Chapitre 1: Etat de l’art - Les bactéries, les contaminations bactériennes et les surfaces
II. Les stratégies de lutte contre les contaminations bactériennes
II.1. Les surfaces biocides
II.1.1. L’immobilisation des antibiotiques sur support
Le terme « antibiotique » est utilisé pour parler des médicaments permettant le traitement
des infections bactériennes. Un antibiotique est une substance chimique, produite par des
microorganismes ou obtenue par synthèse chimique, qui inhibe ou bloque la croissance des
bactéries. Dans le premier cas, on parle d'antibiotique bactéricide et dans le second cas
d'antibiotique bactériostatique. Un même antibiotique peut être bactériostatique à faible dose et
bactéricide à dose plus élevée. L’imprégnation du matériau par des antibiotiques a été la
principale stratégie de lutte contre les phénomènes d’infection. Wanget coll. [36] par exemple,
ont incorporé dans des particules mésoporeuses de silicium, du Triclosan
[34] H. Tang, A. Wang, X. Liang, et al. Effect of surface proteins on Staphylococcus Epidermidis adhesion and colonization on silicone. Colloids Surf. B : Biointerfaces. 51, 2006, 16-24.
[35] Thèse Emilie Bulard, L'adhésion bactérienne sondée à l'échelle moléculaire, Université e paris sud soutenue le 19/10/2012.
[36] M. Wang, J. L. Coffer, K. Dorraj, et al. Sustained Antibacterial Activity from Triclosan-Loaded Nanostructured Mesoporous Silicon. Mol. Pharm. 7, 2010, 2232-2239.
dichlorophenoxy) phénol), agent antimicrobien avec un large spectre d’activité, utilisé dans
divers produits de consommation (Figure 6).
Figure 6: Structure du triclosan
Les résultats des tests antibactériens ont montré que ces particules de silicium constituent un
support efficace pour la libération prolongée d’agents antimicrobiens. Les particules
mésoporeuses élaborées ont une activité inhibitrice maintenue durant 15 jours contre S. aureus.
Par ailleurs, Davidson et coll. [37] ont fixé par liaison covalente sur une surface de titane, la
tétracycline, un antibiotique à large spectre d’activité contre des pathogènes à Gram négatif et
certains à Gram positif, afin d’empêcher la prolifération bactérienne et la formation de biofilms
sur les implants (Figure 7).
Figure 7: Schéma de couplage de la tétracycline à une surface de titane [37]
[37] H.Davidson, M. Poon, R. Saunders, et al. Tetracycline tethered to titanium inhibits colonization by Gram-negative bacteria. J. Biomed. Mater. Res. B Appl. Biomater. 103, 2015, 1381-9.
Le matériau élaboré présentait une activité inhibitrice contre E. coli, en empêchant la colonisation
de sa surface par les cellules bactériennes.
Cependant, l’efficacité des antibiotiques peut évoluer avec le temps, en fonction de l’apparition
de phénomènes de résistance dû à l’utilisation massive et répétée des antibiotiques. Certaines
souches bactériennes sont multirésistantes, d’autres sont même résistantes à tous les antibiotiques
disponibles, on parle de bactéries toto-résistantes. Ces résistances peuvent s’exprimer au travers
de plusieurs mécanismes [38].
• Inactivation enzymatique de l’antibiotique: De nombreuses souches bactériennes peuvent
fabriquer un enzyme qui modifie ou clive la molécule d'antibiotique, empêchant la
fixation de l’antimicrobien sur sa cible et provoquant une perte d’activité. C’est le
principal mécanisme de résistance de certaines bactéries aux bêta-lactames, aux
aminoglycosides et aux phénicolés.
● La mutation de la cible de l’antibiotique: chaque antibiotique agit en se fixant sur une
cible bactérienne précise. La présence d'une modification de la cible consécutive à une
mutation modifie le site de fixation et empêche ainsi la liaison de l'antibiotique. C’est un
mécanisme décrit pour les résistances aux pénicillines et aux glycopeptides des bactéries
Gram positif.
● La réduction de la perméabilité membranaire: La bactérie ferme les pores par lesquels
l'antibiotique pénètre dans la cellule. Cela est dû à des mutations au niveau des gènes
codants les porines et qui conduisent à leur perte, ou à la réduction de leur taille ou encore
à une diminution de leur expression. C’est le mécanisme décrit pour la résistance aux
quinolones, aux bêta-lactames, aux tétracyclines et au chloramphénicol de E. coli.
● L'efflux des antibiotiques: Les bactéries sont capables d'éliminer les antibiotiques par
efflux hors de la cellule. La résistance provient de la réduction de concentration en
antimicrobien dans le cytoplasme de la bactérie, ce qui prévient et limite l’accès de
l’antibiotique à sa cible. C'est l'un des principaux mécanismes de résistance de S. aureus,
● Piégeage de l’antibiotique: Les bactéries peuvent piéger un antibiotique en augmentant
la production de sa cible ou en produisant une autre molécule possédant une affinité pour
ce dernier. Il en résulte une diminution de l’antibiotique à l’état libre au niveau de la cible.
Ce mécanisme est impliqué dans la résistance aux glycopeptides decertaines souches de
S. aureus, et à la résistance à la tobramycine de E. coli.
[38] A. Muylaert and J. G. Mainil. Résistances bactériennes aux antibiotiques les mécanismes et leur «contagiosité». Ann. Méd. Vét. 156, 2012, 109- 123.