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B. La glycoprotéine d’enveloppe gp41

3- L'immunité anti-VIH

3.1 L’immunité innée

L’immunité innée est le premier moyen de défense de l’organisme contre l’infection. Cette réponse est immédiate et non spécifique. Cependant, son rôle est primordial car elle permet de limiter l’infection primaire au sein des muqueuses pour donner lieu à une réponse adéquate plus spécifique en orchestrant l’immunité acquise ou adaptative. En effet, les acteurs de cette réponse sont cellulaires par les phagocytes (macrophages, cellules de Langerhans ou les neutrophiles) et les Natural Killer (NK et NKT). L’action de ces cellules se traduit par la production de molécules qui modulent la réplication du VIH comme les cytokines, les interférons de type I et II et les chémokines ou la destruction des virions et des cellules infectées.

Lors d’une infection par le VIH, l’homéostasie du système immunitaire est altérée puisque l’infection des macrophages réduit leur fonction phagocytaire. La diminution de cette fonction vis-à-vis des agents pathogènes favorise l’émergence de maladies opportunistes notamment la pneumocystose dans les formes évoluées [157-159]. Cette altération va induire une augmentation des médiateurs pro-inflammatoires et l’activation des lymphocytes T CD4+ [160-161]. Durant l’infection par le VIH, d’autres populations cellulaires vont être atteintes comme les cellules dendritiques. En effet les cellules dendritiques plasmacytoides sont responsables de la production de l’interféron antiviral de type I et induisent une réponse de type Th1. Les cellules dendritiques myéloïdes secrètent l’IL2 qui joue un rôle clé dans la réponse Th1 et cytotoxique. Chez les patients VIH+, le nombre de cellules dendritiques va diminuer dès le début de l’infection et la sécrétion de l’IL2 [162-163] et l’un des objectifs des thérapies mises en place lors d’une infection par le VIH est la restauration de l’immunité antivirale. Le dérèglement des cellules dendritiques va aussi avoir une incidence sur les cellules NK et NKT. En effet, les NK interagissent avec les cellules dendritiques infectées et peuvent les détruire par induction de l'apoptose. Or, chez les patients qui présentent une charge virale élevée, la capacité des NK à tuer les cellules dendritiques infectées par le VIH est faible. Cette diminution de la cytotoxicité des NK est liée au Tat du VIH qui va inhiber leur action [164].

D’autres facteurs sont associés à l’immunité antivirale non spécifique comme les protéines TRIM 5α et APOBEC 3G (Apolipoprotein B Mrna-Editing Enzyme-Catalytic Polypeptide-Like-3G) [165-166]. La protéine TRIM 5α, est une protéine du cytosquelette qui confère une résistance à l’infection par le VIH dans des espèces de singes comme Macaca mulatta et Cercopithecus aethiops. TRIM 5α agit en fixant les protéines de capside du VIH et induit leur ubiquitination afin qu’elles soient détruites. Trim 5α est produite chez l’homme mais semble ne pas inhiber la multiplication des virus au sein des cellules infectées [167]. L’APOBEC 3G modifie l’ADN complémentaire viral en désaminant ses cytidines ce qui va entrainer sa dégradation ou sa mutation, désactivant les gènes viraux. Le Vif viral interagit avec l’APOBEC 3G en se fixant et en induisant son ubiquitination et donc sa dégradation. Vif agit aussi en se liant au site nécessaire à l’activité désaminase. Plusieurs études ont démontré que les souches virales déficientes en Vif sont affectées par l’APOBEC 3G, alors que celles qui l’expriment sont résistantes [168].

3.2 . L’immunité innée des muqueuses

Le système immunitaire des muqueuses représente la première barrière contre l’intrusion des agents pathogènes. Ce système protège la surface des muqueuses d’abord par des mécanismes physico-chimiques comme le pH des sucs gastriques ou de la muqueuse vaginale [169] ou les enzymes des sécrétions comme les larmes ou le glycocalix, constitués de mucus, d’enzymes (telles que le lysozyme, la lactoferrine, et la lactoperoxydase) ainsi que de défensines. Ces facteurs vont permettre de capturer les agents pathogènes (ex du mucus) et d’inhiber significativement leur développement à la surface des muqueuses.

muqueuses (MALT) entraînant ainsi la mise en route de réponses immunitaires spécifiques, aboutissant à la neutralisation des agents infectieux et à la tolérance des micro-organismes non pathogènes. Le MALT a trois fonctions majeures: (1) la protection des muqueuses contre le développement et la colonisation par des micro-organismes pathogènes (2) la prévention de l'internalisation des bactéries commensales ou des antigènes sous forme de protéines non dégradées dérivées de la nourriture et de l'environnement, et (3) l’induction de la tolérance vis-à-vis de substances inoffensives comme les bactéries commensales de la flore intestinale ou vaginale. Ces fonctions sont plus ou moins importantes selon la localisation anatomique du MALT. En effet, le MALT présente des caractéristiques différentes selon les tissus où il se trouve : les bronches (BALT : Bronchus-Associated

Lymphoid Tissue), l’intestin (GALT : Gut-Associated Lymphoid Tissue) et la

muqueuse nasale (NALT: Nasal-Associated Lymphoid Tissue). Le MALT est le principal site inducteur des réponses immunitaires dans l’organisme. La lamina propria joue un rôle important d’expansion et de différenciation des cellules B. Le MALT est le plus grand tissu lymphoïde de l’organisme et héberge environ 80% des cellules immunitaires chez l’Homme [170-171]. Le GALT est le composant majeur du MALT puisqu’il contient plus de 40 % des lymphocytes de l’organisme, ce qui en fait une des cibles majeures du VIH-1.

Le système immunitaire muqueux peut être divisé en deux catégories de sites, les sites inducteurs et les sites effecteurs. Les antigènes sont fixés à la surface des muqueuses. Les cellules dendritiques présentatrices d’antigènes, vont prendre en charge les immunogènes ainsi que les cellules M pour activer les lymphocytes T et B naïfs présents. Selon le site muqueux, les épithéliums ont une organisation cellulaire différente et une stratégie de capture de l’antigène particulière. Au niveau des muqueuses orale et urétrale, l’épithélium est pluristratifié alors que la muqueuse intestinale est une monocouche. L’épithélium à la surface des voies respiratoires et au niveau vaginal varie entre une organisation pseudo-stratifiée et monocellulaire. Ces épithéliums ne sont pas des obstacles infranchissables, mais sont plutôt des assemblages de cellules qui contrôlent les échanges entre la lumière et la lamina propria. Dans l'épithélium stratifié et pseudo-stratifié, l’antigène est pris en charge par les cellules dendritiques qui jouent le rôle de sentinelles mobiles au sein de l’épithélium, elles vont fixer des antigènes dans le lumen puis migrent vers les tissus lymphoïdes locaux ou éloignés. Au niveau des épithéliums intestinaux et des voies respiratoires dont les espaces intercellulaires possèdent des jonctions serrées, des cellules épithéliales spécialisées comme les cellules M fixent les pathogènes et les transfèrent par différents types de transport transépithélial (transcytose, endocytose) de la lumière vers les tissus lymphoïdes organisés [172]. Les cellules épithéliales n’expriment pas de CD4 mais plutôt le CXCR4 ou le CCR5 ainsi que des molécules capables de capturer le VIH-1 comme les galactosylcéramides [69] et les héparane- sulfates. La capture et l’internalisation des particules virales ou des cellules infectées va permettre au système immunitaire adaptatif de se mettre en place et l’entrée en action des lymphocytes T (LT) pour obtenir une réponse cellulaire ou les lymphocytes B (LB) et les plasmocytes pour obtenir une réponse humorale. Les populations lymphocytaires pouvant être classées en 2 groupes, un présent dans l’épithélium (lymphocytes intraépithéliaux, essentiellement LT CD8+ et LTγδ) et un

au sein de la lamina propria (LT CD4+ helper, LT CD8+, NK et LB). Les défenses contre l’infection par le VIH-1 au niveau des muqueuses sont de types cellulaire et humorale [173]. L’immunité innée n’est pas toujours suffisante pour supprimer totalement un agent infectieux, mais elle est indispensable pour une première défense en attendant que l’immunité adaptative se mette en place (de 4 à 5 jours).

3.3 . L’immunité adaptative ou acquise des muqueuses

La réponse immunitaire adaptative est induite dès les premiers jours de l’infection et la mise en place de l’immunité innée. Elle agit en synergie avec la réponse immune innée pour répondre de manière adéquate et en réaction aux informations issues de cette dernière. Dans cette l’immunité acquise, les lymphocytes T CD4+ vont être les acteurs majeurs de l’orientation des réponses. Leur destruction lors de l’infection par le VIH donne lieu à une dérégulation complète de tout le système immunitaire. L’immunité acquise va se traduire par l’activation, au niveau des sites effecteurs du MALT, des lymphocytes T CD4+ de type Th1 ou Th2 suite à la reconnaissance des antigènes qui sont présentés par les CPA. Cette réponse est de type cellulaire via les cellules T CD8+ et la voie des Th1 ou humoral via la production d’anticorps produits par les lymphocytes B activés par les lymphocytes T CD4+ de type Th2. Les anticorps vont agir selon 3 façons suite à leur liaison au virus, 1) ils induisent sa lyse par le complément, 2) ils amorcent sa capture et sa dégradation par les phagocytes et 3) ils inactivent le virus en bloquant son attachement sur les cellules cibles. Au niveau des muqueuses, les IgA représentent la majorité des anticorps sécrétés tandis qu’au niveau systémique, les IgG représentent l’isotype principal [173]. Les plasmocytes sécrétant les IgA se trouvent principalement dans la lamina propria. A ce niveau, les IgA peuvent être transportées à travers l'épithélium vers la surface extérieure et sont sécrétées sous forme dimérique, une fois associées à la chaîne J. Cette forme de polymère d'IgA peut être fixée à la surface basolatérale grâce au récepteur poly-Ig (pIgR) et sécrétée par endocytose vers la lumière, où elle peut se lier à l'antigène pour former des complexes immuns. Une fois libérée, l’IgA sécrétoire reste liée à une partie du pIgR par sa région Fc lui conférant une protection vis à vis des dégradations par des protéases présentes au niveau des muqueuses [174]. Les récepteurs Fc néonataux (FcRn) jouent aussi un rôle dans l'immunité des muqueuses lors de la transmission passive d'IgG de la mère au fœtus via le placenta. Chez les adultes, des antigènes fusionnés avec un fragment Fc d'IgG peuvent être délivrés au niveau des muqueuses [174]. Au niveau systémique, ce sont les anticorps de type IgG qui sont majoritairement produits. Tout au long de l’infection, ces anticorps vont reconnaître plusieurs épitopes issus des protéines Gag, Nef, Rev et Env du VIH. Cependant le virus va continuer à muter et va développer des stratégies d’échappement suite à la pression immunitaire, laissant apparaître des souches résistantes, notamment grâce à la glycosylation de l’enveloppe.

En parallèle de la réponse humorale, une réponse cellulaire va se mettre en place grâce aux cellules T CD8+ qui vont détruire les cellules infectées. Les lymphocytes T CD8+ forment une population hétérogène de cellules naïves, de cellules dites mémoire et de cellules effectrices (CTL). Les CTL sont des T CD8+ activées par les T

interaction directe entre la molécule Fas (CD95) et le Fas ligand, et par la dégranulation des CTL libérant la perforine et les granzymes au contact de la cible. Les LT CD8+ vont sécréter de l’interféron gamma (INFγ), une cytokine inhibant localement la réplication virale et des facteurs solubles réduisant la capacité des virus à pénétrer dans les cellules (chimiokines Rantes, MIP-1α et MIP-1) [175].