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L’horloge centrale

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1.2 Le système circadien des mammifères

1.2.2 L’organisation du système circadien

1.2.2.1 L’horloge centrale

Chez les mammifères, l’horloge principale, appelée « horloge centrale », est une paire de noyaux localisés dans l’hypothalamus ventral, située au-dessus du chiasma optique, la zone de décussation partielle des nerfs optiques (Figure 1.5). Les deux noyaux sont séparés par le 3e ventricule cérébral. Ce noyau est appelé noyau suprachiasmatique (SCN) de l’hypothalamus et est composé d’environ 20000 neurones (Abrahamson et Moore 2001). Le rôle central du SCN dans l’expression des rythmes circadiens a été mis en évidence après des études de lésion de cette structure, qui ont conduit à la perte des rythmes de l’activité locomotrice et de la prise hydrique ainsi que du rythme de sécrétion de la corticostérone (Moore et Eichler 1972 ; Stephan et Zucker 1972). En 1990, Ralph et al. (1990) ont démontré que la période des rythmes est imposée par le SCN grâce à des expériences de transplantation d’un SCN de hamster tau (période endogène courte) à un hamster de phénotype sauvage dont le SCN avait été lésé plusieurs semaines auparavant. Après transplantation, la période du rythme d’activité locomotrice de l’animal receveur devient similaire à celle de l’individu donneur (Ralph et al. 1990).

Le SCN est subdivisé anatomiquement selon l’axe ventro-dorsal, entre les régions ventro- latérale (VL) et dorsomédiale (DM) (Yamaguchi et al. 2003) conduisant à une régionali- sation des fonctions. Par exemple, la région VL reçoit via la voie rétino-hypothalamique l’information lumineuse qui est ensuite transmise à la région DM (Shigeyoshi et al. 1997 ; Yan et Okamura 2002 ; Yan et Silver 2002). Lorsque des rats sont soumis à un retard (10 h) ou une avance (6 h) du cycle 12L/12D simulant un jet lag, le rythme d’expression des gènes Per1, Per2 et Cry1, ainsi que celui de la protéine CRY1 est en phase avec le nouveau cycle de lumière imposé dès le second jour dans la région VL tandis que ces mêmes gènes et protéines ne se resynchronisent que progressivement dans la région DM. De 5 à 7 jours sont nécessaires pour que les deux régions VL et DM présentent des rythmes en phase (Nagano et al. 2003). Ces deux régions sont également caractérisées par des productions de peptides différents : la région VL possède des cellules à peptide vasoactif intestinal ou vasoactive intestinal peptide (VIP) et à bombésine ou gastrin-releasing peptide (GRP), tandis que la région DM possède des cellules à arginine-vasopressine (AVP) et somatostatine (Abrahamson et Moore 2001 ; Van Den Pol et Tsujimotci 1985). Le SCN présente, en outre, une différence de rythme de son activité électrique selon un axe antéro-postérieur. En effet, l’enregistrement de couches horizontales de SCN a mis en évidence la présence de deux pics d’activité survenant respectivement à l’allumage et à l’extinction de la lumière (Jagota et al. 2000). Ce résultat indique que l’horloge centrale est composée d’au moins deux composants oscillants et couplés, régulés par la lumière. Toutes les cellules du SCN contiennent une horloge moléculaire qui exprime leur propre rythme avec de légères différences de période et de phase (Herzog et al. 1997 ; Honma et al. 1998 ; Welsh et al. 1995). La rythmicité globale du SCN résulte d’une synchronisa- tion entre les oscillateurs cellulaires (Honma et al. 2004) dont le couplage met en jeu différents neurotransmetteurs et neuropeptides spécifiques de chaque région. Le VIP est considéré comme un facteur majeur de synchronisation de la région VL, en induisant l’expression de Per1 et Per2 via la protéine kinase A (Nielsen et al. 2002). En effet, en l’absence du VIP ou de son récepteur (VPAC2), on observe une perte de synchronie des rythmes d’influx calciques et d’activation de transcription dans les neurones du SCN (Brancaccio et al. 2013), ainsi que des niveaux réduits de Per1 et Per2 (Pakhotin et al. 2006). L’application d’un agoniste du VIP restaure d’une part, la rythmicité de l’activité électrique d’explants de SCN de souris dont l’expression du VIP a été sélectivement supprimé dans le SCN (Aton et Herzog 2005) et induit d’autre part, des décalages de phase comportementaux similaires à ceux induits par la lumière chez des souris sauvages (Piggins et al. 1995 ; Reed et al. 2001 ; Watanabe et al. 2000). L’AVP, produit par la région DM, contrebalance l’effet du VIP en agissant sur la région VL. Les deux neuropeptides

forment ainsi une balance permettant de générer des oscillations stables (Herzog et al. 2017). En plus des neuropeptides, les jonctions chimiques (Shirakawa et al. 2000) et le GABA (Aton et al. 2006) participent également au couplage des oscillateurs du SCN. Les astrocytes présents dans le SCN contiennent une horloge circadienne (Prolo et al. 2005) et pourraient participer à la régulation du rythme d’expression du gène Per2 via le glutamate dans le SCN (Brancaccio et al. 2017).

L’horloge centrale est entraînée par le cycle environnemental grâce à l’information lumi- neuse, réceptionnée par la rétine et transmise au SCN via le tractus rétino-hypothalamique (RHT) dont les terminaisons sont glutamatergiques. Le glutamate libéré agit sur le SCN en activant des récepteurs ionotropiques du glutamate de type AMPA et NMDA qui induisent une activation de la voie des Mitogen Associated Protein (MAP) Kinases dé- pendante de l’influx calcique. La cascade d’activation intracellulaire conduit finalement à l’activation des gènes d’expression précoces comme C-Fos, mais également les gènes de l’horloge Per1 et Per2 (Kuhlman et al. 2003). L’induction par la lumière des gènes

Per1 et Per2 a été très étudiée dans le SCN et présente des différences temporelles et

spatiales. Alors que Per1 est rapidement induit pendant toute la nuit biologique dans la région VL, Per2 est induit rapidement en début de nuit biologique et plus lentement en fin de nuit biologique dans les régions ventro- et dorsolatérales. En fin de nuit biolo- gique, Per1 est exprimé dans tout le SCN (Albrecht et al. 1997 ; Shearman et al. 1997 ; Yan et Okamura 2002 ; Zylka et al. 1998). Le rôle fondamental de Per1 et Per2 dans le mécanisme de synchronisation par la lumière a été mis en évidence par des injections intra-cérebroventriculaires de sondes oligo-désoxynucléotides dirigées contre Per1 et

Per2 et qui bloquent tout décalage de phase comportemental induit par la lumière

(Akiyama et al. 1999 ; Wakamatsu et al. 2001).

En conclusion, l’horloge centrale du SCN est composée de différents oscillateurs dont le couplage met en jeu divers facteurs chimiques et électriques afin de générer un rythme global cohérent et pouvant être entraînés par la lumière.

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