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1) Présentation de l'hepcidine

L'homéostasie du fer peut être dérégulée dans différentes situations physiologiques

ou pathologiques incluant notamment les carences en fer, un état pro-inflammatoire aigu ou

chronique ou encore des mutations génétiques conduisant à une surcharge en fer systémique

(i.e. hémochromatose génétique, thalassémie) (Loréal et al., 2014). Ces différentes situations

sont intimement liées à la modulation de la synthèse d’une protéine spécifique produite par

les hépatocytes et relarguée dans le sang appelée hepcidine.

L'hepcidine, est un peptide de 25 acides aminés mis en évidence en 2001 et présenté

à l’origine comme un agent anti-microbien (Krause et al., 2000). Peu après 2001, un

laboratoire démontre le rôle de ce peptide dans le métabolisme du fer en s’appuyant sur un

modèle de souris KO pour l’hepcidine (Nicolas et al., 2001). Ainsi, l'hepcidine agit en

empêchant à la fois l'export du fer au sein des entérocytes (site de l'absorption), du foie (site

de stockage) et des macrophages (sites de recyclage) (cf. illustration n°6). Pour cela,

l'hepcidine se lie sur la ferroportine, la protéine d’export du fer présente à la membrane des

cellules ce qui déclenche son internalisation et sa dégradation (Ganz, 2005). Cette hormone

induit ainsi une réduction des concentrations circulantes en fer et de la saturation en

transferrine. Ainsi, lors d'une surcharge en fer plasmatique, la quantité d'ARNm codant pour

l'hepcidine dans le foie augmente (Pigeon et al., 2001). À l'inverse, lors d'une anémie

provoquée par un régime pauvre en fer, on observe une diminution de ces mêmes niveaux

d'ARNm afin de favoriser l’entrée et la mobilisation du fer vers le compartiment sanguin

(Frazer et al., 2002). De plus, les mutations du gène HFE impliqué dans la synthèse d’hepcidine

sont en général associées à une hepcido-déficience à l'origine d'un absorption excessive de

fer menant à une surcharge systémique appelée hémochromatose génétique (Loréal et al.,

2008). De nombreux travaux menés au cours des 10 dernières années ont permis de mieux

identifier et comprendre les voies de signalisation cellulaires impliquées dans la régulation de

l'expression de cette hormone.

2) Mécanismes stimulant la transcription d'hepcidine

Le statut martial est un facteur central dans la synthèse de l’hepcidine via deux

mécanismes essentiels :

Le stock de fer dans l’organisme – Voie BMP/SMAD. Comme précédemment évoqué,

le foie est l’organe central dans la régulation du métabolisme du fer. Lorsque les

concentrations hépatiques en fer sont trop importantes, la protéine BMP6 (Bone

Morphogenetic protein 6) est transcrite par les hépatocytes et relarguée dans le sang. Elle se

lie ensuite au complexe formé par son récepteur spécifique de la cellule hépatique appelé

BMPr (BMP receptor) et à son co-récepteur l’hémojuvéline (HJV), ce qui permet la

phosphorylation de facteurs de croissance de la famille des TGFβ, les Smad1/5/8. Ces

protéines forment ensuite un hétérodimère avec Smad4 permettant sa translocation dans le

noyau. Ce complexe transcriptionnel se lie alors sur le promoteur de transcription de

l'hepcidine appelé BMP Response element (BMP-RE) (Core et al., 2014). Cette voie est donc

finement régulée par le contenu hépatique en fer (cf. illustration n°7).

La biodisponibilité en fer Voie MAPK/ERK. Lorsque la saturation en transferrine est

élevée, la voie de signalisation mettant en jeu les protéines kinases activées par le mitogène

(MAPK), ERK1 et ERK2, est activée (Hentze et al., 2010). Ce mécanisme, encore objet de débat,

mettrait en jeu la protéine HFE et les récepteurs 1 (TFR1) et 2 de la transferrine (TFR2). Ces

récepteurs sont capables de détecter les concentrations plasmatiques en fer par l’affinité

qu’ils ont avec la transferrine transportant le fer dans l’organisme. Toutefois, TFR2 a une

affinité bien plus faible que TFR1 et a un rôle négligeable dans le captage de fer hépatique. En

condition normale, la protéine HFE entre en compétition avec la transferrine pour se fixer à

TFR1 en raison d’un site de fixation qui chevaucherait celui de la transferrine. A l’inverse, TFR2

est capable de se lier en même temps à HFE et à la transferrine. Ainsi, en cas de surcharge en

fer systémique caractérisée par des concentrations élevées en complexe fer-transferrine, HFE

aurait tendance à se lier davantage à TFR2 ce qui aurait pour conséquence d’activer la voie

ERK1/2 (Goswami and Andrews, 2006). Cette activation permettrait alors de stimuler un

promoteur de transcription de l'hepcidine appelée HAMP (Lawen and Lane, 2013). De plus,

ERK1 et ERK2 moduleraient positivement la phosphorylation de SMAD participant ainsi à

l'activation de la voie BMP/SMAD (Bayele and Srai, 2009) (cf. illustration n°7).

Inflammation - Voie JAK/STAT3.L’inflammation est également un mécanisme régulant

positivement l’expression hépatique de l’hepcidine via la voie de signalisation JAK/STAT3. Cette

voie est déclenchée par la sécrétion d’IL-6 au niveau circulant qui vient se fixer à son récepteur

spécifique sur la membrane des hépatocytes (IL-6R). Cette interaction ligand-récepteur cause

ensuite la phosphorylation de Janus kinase (JAK) dans le cytosol conduisant à son tour à une

phosphorylation du facteur de transcription STAT3. Une fois phosphorylées, deux protéines

STAT3 forment un homodimère qui se transloque dans le noyau et se lie au promoteur de

transcription de l'hepcidine appelé GAS (l’interféron γ-activation sequence)(Wrighting and

Andrews, 2006). Cette voie de signalisation JAK/STAT3 peut être inhibée dans le cadre d’un

rétrocontrôle négatif via SOCS (suppressors of cytokine signaling) et SHPS (phosphotyrosine

phosphatases), deux protéines régulées également positivement par IL-6. PIAS (Protein

Inhibitor of Activated STAT) inhibe quant à elle directement l'activité des promoteur GAS

(Bayele and Srai, 2009). De manière intéressante, de récentes études in-vitro montrent

l’activation de la voie de signalisation JAK/STAT3 par l'insuline indépendamment de

l'inflammation (Wang et al., 2014) (cf. illustration n°7).

3) Mécanismes inhibant la transcription l'hepcidine

Il est intéressant de souligner que la synthèse d’hepcidine peut être au contraire

inhibée lorsque les besoins en fer sont augmentés, notamment en cas d’augmentation du

processus d’érythropoïèse. Plus précisément, des études récentes démontrent que des

protéines dérivées des progéniteurs érythroïdes sont impliqués dans l'inhibition de la

synthèse d’hepcidine, comme notamment le facteur de différenciation de croissance 15 (GDF

-15), le modulateur de signalisation des BMP à gastrulation torsadée (TWSG1) et

l’érythroferrone (ERFE) (cette dernière étant produites par les érythroblastes) (Kim and

Nemeth, 2015). Plus précisément, lors de l'érythropoïèse, le cortex rénal synthétise de

l’érythropoïétine (EPO) conduisant à la synthèse hépatique de GDF-15 qui limite l'activation

des SMAD par les BMPs. Cependant, les mécanismes précis pour établir un lien définitif entre

GDF-15 et l’inhibition de la synthèse d’hepcidine demeurent encore hypothétiques. D’un

autre côté, TWSG1 est une protéine de liaison à la moelle osseuse, sécrétée par les

érythroblastes précoces. Certaines études révèlent que la réduction du promoteur de

transcription de l'hepcidine induite par TWSG1 passerait par la voie signalisation BMP/SMAD

(Tanno et al., 2009). ERFE appartient à la famille des facteurs de nécrose et contribuerait à

réduire la transcription d'hepcidine via la voie des BMP/SMAD et/ou d'autres facteurs encore

méconnus (Shenoy et al., 2014). De manière intéressante, cette protéine est aussi connue

sous le nom de FAM132b ou de myonectine et serait aussi produite par le muscle squelettique

(Lawen, 2015). Enfin, en cas de stress hypoxique, certains facteurs comme la furine ou la

transmembrane serine protease 6 (TMPRSS6) sont synthétisés et empêchent les

hémojuvélines (HJVs) de s'exprimer sous leurs formes matures au sein des hépatocytes. Ce

mécanisme semble également limiter l’activation de voie des SMAD (Kong et al., 2014). De

plus, il fut montré récemment que la testostérone était aussi un répresseur de la transcription

d'hepcidine en inhibant la voie des SMAD (Guo et al., 2013).