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L’importance des liens sociaux dans le processus d’intégration

CHAPITRE 4 Le monde haïtien à Québec, de l’expérience de l’immigration à

4.5 L’importance des liens sociaux dans le processus d’intégration

Dans les témoignages, se trouve une réflexion constante sur la position, le statut, la condition d’immigrant, aussi bien que sur la condition de citoyen. Les participants admettent que bien que l’État les reconnaisse en tant que citoyens égaux, l’ensemble de la population locale ne réagit pas de la même façon. Ils sont extrêmement critiques en ce qui à trait à ce qu’ils représentent pour certaines personnes : des inconnus, des étrangers et des intrus qui sont venus pour prendre leur place :« Il y a eu une fille qui m’a sautée dessus, elle m’a dit qu’elle est Québécoise et elle aurait dû avoir cette job-là » (CT-H-2). Toutefois, ils savent qu’ils sont appréciés par beaucoup de personnes, qui reconnaissent leurs capacités et leur place dans la société. Ils cherchent les milieux où ils se sentent en sécurité en évitant des endroits où ils pourraient être la cible de comportements hostiles. Plusieurs interviewés sont conscients qu’il y a une appartenance citoyenne et une appartenance sociologique. Un membre de l’association l’a expliqué de la façon suivante :

Il y a l’appartenance citoyenne et sociologique. Je ne serai jamais un québécois sociologiquement parlant parce que j’ai socialisé là-bas où je suis né. Il faut faire la distinction entre la citoyenneté politique (plan juridicopolitique) et sociologique. Les jeunes le savent, leur réponse est dans leur tête même si poliment ils ne l’expriment pas, et ils ont raison, c’est qu’eux, c’est de père en fils, depuis des générations qu’ils sont ici, donc leurs racines, c’est ici, et toi, tes racines ne sont pas d'ici, ils sont polis, ils ne vont pas te dire ça (CT-H-4).

Le fait de reconnaitre la différence entre les deux types d’appartenance, les aide au moment de se situer en tant que citoyen d’origine étrangère, cela afin d’éviter les situations indésirables. La démarche de construction d’un réseau social prend du temps, elle est risquée, mais elle est vitale pour le soutien des nouveaux arrivants. Ce réseau les

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a aidés à comprendre les codes sociaux des milieux de socialisation, des logiques inconnues pour certains d'entre eux. Tant les locaux que les membres de la communauté immigrante peuvent aider les nouveaux arrivants dans ce travail « d’interprétation ». Souvent, les immigrants déjà installés sont très bien placés pour transmettre les codes dans un langage qui est plus proche de ce qui est connu par quelqu’un de la même nationalité.

Dans la plupart des cas il y a de la famille ou des amis déjà en place, d’où l’importance des réseaux. Grâce à des connaissances, des contacts, les gens arrivent à s’intégrer. Les expériences préalables de personnes de la même nationalité sont très importantes. Pour certains, le cercle social s’est élargi aussi vers des individus originaires d’autres pays, notamment des Africains. Un des interviewés qui voulait trouver un espace d’acceptation s’est tourné vers les milieux multiculturels. Un autre espace important, déjà mentionné, est celui de l’église. Une interviewée affirme être sûre que l’église est une institution qui peut aider l’intégration. L’AHQ a enfin était signalée par les participants de cette recherche comme un espace favorable pour la construction du réseau social et des opportunités d’engagement citoyen. Faire partie de l’association aide à s’intégrer à un Québec pluriel.

C’est un réseau social, là avec tout ce qui se passe en Haïti il y a eu la messe, on a pu ramasser pas mal de sous parce que ça a ébranlé la société québécoise, qui a vécu le deuil avec nous. Ça, il faut que je salue la façon ... comment les Québécois ont vécu le deuil avec nous. Dans la communauté on a beaucoup d’amis québécois, on a toujours des Québécois dans notre association, ils sont mariés. On a pu faire des choses, parce que l’association est là, comme le maire Labeaume qui a envoyé une délégation, des gens de la ville pour la messe. L’association est un point de rencontre, il y a un Conseil d’administration, le président. S’il n’y avait pas d’association, il y a des Haïtiens dans la ville, on n’a personne comme référence, je pense que dans ce sens-là l’association est importante. C’est une petite maison qu’on a où on se regroupe (CT-F-1).

L’association permet aux membres de s’impliquer à travers le bénévolat en participant à ses activités. Le sentiment d’appartenance et de confiance s’affirme à travers l’engagement. Nous avons remarqué tout au long des entrevues que plusieurs membres collaboraient avec d’autres organismes liés à l’engagement social et culturel envers les immigrants ou autrement. Le bénévolat au Musée de la civilisation et dans différentes institutions offre une opportunité de construire ou renforcer les liens sociaux : « je suis membre du musée de la civilisation, des arts, on paye une cotisation par année et on a

79 une carte de membre. Ils nous invitent aux activités, si on veut participer comme bénévole on peut le faire, mais on n’est pas obligés » (CT-F-1)

Le bénévolat permet de voir que c’est possible de cohabiter avec l’autre, de se faire accepter, d’être soi-même loin de son pays natal, de continuer à grandir, de continuer à construire : amitié, relations, contacts, se sentir soi-même intégrée, ne pas se sentir seul, entouré ou accepté. Ça permet de perdre la peur, la famille aide, mais plus ces expériences. Le doute diminue, je me sens bien dans ma peau (CT-F-8)

L’importance de cette implication sociale nous rapproche de ce que Gagné et Neveu (2009) appellent la citoyenneté de proximité. Dans ce cas, la démarche de construction d’un espace citoyen se centre sur les « sujets localisés » qui s’engagent dans leurs milieux et mobilisent leurs ressources vers la construction d’un réseau, d’un espace dans la vie sociale et politique de la cité. Ce processus relié aux sujets localisés ne fait que réaffirmer le caractère flexible et mobile de la citoyenneté. Selon Schnapper (2002) et Werbner (2005) la construction de la citoyenneté se fait en continu, sa dislocation et sa reconstruction sont constantes.

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