégories :

Les logiciels généralistes pour lesquels le chauffage par induction n’est qu’une des nombreuses techniques modélisables ;

Les logiciels spécialisés spécifiquement dédiés au chauffage par induction ;

Les logiciels simplifiés adaptés à des utilisateurs non-spécialistes en électrothermie.

Le domaine des logiciels généralistes est dominé par trois grandes suites logicielle payantes : ANSYS (société ANSYS Corp.) [B-1], FLUX (société CEDRAT SA groupe ALTAIR) [B-2] et JMAG (société JSOL Corp. groupe NTT Data Group) [B-3]. Ces trois logiciels disposent de modules de base de calcul électromagnétique harmonique et de thermique et du dispositif de couplage entre ses deux résolutions permettant la simulation d’un chauffage par induction avec des propriétés physiques dépendant de la température. Les logiciels ANSYS et JMAG sont issus de codes de calcul de mécanique et résolvent des équations aux dérivées partielles à coefficient réels ; la résolution du problème magnétique harmonique s’effectue en pas à pas dans le temps électrique sur quelque périodes du signal électrique. Le logiciel FLUX nativement électromagnétique résout les équations électromagnétiques harmoniques dans leur formulation complexe. Cette approche est plus rapide que l’approche temporelle pour les matériaux linéaires magnétiques. Pour l’exploiter avec les matériaux non linéaires magnétiques, un modèle magnétique équivalent a été mis en place, qui conserve l’énergie magnétique d’un cycle de la courbe d’aimantation. Par ailleurs, les équations de circuit électrique avec des composants passifs permettent la modélisation du circuit électrique simplifié alimentant l’équipement grâce à un couplage fort avec le modèle éléments finis.

Le début de ce vingt-et-unième siècle a vu l’arrivée d’une « boîte à outils numériques » de résolution des équations aux dérivées partielles par la méthode des éléments finis : COMSOL Multiphysics [B-4]. Des modules spécifiques sont développés pour décrire les différentes équations physiques à résoudre comme l’électromagnétisme harmonique et la thermique. Cet outil prisé des universitaires offre la possibilité de développer de nouveaux modèles d’équations à résoudre ou de propriétés physiques de matériaux mais il est d’un abord plus difficile pour des utilisateurs non numériciens.

Le logiciel FORGE (société TRANSVALOR) [B-5] est un logiciel dédié aux besoins des forgerons et industriels du traitement thermique des métaux. Un module spécifique de chauffage par induction a été développé à partir de 2010 dans le but de pouvoir réaliser une simulation complète électromagnétique, thermique et mécanique des structures. Le choix a été fait d’une résolution électromagnétique harmonique en pas à pas dans le temps, l’inducteur étant alimenté soit par une source de tension soit par une source de courant.

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Tous ces logiciels 3D ont la capacité de traiter toutes sortes de géométries ce qui a un intérêt pour le traitement thermique de pièces finies ou, comme cela sera montré dans les chapitres suivants pour affiner le calcul de certains effets tels que l’atténuation du champ magnétique (chapitre B – III.3.e), l’effet d’extrémité de l’inducteur ou l’évaluation de la résistance de l’inducteur (chapitre B – IV.1). Le revers de cette médaille est une plus grande complexité dans la définition de la géométrie à étudier et un savoir-faire important à acquérir dans la réalisation du maillage adapté. EDF et le CETIM ont estimé que l’utilisation de tels outils ne répondait pas au besoin exprimé par la profession. Certes, un certain nombre d’entre eux disposent déjà du logiciel FORGE qu’ils utilisent pour mettre au point les opérations de matriçage. Cependant, la simulation du chauffage par induction dans FORGE présente certains points faibles tels que le besoin de données électriques qui ne sont pas mesurées sur l’installation (le courant dans l’inducteur par exemple) et le temps de calcul très long qui rend difficile un processus d’optimisation de l’installation, même avec l’utilisation de stations de travail multi-cœurs puissantes.

Un logiciel simplifié, émanation de l’Université de Saint Pétersbourg est commercialisé depuis quelques années par la société russe NGS sous le nom d’ELTA [B-6]. Les auteurs de ce logiciel indiquent clairement leur cible de marché sur leur site internet « Made by induction people for induction people ». Ce logiciel résout les équations couplées magnétique harmonique et thermique transitoire en 1D par la méthode des différences finies. La géométrie est celle d’une ligne de chauffage de lopins par induction : quelques paramètres suffisent donc à définir complètement la géométrie. Le processus de maillage est totalement transparent pour l’utilisateur et le calcul 1D est très rapide même sur un PC de moyenne gamme. La version actuellement commercialisée ne prend pas en compte certaines fonctionnalités du générateur de fréquence que nous détaillerons dans le chapitre B – V, ainsi que les processus d’optimisation énergétique qui est la demande première de la profession.

Le logiciel CADIA [B-7] développé par EDF R&D depuis le milieu des années 80 suit la même philosophie que le logiciel russe. Il résout les équations en 1D par la méthode des éléments finis pour l’étude magnétique harmonique et par celle des différences finies pour la thermique. La géométrie est identique et se définit à partir de quelques paramètres accessibles au forgeron. Certaines fonctionnalités du générateur de fréquence ont été mises en place comme la variation de la fréquence avec l’impédance du circuit oscillant et la limitation en puissance. Il a suivi les évolutions des capacités de calcul des ordinateurs : la simulation du chauffage d’un lopin d’acier durait 2 heures en 1986 sur un ordinateur HP 1000 alors qu’elle ne dure plus qu’une dizaine de secondes sur un PC de type « bureautique ». Le point faible de ce logiciel est son Interface Homme-Machine relativement rustique mais qui convenait parfaitement à son utilisation dans l’équipe de recherche d’EDF. Son point fort était que le développement de ce logiciel fut l’une des premières missions qui m’ont été confiées quand je suis entré dans l’équipe chauffage par induction. CADIA était alors le meilleur candidat pour réaliser l’outil numérique attendu par la profession de la forge.

B – II. Présentation générale du chauffage par induction

B – II.1. Principes de base [B-8]

Le chauffage par induction est une application directe des lois de l’électromagnétisme – loi d’Ampère, loi de Lenz et loi de Joule – et de la thermique –loi de Fourier et loi de Stephan-Boltzmann –. Par un dispositif approprié, qu’on appelle le plus souvent « inducteur » (Figure B – II-1), on crée un champ magnétique alternatif, donc variable conformément à la loi d’Ampère. Toute substance conductrice de l’électricité, souvent appelé « charge », si elle se trouve dans ce champ magnétique variable, est le siège de forces électromotrices d’induction, donc de courants induits conformément à la loi de Lenz. À leur tour, ces courants induits, appelés courants de Foucault, dissipent de la chaleur par effet Joule dans la substance même où ils ont pris naissance. Cette chaleur diffuse à l’intérieur de la matière provoquant son échauffement conformément à la loi de Fourier. Une partie de cette chaleur est perdue à la surface de la charge par échange radiatif avec l’extérieur, généralement vers une couche de réfractaire protégeant l’inducteur, conformément à la loi de Stephan-Boltzmann. C’est donc généralement la charge qui a la température la plus élevée.

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Figure B – II-1 : Schéma de principe [B-8]

Les caractéristiques essentielles du chauffage par induction sont :

la création de la chaleur au sein même du matériau à chauffer ;

la faible inertie thermique (souplesse) ;

la densité de puissance élevée (rapidité de chauffe).

La bobine et la charge à chauffer sont assimilables dans leur principe à un transformateur : l’inducteur correspond au primaire du transformateur et la charge, à un secondaire mis en court-circuit. La forme solénoïde se rencontre fréquemment pour la bobine inductrice, en particulier pour chauffer des formes simples et des produits longs. Mais certaines applications utilisent des formes plus complexes adaptées à la géométrie de la charge et au traitement thermique souhaité.

Le dépôt de l’énergie électromagnétique directement dans la charge à chauffer fait du chauffage par induction une technique performante de chauffage des matériaux conducteurs de l’électricité. Les principales sources de pertes d’énergie sont d’origine électrique (effet Joule dans le bobinage inducteur, pilotage du générateur de fréquence) ou thermique (rayonnement de la charge vers l’inducteur refroidi par circulation d’eau). La recherche de la meilleure performance énergétique consiste alors à maximiser la dissipation des courants induits par l’effet Joule dans la pièce à chauffer. La recherche du meilleur rendement s’appuie sur divers paramètres :

disposition géométrique des inducteurs et des pièces à chauffer ;

la fréquence d’alimentation ;

les propriétés magnétiques, électriques et thermiques des pièces à chauffer (et donc la puissance injectée) ;

la technologie de l’inducteur (conducteurs).

Deux grandeurs caractérisent l’efficacité thermique et énergétique de l’induction :

l’« effet de peau » qui caractérise la pénétration des courants induits dans la charge.

la puissance dissipée dans la pièce qui caractérise la pénétration de l’énergie dans la charge. La répartition des courants et l’énergie dans la pièce peuvent être déterminées rigoureusement en utilisant les lois de Maxwell traduisant les lois fondamentales de l’électromagnétisme et les lois de comportement des matériaux :

Maxwell – Lenz : 𝑟𝑜𝑡⃗⃗⃗⃗⃗⃗ 𝐸⃗ = −𝜕𝐵

𝜕𝑡 Maxwell – Thomson : 𝑑𝑖𝑣 𝐵⃗ = 0

Maxwell – Ampère : 𝑟𝑜𝑡⃗⃗⃗⃗⃗⃗ 𝐻⃗⃗ = 𝑗

Conduction Joule : 𝑗 =1

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Avec quelques approximations, une solution analytique peut être trouvée mais le plus souvent, un calcul numérique s’impose.

B – II.2. Les paramètres fondamentaux

B – II.2.a. Notion de profondeur de pénétration ou « effet de peau »

Figure B – II-2 : Répartition de la densité de courant depuis la surface [B-8]

En première approximation, pour un cylindre de rayon infini (cf. Figure B – II-2)la répartition de la densité de courant est donnée par :

𝑗 = 𝑗0 𝑒 𝑥

𝑝 (B – II-1)

L’équation (B – II-1) fait apparaître une grandeur p, appelée profondeur de pénétration ou profondeur de peau à l’intérieur de laquelle se dépose 87 % de la puissance totale induite. Sa valeur se déduit de la théorie « simplifiée » tirée des lois de Maxwell :

𝑝 = √ 𝜌

𝜋 ∙ 𝑓 ∙ 𝜇0∙ 𝜇𝑟 (B – II-2)

Si Ic est l’intensité totale parcourant la pièce, on a :

𝐼𝑐 = ∫ 𝑗0 𝑒 𝑥 𝑝 0 𝑑𝑥 = 𝑗0 𝑝 (B – II-3)

L’expression (B – II-3) conduit à une approche intuitive de la profondeur de peau : tout se passe comme si on remplaçait la répartition réelle de j(x) décroissante par une densité uniforme j0 dans une épaisseur

p.

La profondeur de pénétration p dépend :

de l’alimentation électrique par la fréquence f ;

de la nature du matériau à chauffer par sa résistivité et sa perméabilité magnétique relative µr (corps magnétiques en dessous du point Curie).

Quelques courbes d'évolution de la profondeur de pénétration en fonction de la fréquence pour différents matériaux sont présentées Figure B – II-3 ci-contre.

Accessibilité :Libre Page 54 sur 212  EDF SA 1 Acier 20°C µr=40 2 Acier 20°C µr=100 3 Acier 800°C 4 Cuivre 20°C 5 Cuivre 800°C 6 Aluminium 20°C 7 Aluminium 500°C 8 Graphite 20 et 1 300°C

Figure B – II-3 : Abaque donnant la valeur de la profondeur de pénétration du courant p en fonction de la fréquence pour divers matériaux et différentes températures

B – II.2.b. Comportement des aciers magnétiques au passage du

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