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L’implication des usagers : un enjeu à saisir

III. Un changement de paradigme pour les registres ?

2) L’implication des usagers : un enjeu à saisir

L’implication des usagers en santé publique est une priorité désormais affichée. Des dispositions réglementaires récentes et les nouvelles thématiques de recherche, laissent à penser qu’une place de plus en plus importante doit être accordée aux usagers du système de soins. Il s’agit là d’un enjeu, dont les registres, outils de proximité, pourraient se saisir.

Des dispositions réglementaires en faveur d’une plus grande implication des usagers

Le concept de démocratie sanitaire est évoqué pour la première fois dans la loi du 4 mars 2002 et a été renforcé dans la dernière loi de modernisation de notre système de santé (70). Elle consiste, notamment, à impliquer les usagers du système de santé aux décisions relatives à la mise en œuvre des politiques de santé ainsi qu’aux décisions de santé qui le concernent. La mise en place récente du RGPD, vient renforcer, les droits des personnes concernant les données de santé (ou autre), les concernant. Celui-ci vient affirmer, entre autres, le droit des personnes, à être informées précisément des données à caractère personnel recueillies et stockées, et leur accorde un droit de rectification et d’effacement. La sécurité des données, et la gestion des risques liées au stockage de ces données devient également un enjeu prépondérant pour les responsables de traitement.

L’ensemble de ces dispositions réglementaires a pour objectif, à l’heure où l’accès aux bases de données est facilité, de protéger les personnes, mais aussi de laisser une plus grande place aux patients dans le système de santé.

37 L’implication des usagers dans la recherche

Cette volonté d’impliquer les usagers, trouve un écho dans le domaine de la recherche en santé publique. Ainsi, certains auteurs, réclament l’émergence de ce qu’ils appellent le « real evidence based medicine », un courant de pensée s’opposant à l’evidence based medicine

consistant à prendre une décision médicale, non plus en fonction des seules preuves fournies dans la littérature, qui sont par ailleurs présentes en trop grand nombre pour être assimilées, mais en priorisant, l’éthique accordée au patient, et en impliquant les patients dans les décisions médicales qui les concernent (71).

Mais, en dehors de la recherche curative, de nombreux domaines, sollicitent désormais les usagers afin qu’ils prennent part de façon importante aux activités de recherche. Il s’agit avant tout d’un enjeu éthique mais aussi d’une nécessité car la participation active des personnes est de plus en plus souvent requise, tant la précision des données les concernant est importante. C’est le cas de la recherche environnementale, largement développée dans le cadre de nombreux registres de morbidité.

De fait, l’épidémiologie environnementale développée en parallèle de l’épigénétique, constitue un support idéal pour une interaction renforcée usagers-registres. L’épigénétique est l’étude des modifications de l’activité des gènes, induites par l’environnement, réversibles, mais pouvant être transmises lors des divisions cellulaires (72). Elle est un des mécanismes reconnus de la DOHaD, Developmental Origin of Health and Diseases, ou hypothèse de Barker (73). Cette théorie consiste à relier les expositions environnementales, dès les premiers stades du développement embryonnaire au développement de pathologies au cours de la vie. Elle repose donc sur une étude précise du génome et a permis de mieux comprendre l’étiologie environnementale de nombreuses pathologies, on parle d’interactions gène-environnement. Il convient donc désormais de recueillir avec précision l’ensemble des expositions environnementales ou exposome, afin de savoir de quelle façon elles induisent des modifications du génome (méthylations, le plus souvent). Ces interactions, permettent de mettre en évidence des facteurs de risque environnementaux modifiables, pour lesquels une prévention est possible.

L’épidémiologie analytique environnementale repose donc, sur une analyse extrêmement précise de l’exposome, souvent couplée à des analyses génétiques, et moléculaires, qui constitue un champ de recherche à part entière. En effet, elle repose sur une interrogation précise du patient et des mesures biologiques de certains toxiques ou agents infectieux. Les modalités de ces mesures posent un certain nombre de questions d’ordre méthodologique : temporalité de la mesure par rapport à un événement de santé, utilisation de proxy … et constituent un pan de recherche à part entière (74,75).

38 La place du patient devient donc prépondérante, puisqu’on le sollicite pour des recueils génétiques invasifs, en vue de la constitution de biobanques et pour la mesure de l’exposome, nécessitant un interrogatoire précis et des mesures biologiques, elles aussi invasives. Cette implication du patient, est d’autant plus complexe à mettre en œuvre, qu’elle s’opère, le plus souvent à des fins de prévention et non plus de soin, comme cela est le cas dans le cadre de la recherche clinique. L’épidémiologie environnementale, est une thématique poursuivie par de nombreux registres. Pour l’instant, la plupart se contentent de recueillir des informations relatives aux expositions déjà présentes dans les dossiers médicaux ou à l’occasion d’études ad hoc, mais une implication plus grande des patients, permettrait, par un recueil systématique de données d’exposome, adossés à des biobanques de bénéficier de données extrêmement complètes à même de répondre à de nombreuses questions de recherche environnementales.

Les registres, de par leur proximité, pourraient être de bons supports d’expérimentations pour le développement de projets en lien avec les usagers. Impliquer les associations de patients dans la gouvernance des registres, pourraient également être intéressant. En effet, cela permettrait d’informer au mieux les patients des retombées des études auxquelles ils participent, de respecter leurs doléances et d’assurer un échange riche entre usagers, chercheurs, et soignants.

Un nouveau paradigme pour les registres, les constituant comme des centres experts à l’interface des différents acteurs du système de santé est à proposer.

3) Les registres : des plateformes à l’interface ?

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