• Aucun résultat trouvé

1‐ L’identification de la (des) molécule(s) active(s) à partir d’un extrait complexe

 

Les  matériaux  biologiques  qui  sont  sources  de  molécules  élicitrices  des  réponses  de  défense  végétales tels que le mycélium de champignons, des filtrats de culture liquide de microorganismes ou  encore des algues entières sont souvent de composition complexe. A partir des algues, sont produits  des extraits bruts via différentes techniques d’extraction précédées ou non d’une hydrolyse chimique  ou  enzymatique.  Lorsqu’une  préparation  possède  une  activité  biologique  intéressante,  la  (ou  les)  molécule(s) responsable(s) est (sont) recherchée(s) par fractionnement. Diverses méthodes peuvent  être  mises  en  œuvre  pour  fractionner  un  extrait  brut  en  fonction  de  la  nature  des  molécule(s)  recherchée(s)  et  du  niveau  de  pureté  souhaité.  Les  plus  simples  séparent  les  composés  de  l’extrait  brut  selon  leurs  propriétés  de  taille  et/ou  de  charge  par  filtration  et/ou  précipitation.  D’autres  méthodes plus complexes peuvent être utilisées comme la chromatographie en phase liquide à haute  performance (HPLC).  

 

Dans le cadre de cette étude, la recherche de molécules active a été effectuée à partir d’algues  vertes  récoltées  dans  la  baie  de  St  Brieuc,  essentiellement  de  l’espèce  responsable  des  marées  vertes,  Ulva  armoricana.  Un  extrait  brut  a  été  réalisé  via  une  extraction  à  l’eau  chaude  des  algues  lavées et finement broyées sans autre traitement préalable. Cet extrait brut d’algue verte est capable  d’induire  certaines  réponses  de  défense  chez  Medicago  truncatula  (Cluzet,  et  al.  2004),  ainsi  que  l’expression  d’un  gène  codant  une  lipoxygénase  chez  le  tabac  et  des  modifications  de  la  concentration calcique cytoplasmique chez l’arabette. Par comparaison à un extrait brut obtenu de  manière  similaire  à  partir  d’algues  brunes  du  genre  Laminaria,  éliciteur  de  défense  chez  certaines  plantes, dont le tabac (Klarzynski, et al. 2000), l’extrait d’algues vertes représente 5,6% de la matière  sèche  (MS)  initiale  contre  environ  10%  de  la  MS  pour  celui  provenant  d’algues  brunes.  L’identification  chimique  des  composés  de  ces  extraits  bruts  d’algue  montre  qu’ils  sont  essentiellement composés de sucres : l’extrait d’algue brune est très riche en molécules de glucose  associées entre elles par des liaisons β‐(1,4) et β‐(1,6) afin de former un polysaccharide de réserve  appelé laminarine. L’extrait d’algue verte, que nous avons préparé, est très riche en rhamnose, acide  uronique  et  soufre,  soit  trois  molécules  connues  pour  être  associées  entre‐elles  pour  former  un  polysaccharide anionique sulfaté complexe nommé ulvane, présent au sein de la matrice des parois  cellulaires de ces algues (Lahaye and Robic 2007). 

 

Afin  d’enrichir  l’extrait  brut  en  ulvanes,  il  a  ensuite  été  traité  à  l’éthanol,  connu  pour  précipiter  des polysaccharides de même type. La composition chimique de la fraction insoluble à l’EtOH ainsi  obtenue correspond à celle des ulvanes, en particulier les proportions entre les différents sucres sont  retrouvées (Lahaye and Robic 2007). Cette étude a aussi permis de montrer que l’activité biologique  de l’extrait d’algue verte est due à la présence d’ulvanes et non pas à celle de protéines résiduelles  difficiles à éliminer.    

2‐ Le degré de polymérisation des ulvanes. 

  Les ulvanes sont des macromolécules de poids moléculaire élevé, très complexes de par la nature  et les liaisons entre les oses qui les constituent et leur caractère anionique. Toutefois, il est possible  que  seul  un  motif  moléculaire  de  cette  structure  soit  responsable  de  son  activité  biologique,  qui  pourrait contenir le dimère de base.  

 

Dans l’optique d’approcher un tel motif, une première étape consiste généralement à déterminer  le degré de polymérisation minimal de la molécule nécessaire à sa perception. Ainsi, l’isolement de  fractions  de  poids  moléculaire  bien  défini  à  partir  de  la  fraction  insoluble  à  l’EtOH  très  riches  en  ulvanes, a permis de montrer que les molécules de plus de 40kDa, soit d’un degré de polymérisation  (DP) d’environ 100 si on considère les ulvanes comme une chaîne linéaire d’acides aldobiouroniques,  sont  capables  d’activer  certaines  réponses  de  défense  contrairement  aux  molécules  de  poids  moléculaire plus faible, 6‐4kDa, qui présentent un degré de polymérisation dix fois moins important.  

De  nombreux  éliciteurs  dérivent  de  macromolécule  polysaccharidique,  qu’elles  soient  d’origine  microbienne, la chitine, ou d’origine végétale telle que la pectine et la cellulose ou encore d’origine  algale comme les fucanes, les carraghénanes et la laminarine. Or, à partir de ces molécules ont été  identifiés des motifs de faible degré de polymérisation capables d’induire des réponses de défense  chez  les  plantes.  Par  exemple,  les  motifs  caractérisés  à  partir  des  polysaccharides  algaux  cités  ci‐ dessus présentent des degrés de polymérisation variant entre 5 pour la laminarine (Klarzynski, et al.  2000) et 10 pour les fucanes (Klarzynski, et al. 2003). Généralement, ces oligosaccharides sont plus  actifs  que  les  polysaccharides  dont  ils  sont  issus.  Notamment,  l’induction  de  l’activité  laminarinase  par les κ‐carraghénanes chez des cultures cellulaires de Rubus fruticosus est maximale en réponse à  des  oligomères  de  DP3,  bien  qu’une  réponse  soit  toujours  observée  en  présence  de  molécules  de  DP8 et même de DP1600 (Patier et al. 1995). Des réponses DP‐dépendantes ont aussi été observées  lors de l’utilisation de la chitine, des cellodextrines, des OGAs et de la laminarine (Aziz, et al. 2003).  

Lors  de  cette  étude,  portant  sur  l’expression  de  huit  gènes  de  défense  en  fonction  du  DP  de  trois  types oligosaccharides, il s’est avéré que le DP capable d’induire le plus fortement l’expression d’un  gène  dépend  de  la  nature  du  gène  considéré.  Ceci  suggère  qu’une  meilleure  efficacité  est  atteinte  lorsqu’on utilise un mélange de molécules présentant divers DP (Ramonell, et al. 2005). 

Concernant les ulvanes, leur efficacité élicitrice chez le tabac est équivalente pour des molécules  de  DP≈1000  et  DP≈100.  De  manière  surprenante,  la  fraction  de  DP≈10  n’est  pas  active  chez  cette  plante alors que des molécules encore plus petites, le dimère, sont actives chez des cellules animales  (Leiro et al. 2007). Il est possible que l’inefficacité de ces molécules d’ulvanes de plus petite taille ne  soit  pas  directement  liée  à  leur  DP,  mais  plutôt  à  des  modifications  de  leur  structure  bi‐  et/ou  tri‐ dimensionnelle.