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Sur l’imputabilité

Dans le document Décision 15-D-08 du 05 mai 2015 (Page 47-50)

1. SUR LE DROIT APPLICABLE

a) Sur l’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés

263. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.

264. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles cohérentes sont fondées sur le fait qu’en l’absence d’autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence

265. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas de figure, l’autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. 2009 p.

I-8237, points 60 et 61, et arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 19).

b) Sur l’imputabilité en cas de transformation de l’entreprise

266. Il ressort d’une jurisprudence constante que, tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit être tenue pour responsable de ces pratiques.

267. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins à répondre de l’infraction commise.

268. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle (arrêts de la Cour de Cassation du 23 juin 2004 BNP Paribas e.a., et de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, p. 5).

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2. APPRÉCIATION EN LESPÈCE

a) Les sociétés mères mises en cause pour les pratiques de leur filiale

En ce qui concerne LDC Volaille

269. Le grief a été notifié à LDC Volaille en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par ses filiales détenues à 100 % : LDC Sablé à compter de 2005, d’une part, et SNV, Procanar et Celvia pour toute la durée des pratiques, d’autre part.

270. LDC Volailles n’a pas contesté le grief, donc sa responsabilité dans la mise en œuvre des pratiques. Néanmoins, les éléments du dossier montrent que Procanar et Celvia n’étaient pas encore des filiales de LDC Volailles à l’époque des faits. Quant à LDC Sablé, elle n’a été reprise par LDC Volaille qu’à partir de 2003.

271. Dans ces conditions, LDC Volaille ne peut être tenue pour responsable des pratiques mises en œuvre par Procanar et Celvia. En revanche, il y a lieu de retenir sa responsabilité pour les pratiques de LDC Sablé à compter de 2005, comme visé dans le grief, et de SNV pendant toute la période de commission des pratiques.

En ce qui concerne Gastronome

272. Le grief a été notifié à Gastronome en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par sa filiale Gastronome Distribution, détenue à 100 %. Gastronome n’a pas contesté le grief et il y a donc lieu de la tenir pour responsable en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale Gastronome Distribution pendant la période de commission des pratiques.

En ce qui concerne Agrial Entreprise

273. Le grief a été notifié à Agrial Entreprise en tant que société mère pour les pratiques commises par sa filiale Secoué, détenue à 100 %. Agrial Entreprise n’a pas contesté le grief et il y a donc lieu de la tenir pour responsable en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de Secoué, devenue Galéo, pendant la période de commission des pratiques.

En ce qui concerne Financière de Penalan

274. Le grief a été notifié à Financière de Penalan en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par sa filiale Beldis, détenue à 100 %. Financière de Penalan n’a pas contesté le grief et il y a donc lieu de la tenir pour responsable en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale Beldis pendant la période de commission des pratiques.

En ce qui concerne Doux

275. Le grief a été notifié à Doux en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par sa filiale Doux Frais, détenue à 100 %. Dans ses écritures, Doux conteste la mise en jeu de sa responsabilité à ce titre en soutenant que la pratique décisionnelle de l'Autorité sur la présomption d'imputabilité entre une filiale et sa société mère est extrêmement contestable au regard d'un certain nombre de principes généraux du droit. Elle violerait notamment le principe d'autonomie de la personne morale ou encore les principes fondamentaux de la personnalité des peines, de la légalité des délits et des peines, de la présomption d'innocence, des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

276. Cependant, dans l’arrêt Lacroix Signalisation du 29 mars 2012 précité, la cour d’appel de Paris a jugé que le régime jurisprudentiel de l’imputabilité aux sociétés mères de pratiques

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mises en œuvre par leurs filiales ne portait pas atteinte à ces principes. En effet, l’imputabilité à la société mère de pratiques mises en œuvre par sa filiale ne consacre pas un cas de responsabilité du fait d’autrui puisque la responsabilité de la société mère du fait du comportement de sa filiale n’est encourue qu’en raison du fait que ces entités juridiques distinctes constituent une même entité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE tel qu’interprété par la jurisprudence constante, entité qui engage sa responsabilité personnelle lorsqu’elle enfreint les règles de la concurrence définies par cette disposition.

277. Par ailleurs, la cour d’appel a rappelé que la présomption posée par l’arrêt Akzo Nobel précité ne porte pas atteinte au principe de la présomption d’innocence puisque ce dernier exige, en particulier, que « la charge de la preuve pèse sur l’accusation et le doute profite à l’accusé » (CESDH, Salabiaku c/France, 7 octobre 1998, A. J 41, § 28), or la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante exercée par la société mère sur sa filiale à 100 % est réfragable et la répression et la dissuasion de comportements contraires aux règles de la concurrence sont importantes pour le respect des objectifs protégés par l’article 101 TFUE.

278. Dans ces conditions, dès lors que Doux SA détenait 100 % du capital de Doux Frais au moment des faits et qu’elle n’avance aucun argument pour renverser la présomption d’imputabilité, elle est tenue pour responsable des pratiques mises en œuvre par sa filiale, Doux Frais.

En ce qui concerne Soficrif

279. Le grief a été notifié à Soficrif en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par sa filiale Sovipor, détenue à 100 %.

280. Dans la mesure où la participation à l’infraction de Sovipor n’est pas établie, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de Soficrif dans la mise en œuvre des pratiques.

En ce qui concerne Moy Park Holding

281. Le grief a été notifié à Moy Park Holding en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par sa filiale Moy Park France, détenue à 100 %. Dans la mesure où la participation à l’infraction de Moy Park France n’est pas établie, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de sa société mère, Moy Park Holding, dans la mise en œuvre des pratiques.

b) Les transformations d’entreprises

En ce qui concerne Triskalia Développement

282. Le grief a été notifié à Triskalia Développement en tant que repreneuse de la société BCP Volailles. Dans la mesure où la participation à l’infraction de BCP Volailles n’est pas établie, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de Triskalia Développement dans la mise en œuvre des pratiques.

En ce qui concerne Socalys et Unicopa au titre des pratiques mises en œuvre par Socavi

283. Socalys a été mise en cause en tant que repreneuse de la société Socavi, puis Unicopa a été mise en cause, par notification des griefs complémentaire en date du 29 janvier 2014, en ce qu’elle détenait indirectement 100 % de la société Socavi au moment des faits.

284. Mais la mise en cause de Socalys relève d’une erreur matérielle dans la mesure où, d’une part, les pratiques reprochées ont été commises par Socavi et non par Socalys, et d’autre part, la personne morale Socavi existait à l’époque de la notification des griefs. Or en application de

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la jurisprudence tant nationale qu’européenne rappelée ci-dessus, aussi longtemps que la personne morale existe, la responsabilité du comportement infractionnel de l’entreprise suit cette personne morale même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l’infraction ont été cédés après l’infraction à des tierces personnes.

285. En conséquence, Socalys doit être mise hors de cause.

286. Quant à Unicopa, elle n’a pas contesté sa responsabilité dans la mise en œuvre des pratiques de sa filiale. Il y a donc lieu de la tenir pour responsable des pratiques mises en œuvre par Socavi.

En ce qui concerne SNV au titre des pratiques de Volabraye

287. Le grief a également été notifié à SNV en sa qualité de repreneuse de la société Volabraye qu’elle a absorbée le 14 novembre 2011. SNV n’a pas contesté le grief et il y a lieu de la tenir pour responsable des pratiques mises en œuvre par Volabraye avant son absorption.

En ce qui concerne Gastronome au titre des pratiques de Volailles de France

288. Le grief a été notifié à Gastronome SA en tant que repreneuse de la société Volailles de France. Dans la mesure où la participation à l’infraction de Volailles de France n’est pas établie, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de Gastronome SA au titre de Volaille de France dans la mise en œuvre des pratiques.

Dans le document Décision 15-D-08 du 05 mai 2015 (Page 47-50)