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SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

Dans le document Décision 20-D-16 du 29 octobre 2020 (Page 23-26)

1. RAPPEL DES PRINCIPES

131. La notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la jurisprudence a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction72.

72 Voir, notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. p. I-08237, points 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica/Commission, C-90/09 P,

132. Ainsi, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques73.

133. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale74.

2. APPLICATION AU CAS DESPECE

a) S’agissant du Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte

134. Le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte a accordé des droits exclusifs d’importation et de distribution de ses produits respectivement :

- à la société Financière Martin, sur les territoires de Martin et Saint-Barthélemy, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 1er janvier 2015 ; et

- à la société Distillerie Dillon, sur le territoire de la Martinique, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 28 juin 2016.

135. Le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte ne faisant pas partie d’un groupe, les griefs lui sont imputés à lui-seul.

b) S’agissant de la société Financière Martin

136. La société Financière Martin a bénéficié d’une exclusivité contractuelle d’importation des produits Nicolas Feuillatte, sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 1er janvier 2015.

Rec. p. I-0001, point 36 ; voir, également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., pages 18 et 20.

73 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 19.

74 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 60 et 61, General Quimica/Commission, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 19 et 20

137. Financière Martin estime néanmoins qu’elle ne peut pas avoir la qualité d’auteure des pratiques en cause au motif que, bien qu’elle soit signataire du contrat de 2011, elle n’a réalisé aucune vente sur les territoires concernés.

138. Toutefois, notifier les griefs au signataire du contrat accordant l’exclusivité et non aux sociétés qui commercialisent effectivement les produits en cause est conforme à la pratique décisionnelle de l’Autorité (voir notamment la décision n° 18-D-03 du 20 février 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de pièges à termites à base de biocides à La Réunion, aux Antilles et en Guyane, paragraphes 115 et 116).

139. Par ailleurs, la société Financière Martin est une société holding tête de groupe, et la société mère, notamment, des sociétés SOMAF et Saint-Martin Distribution. Ces dernières consolident leurs résultats au niveau de Financière Martin.

140. Enfin, le contrat du 28 janvier 2011 précise que « les sous-distributeurs » désignés par Financière Martin, « agiront sous la seule direction et responsabilité du Distributeur »75. 141. Financière Martin doit donc être considérée comme l’auteure des pratiques, bien que la

commercialisation des produits en cause ait été réalisée par des filiales en vertu d’une organisation interne au groupe.

c) S’agissant de la société Distillerie Dillon

142. La société Distillerie Dillon a bénéficié d’une exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte, sur le territoire de la Martinique, pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016.

143. La société Distillerie Dillon conteste le fait que le grief ait également été notifié à la société COFEPP SA en qualité de société mère.

144. Or, comme relevé ci-avant, la société Distillerie Dillon est détenue à 99,98 % par la société Bardinet SAS, elle-même détenue à 70,62 % par la COFEPP SA et à 29,38 % par la Société des Vins et Spiritueux La Martiniquaise. Cette dernière est contrôlée à 99,98 % par la COFEPP SA.

145. La COFEPP SA détient donc directement ou indirectement la totalité des parts de la société Distillerie Dillon.

146. Ainsi, en l’absence d’éléments apportés par la mise en cause de nature à renverser la présomption de responsabilité de la société mère pour les faits commis par sa filiale dont elle détient, directement ou indirectement, l’intégralité du capital, le grief a été imputé à :

- la société Distillerie Dillon en qualité d’auteure des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016 ;

- la société Bardinet SAS en qualité de société mère de Distillerie Dillon (détention directe à 99,98 %) des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016 ; et

- à la COFEPP SA en qualité de société mère de Distillerie Dillon (détention indirecte à 100 %) des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016.

75 Article 2.4 cote 3343.

Dans le document Décision 20-D-16 du 29 octobre 2020 (Page 23-26)

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