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2.8.1 Introduction

La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) est le fruit du couplage énergétique entre un

moment magnétique nucléaire et un champ magnétique B

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. Cette technique est relativement

récente car le phénomène RMN a été mis en évidence pour la première fois en 1946 par Bloch

et Purcell indépendamment. Cependant, elle occupe une place de choix parmi les méthodes

spectroscopiques. La RMN permet, à l’aide d’impulsions de champs radiofréquence,

d’analyser un très grand nombre d’expériences qui se révèlent applicables dans de nombreux

domaines : la chimie, la biologie, la médecine, les sciences des matériaux, alors qu’à ses

débuts elle se limitait à mesurer essentiellement des moments magnétiques nucléaires.

L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), apparue en 1973, est devenue un outil

performant et non agressif de diagnostic médical, venant largement compléter la tomographie

à rayons X, les ultrasons, la magnétoencéphalographie et la tomographie par émission de

positons (TEP). Théoriquement la RMN n’a pas de domaine de fréquence propre puisque

celle-ci peut varier avec l’intensité du champ magnétique appliqué. Cependant, les champs

magnétiques actuellement accessibles permettent de situer la RMN dans le domaine des

radiofréquences (fréquences inférieures à celles des micro-ondes). La figure 8 représente le

spectre du domaine allant des radiofréquences aux rayons gamma. Il permet de situer les

diverses spectroscopies à partir de leur plage d’utilisation en fréquences. Les énergies et les

longueurs d’onde associées à ces spectroscopies peuvent être déduites des relations suivantes :

ν

×

=h

E

Eq. 1

ν

λ = c

Eq. 2

Avec : E, l’énergie de l’onde électromagnétique (en Joules),

h, la constante de Planck (≈ 6,626 068 96×10

-34

J.s),

ν, la fréquence de l’onde électromagnétique (en Hertz),

λ, la longueur d’onde (en mètre),

Figure 8. Spectre des ondes électromagnétiques s’échelonnant des ondes radio aux rayons gamma. La plage de

fréquences utilisée en imagerie par résonance magnétique se situe au niveau des ondes ‘radio’.

Adapté de : Ecole Polytechnique Universitaire de Lille, http://www.eudil.fr/eudil/tec35/hyper/hyperc1.htm (consultée le 18/09/08).

L’énergie utilisée en RMN dans le domaine des radiofréquences est environ 10

9

fois

inférieure à l’énergie des photons utilisés en radiologie X conventionnelle. Par conséquent, la

RMN est considérée comme une technique non agressive, n’affectant pas les tissus

biologiques. L’IRM représente donc une alternative aux techniques radiographiques et

tomodensitométriques lorsque les tissus à explorer sont sensibles aux rayonnements ionisants.

L’IRM se révèle capable de mesurer un nombre important de paramètres physiques,

permettant ainsi d’obtenir des images avec des contrastes variés. Son ‘pouvoir contrastant’ et

sa définition autorisent une caractérisation tissulaire remarquable.

2.8.2 La technique d’IRM dans l’étude du cartilage

L’IRM possède le potentiel de fournir des images à haute résolution spatiale des tissus mous,

permettant la visualisation anatomique et la détermination des pathologies. L’IRM est la seule

technique capable de visualiser directement et simultanément l’ensemble des constituants de

l’articulation. Cette faculté permet à l’investigateur d’étudier la totalité des organes d’intérêt

[Peterfy et coll., 1994a]. L’IRM est une technique adaptée pour un diagnostic fiable d’une large

variété de pathologies rhumatologiques des articulations périphériques [Ehman et coll., 1988;

Deutsch et coll., 1989]. L’IRM est cependant la plus coûteuse des modalités utilisées dans

l’imagerie du genou [Ruwe et coll., 1992]. Cependant, elle présente plusieurs avantages tels que

ses capacités d’acquisition multi-planaire, l’excellent contraste entre les différents tissus ainsi

que son caractère non invasif et non irradiant. Les travaux de Buckland-Wright et coll.

[Buckland-Wright, 1997], confirmés par Chan [Chan et coll., 1991], ont montré que l’IRM est plus

sensible que la radiographie et l’arthroscopie pour la détection d’anomalies de type

arthrosique, et qu’elle est absolument unique pour l’évaluation des modifications des tissus

mous.

De plus, les performances de l’IRM dans l’investigation du cartilage articulaire sont en

constante évolution : implémentation de nouvelles séquences pour la visualisation du cartilage

[Recht et coll., 1993; Tervonen et coll., 1993], développement de nouveaux capteurs radiofréquence,

mais aussi utilisation de produits de contraste intra-articulaire [Engel, 1990; Blum et coll., 2003] et

intra-veineux [Drape et coll., 1993; Winalski et coll., 1993]. Ces développements ont stimulé les

études in vitro sur le cartilage hyalin, sur des pièces anatomiques ainsi que dans le domaine de

la recherche clinique utilisant l’IRM [Gylys-Morin et coll., 1987; Hodler et coll., 1992; Jonsson et coll.,

1992; Monson et coll., 1992]. Les modèles in vitro ont des avantages certains, incluant la

reproductibilité de positionnement et la possibilité de comparaison directe des résultats IRM

obtenus avec des examens histologiques. Plusieurs auteurs ont étudié les corrélations

IRM/histologie ou IRM/arthroscopie [Handelberg et coll., 1990; Broderick et coll., 1994; Peterfy et coll.,

1994a; Disler et coll., 1996]. D’autres études ont comparé les capacités diagnostiques de l’IRM à

celles d’autres modalités comme la radiographie planaire [McAlindon et coll., 1991; Blackburn et

coll., 1994; Munasinghe et coll., 1996], le scanner [Chan et coll., 1991] et les critères

physiopathologiques [Adams et coll., 1991; McAlindon et coll., 1991; Loeuille et coll., 1997], pour

détecter des anomalies cartilagineuses focales. Ces travaux ont mis en évidence le potentiel de

l’IRM pour étudier et analyser la maladie arthrosique. Quelques auteurs ont analysé in vivo les

changements des os sous-chondral et trabéculaire par IRM dans le cadre de cette pathologie

[McGibbon et coll., 1998; Beuf et coll., 2002; Bolbos et coll., 2008b]. Bien que l’attention des chercheurs

soit dirigée préférentiellement vers la quantification du cartilage hyalin dans des conditions

normales et pathologiques [Peterfy et coll., 1995; Kladny et coll., 1996; Tan et coll., 1996; Eckstein et coll.,

1998a], l’hypothèse de changements quantitatifs de l’os sous-chondral dans les stades précoces

de l’arthrose a été émise [Watson et coll., 1996a; Watson et coll., 1996b].

2.8.3 Les séquences d’acquisition en IRM

2.8.3.a Séquences classiques

Les séquences en écho de spin pondérées T1 : elles sont caractérisées par une bonne qualité

de l’image (bon rapport signal sur bruit et bonne résolution), mais elles présentent un mauvais

contraste entre le cartilage et le liquide synovial. Le diagnostic des lésions est évalué avec une

précision de 70 % [Recht et coll., 1994]. Il faut garder en mémoire que ces séquences sont utiles

notamment pour toutes les lésions de stade IV, car elles permettent une analyse idéale du

liseré cortical et l’état de l’os sous-cortical, rarement intact à ce stade.

Les séquences en ‘double écho’ associant une imagerie en densité de protons et en T2

permettent d’obtenir un meilleur contraste avec un cartilage relativement intense en

pondération densité de protons, et bien marqué en pondération T2.

L’écho de spin est aujourd’hui abandonné au profit de séquences plus rapides. Les séquences

de type fast ou turbo spin-echo permettent de garder globalement la même qualité d’image,

mais dans un temps d’acquisition nettement plus court (de l’ordre de 5 minutes). Ces

séquences permettent de limiter la survenue d’artéfacts de mouvement. Actuellement, la

saturation des signaux de la graisse est souvent utilisée avec ses séquences. Ceci a pour effet

de majorer nettement le contraste entre le cartilage et l’eau, le cartilage et le tissu osseux.

Dans une étude datant de 1998, l’équipe de Potter [Potter et coll., 1998] montre qu’avec ces

séquences dites classiques, à condition d’utiliser une matrice élevée, la valeur diagnostique est

de 92 %, la sensibilité de 87 % et la spécificité de 94 %.

2.8.3.b Séquences spécifiques de l’imagerie du cartilage

Il existe de nombreuses séquences fondées sur l’écho de gradient 3D. Les variantes

s’appellent FISP (Fast Imaging with Steady-state Precession), DESS (Dual Echo Steady

State), GRASS (Gradient Recalled Acquisition in Steady State), SPGR (Spoiled GRASS).

Elles présentent l’énorme avantage de permettre des coupes millimétriques et des

reconstructions dans les trois plans de l’espace. Pour Disler [Disler, 1997], ces séquences en

écho de gradient 3D ont permis d’améliorer les performances diagnostiques de 38 à 75 %. Les

techniques 3D mettent en évidence un cartilage spontanément en hyper-signal franc,

contrastant avec l’ensemble des structures graisseuses, liquidiennes et osseuses restant en

hypo-signal plus ou moins franc.

L’arthrographie par IRM nécessite l’injection intra-articulaire d’une très faible quantité de

gadolinium. Elle a l’avantage de pouvoir être associée à des séquences en écho de spin en

pondération T1, réputées pour leur qualité et leur fiabilité, qu’elles soient effectuées avec ou

sans suppression du signal de la graisse. Il s’agit cependant de coupes relativement épaisses

que l’on peut actuellement réduire à 2 mm (en 2D). On pourra privilégier les séquences

millimétriques 3D SPGR qui gagnent à être effectuées avec saturation des signaux lipidiques

afin de conserver un bon contraste entre le liquide intra-articulaire et le cartilage. Un effet

arthrographique peut également être réalisé après injection intra-veineuse de gadolinium

[Drape et coll., 1993] qui diffuse progressivement dans la cavité articulaire, ce qui permet

d’obtenir une amélioration évaluée à 20 % de la visibilité du cartilage par rapport au cas sans

injection. Il est nécessaire de faire marcher le patient au minimum une demi-heure avant

l’examen. L’équipe de Bashir [Bashir et coll., 1996] a montré par ailleurs que le gadolinium peut

pénétrer dans le cartilage par la surface lorsqu’il est présent dans la cavité intra-articulaire,

mais aussi en surface et dans la zone profonde osseuse lorsqu’il est injecté par voie

intra-veineuse. Une diminution de 50 % du contenu cartilagineux en GAG se traduit par une baisse

de l’imprégnation en gadolinium d’environ 30 % en utilisant la technique récente dGEMRIC

(delayed Gadolinium Enhanced MRI of Cartilage, cf. paragraphe 3.4.5) [Gold et coll., 2006].

Les images pondérées en T1 peuvent être plus utiles que celle pondérées en T2 dans le

dépistage des anomalies de petite taille. Cependant, en présence d’un épanchement, un effet

arthrographique obtenu avec les IRM pondérées en T2 augmente l’évidence des lésions. Les

images d’écho de spin pondérées en T1 et en densité de protons ont le désavantage d’avoir un

faible contraste entre le cartilage et les autres structures qui l’entourent. Les images d’écho de

spin avec suppression de la graisse rendent le cartilage articulaire hyper-intense, en fort

contraste avec les structures adjacentes [Peterfy et coll., 1994a; van Leersum et coll., 1995]. En plus de

ces techniques conventionnelles d’écho de spin, il est possible d’employer des séquences

pondérées en T1 avec suppression de la graisse (hybrid fat suppression) qui amplifie la

visibilité du cartilage hyalin [Chandnani et coll., 1991].

Les séquences d’écho de gradient peuvent être combinées avec des acquisitions 3D délivrant

ainsi des coupes plus fines et jointives, ce qui constitue un avantage certain pour les petites

articulations et pour les patients présentant des lésions précoces du cartilage. En particulier, la

séquence tridimensionnelle d’écho de gradient SPGR (3D SPoiled Gradient Echo) avec

suppression de la graisse se révèle rapide et significativement plus sensible que les techniques

IRM 2D standards en ce qui concerne la détection des défects cartilagineux [Peterfy et coll.,

1994a; Disler et coll., 1996; Recht et coll., 1996]. Cette séquence a montré une excellente

reproductibilité inter- et intra-observateur [Peterfy et coll., 1994b; Disler et coll., 1996].

3 Etudes morphologique et structurale par IRM

3.1 Introduction

Un obstacle important dans les tests d’efficacité des approches thérapeutiques de l’arthrose a

été l’incapacité d’évaluer le statut du cartilage directement par des techniques non invasives

[Beary, 2001; Peterfy, 2001]. L’arrivée de l’IRM, technique non invasive avec des capacités

d’acquisition multi-coupes et multi-dimensionnelles pour un contraste inégalé des tissus

mous, a créé l’opportunité d’évaluer l’intégrité des articulations : cartilage articulaire, os,

tendons, ligaments, ménisques. Cependant, la minceur du cartilage, sa géométrie complexe,

son temps de relaxation transversal (T2) relativement court, sa composition complexe et ses

sources variées d’artéfacts potentiels font de l’IRM quantitative du cartilage articulaire un réel

défi. Dans le contexte arthrosique, l’étude de la surface du cartilage devient plus difficile à

définir en raison de modifications focales, de fibrillations et d’amincissement du cartilage,

mais aussi de l’apparition de tissus réparateurs et d’ostéophytes. Néanmoins, des avancées

techniques significatives en IRM et dans le traitement des images ont révolutionné

l’évaluation non invasive de la morphologie et de la structure du cartilage.

L’imagerie RMN possède des atouts uniques pour l’étude in vivo du cartilage (morphologie et

structure) et des structures trabéculaires sous-chondrales. C’est une technique d’utilisation

courante dans la pathologie de l’appareil locomoteur. Non agressive, l’IRM permet d’obtenir

in vivo des images avec une résolution spatiale élevée et son caractère multiparamétrique

autorise une bonne caractérisation tissulaire par le choix des contrastes. L’IRM, et plus

particulièrement la microscopie RMN, apparaît donc comme une technique particulièrement

adaptée au suivi in vivo des dégradations et des réparations de l’arthrose. La densité

importante d’eau (liée ou libre) contenue dans le cartilage rend l’IRM extrêmement

performante dans l’étude morphologique du cartilage. Elle permet d’avoir des images très

contrastées grâce à la suppression des tissus graisseux environnants ; l’acquisition

tridimensionnelle délivrant quant à elle des coupes fines et jointives de tout le volume

cartilagineux.

De nombreuses études ont également mis en évidence la structure du cartilage par IRM. Ces

études utilisent des techniques de mesure de temps de relaxation (longitudinal (T1) et/ou

transversal (T2)), le transfert d’aimantation et la diffusion. Toutes ces techniques renseignent,

de manière différente, sur l’orientation des fibres de collagène ou l’organisation de la matrice

extracellulaire. En complément, l’injection de produit de contraste de type Gd-DTPA a permis

de mettre en évidence, de manière extrêmement localisée, le contenu en protéoglycannes et sa

dépendance avec le degré de dégradation de la structure du cartilage. Dans la suite de ce

chapitre, nous allons décrire les différentes méthodes d’évaluation de la morphologie

(épaisseur, volume) et de la structure (composition ‘biochimique’) du tissu cartilagineux

articulaire. Nous nous focaliserons davantage sur le cartilage du genou qui constitue une part

importante des travaux de thèse réalisés.

3.2 Etudes IRM semi-quantitatives des défects