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Notre terme « mythe » est issu d’une longue tradition culturelle, sémantique et philosophique. En effet, il n’est autre que la transcription française du grec ancien muthos (12345), terme qui a aussi été adopté par la plupart des langues européennes – mythos en allemand, myth en anglais, mito en espagnol et en italien, et mif en russe. Par conséquent, lorsqu’on utilise ce terme pour l’attribuer à un texte non grec, un texte africain par exemple, on établit une comparaison entre deux faits de culture totalement différents relevant de deux civilisations totalement différentes. Donc lorsqu’on dit que « x est un mythe », cela revient à dire que « x est un mythe (tout comme z en Grèce ancienne) »52. Lévi-Strauss affirme même dans ses Mythologiques que la mythologie des anciens grecs ressemble étrangement à celle des autres peuples. Mais le mythe grec devient-il pour autant le modèle exemplaire de tous les autres mythes ?

Le mot lui-même est-il seulement bien approprié ? Ne nous induit-il pas en erreur ? Car les mots ne désignent finalement que des idées générales correspondant à des groupes d’êtres, ou en l’occurrence ici à des groupes de récits, présentant des caractères communs, formels ou thématiques. Ils n’emmagasinent que ce qu’il y a de stable, de commun, d’impersonnel et par conséquent de

52 Luc Brisson, Introduction à la philosophie du mythe, Paris, VRIN, 2005, Tome 1, « Sauver les mythes », chap.2, p. 25.

rationnel ou de rationalisable dans nos diverses impressions. Ainsi le mot « mythe » ne se glisse-t-il pas entre la chose en elle-même et nous ? N’est-il pas en fin de compte qu’une vulgaire « étiquette » collée maladroitement, ou même trop brutalement, sur la chose que nous percevons ? Ainsi, quand nous utilisons le mot « mythe », ne sommes-nous pas simplement sous l’influence du langage que nous avons hérité des anciens grecs ?

Lévi-Strauss nous dit encore que « quelle que soit notre ignorance de la langue et de la culture de la population où on l’a recueilli, un mythe est perçu comme mythe par tout lecteur, dans le monde entier »53. Nous soulignons à cet égard le mot « lecteur » : certes cela signifie avant tout que le mythe a une structure invariable et universelle, que le mythe reste mythe en dépit de la pire traduction, qu’il est avant tout une substance langagière qui se trouve bien au-delà de la culture à laquelle il appartient, de la syntaxe, du style ou du mode de narration choisi, qu’il travaille à un autre niveau, bien plus élevé que la langue elle-même, mais cela ne veut-il pas dire aussi que seul un « lecteur », c’est-à-dire un homme lettré et cultivé, spécialiste de la Grèce ancienne en l’occurrence, peut établir la véritable nature du mythe ? La mythologie, le mot et la chose, relève-t-elle nécessairement des compétences d’un lecteur de grec ancien ? Marcel Detienne, qui repense la notion même de mythologie, pose déjà cette question : « Mais d’où vient ce partage qu’une société des lecteurs est invitée à sanctionner, sinon de l’a priori d’une oralité originelle ? »54.

Une enquête minutieuse sur l’origine de notre terme s’impose donc si nous ne voulons pas sombrer dans une sorte d’« hellénocentrisme » sclérosant. En effet, le mythe n’est

53 Dans Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1974, Chapitre XI, « La structure des mythes », p. 240.

54 Dans L’invention de la mythologie, Paris, Éditions Gallimard, 1981, chapitre VII, « Le mythe introuvable », p. 231.

finalement perçu dans notre tradition qu’à travers un prisme déformant, syntaxique et prosodique, philosophique et poétique, les anciens Grecs ayant perçu et pensé leurs mythes dans les termes d’une problématique qui leur est propre et qui n’est comparable à aucune autre. Ainsi, soit le mythe est systématiquement opposé à un autre type de discours, le logos, opposition qui, après un bref détour par l’étymologie des termes, par leur histoire et par leur formation, apparaît comme fort « douteuse », soit il est systématiquement associé à la poésie épique et théogonique, celle d’Homère et d’Hésiode précisément. Certes ces textes sont fondamentaux pour qui veut accéder à la mythologie grecque mais que valent-ils véritablement ? Nous permettent-ils réellement d’accéder à la réalité mythique en elle-même ? Retranscrivent-ils fidèlement le mythe, dans toute son authenticité, tel qu’il circulait alors dans la pensée grecque ? Sont-ils somme toute des modèles exemplaires, des paradigmes applicables à toutes les mythologies du monde entier ? L’essentiel ici n’est pas tant de retracer le parcours mythico-philosophique de la pensée grecque ou de faire l’exégèse des textes poétiques mais de faire ressortir ce qui est proprement mythique d’une multitude de propos mythologiques, de distinguer le fait mythique en lui-même et pour lui-même de ce que l’on en dit, de le déduire d’une tradition particulière qui le fige une bonne fois pour toutes dans une problématique qui ne lui appartient pas véritablement. C’est pourquoi nous nous garderons d’assimiler le « mythique » au « mythologique » puisque le terme « mythe » reste pour nous malgré tout essentiel. Le « mythique » sera ainsi compris tout au long de notre thèse non seulement dans son sens le plus commun, comme un récit, une parole sacrée, mettant en scène des êtres surnaturels, des dieux et des héros civilisateurs, portant essentiellement sur les origines de notre monde, de l’homme et de toute chose, mais aussi et surtout comme un fait humain, naturel,

hautement significatif, comme une attitude, un comportement, une tendance naturelle et universelle à « mythiser » le monde qui nous entoure. Le « mythologique », quant à lui, sera compris dans son sens le plus général, comme un discours rationnel porté sur les mythes, « un savoir qui entend parler des mythes en général, de leur origine, de leur nature, de leur essence ; un savoir qui prétend se transformer en science »55 et qui prétend structurer et systématiser les mythes. La mythologie sera donc comprise soit comme une classification systématique de tous les mythes propres à une culture donnée, et de tous les dieux qui s’y rapportent, à la culture grecque par exemple, soit comme une réflexion, philosophique, poétique ou autre, portée sur les mythes, sur leur statut, leur contenu et leur forme. Le « mythologique », un terme en –ique, ne fait finalement que souligner le surgissement de la logique au sein des récits mythiques.

1- MUTHOS ET LOGOS OU DE L’ANCIENNE ANTINOMIE…

La traditionnelle opposition entre muthos et logos tout d’abord semble masquer la véritable nature du récit mythique. Elle le marque en effet et de manière quasi indélébile du sceau de la rationalité. Le mythe n’a aujourd’hui plus aucune valeur intrinsèque ; il n’a de valeur qu’au regard d’une rationalité exigeante, rigoureuse, impérialiste, critique ou compatissante. Or, après examen, cette opposition apparaît comme fort douteuse, voire illusoire et infondée, elle n’est tout au plus qu’une extrapolation philosophique.

En effet, muthos et logos n'ont pas toujours été opposés. Bien au contraire, ils avaient originairement une signification très voisine

55 Voir à ce propos les réflexions de Marcel Detienne, op.cit., Chap.1, « Frontières équivoques », p. 15.

et s'associaient même pour former de nouveaux termes, comme en témoignent les composés muthología, (123464789), mythologie, au sens d’histoire ou d’étude des choses fabuleuses ou mutho-logos (123o64745), mythologue, celui qui compose des fables. Le grec ancien muthos renvoyait, aux origines, à une parole, la parole en général, à un récit prononcé publiquement, hautement sacré et respecté parce qu’il véhiculait toutes les valeurs sociales et religieuses de la tradition, parce qu’il communiquait tout ce que la collectivité conservait en mémoire de son passé, tout comme son contraire, aussi paradoxale que cela puisse paraître actuellement, le logos (64745).

Le dictionnaire « Grec-Français » d’Anatole Bailly56 nous confirme d’ailleurs cette proximité sémantique : muthos (p. 1303) et logos (pp. 1200-1201) y sont définis tour à tour par les mêmes expressions ou par des expressions étonnamment voisines. Ils expriment les différentes facettes du verbe humain. Ils sont ainsi considérés l’un et l’autre comme une « parole », un « discours public », un « récit », une « rumeur », un « bruit qui court », une « nouvelle », un « message », un « dialogue », un « entretien », une « discussion philosophique », un « conseil », un « ordre », une « prescription », une « décision » ou un « projet », et même une « fable », un « récit historique » ou non.

Cependant la définition du terme logos y est beaucoup plus large. Viennent s’ajouter en effet quelques caractéristiques supplémentaires qui seront sans doute décisives pour l'avenir sémantique de nos deux termes. Ainsi, non seulement le logos désigne la parole dite publiquement mais il désigne aussi, contrairement au muthos, la parole écrite et consignée dans un livre. Par suite, il désigne toute composition en prose soumise aux règles

56 Anatole Bailly, Dictionnaire Grec-Français, Paris, Hachette, édition revue par L. Séchan et P. Chantraine, 2000.

de la syntaxe et de la rhétorique (les récits historiques, les dissertations philosophiques, les traités de médecine ou de morale, etc.), et tout ce qui est relatif aux belles-lettres, aux sciences et aux études en général. Il désigne par ailleurs l'exercice de la raison, la faculté intellectuelle de raisonner ou de juger, d'évaluer, d'émettre un jugement de valeur, de comprendre, de justifier et d'expliquer. Ainsi, tout ce qui a trait au logos doit être conforme à la droite raison, juste et rigoureux, ordonné selon des termes clairs, dans des catégories bien précises. Le muthos appartient donc tout entier au logos. Il n’est que l’une de ses diverses modalités, une façon parmi d’autres de parler et de communiquer le mémorable.

Or, après Homère, le sens de ce vocable se restreignit de plus en plus comme une peau de chagrin. Il ne désigna plus qu’une fable, une légende, un conte de « bonne femme », voire un mensonge ou une illusion. Il ne fait plus autorité en fait de communication. Il ne représente plus les valeurs religieuses et sociales de la tradition, ce qui doit être conservé en mémoire, ce qui est vrai, bon et juste, ce qui doit être dit publiquement à l’ensemble des membres de la communauté. Le mythe est vidé de toute vérité et de toute sacralité. Il ne reflète plus rien de réel. Il est devenu pure fantaisie ou divagation du psychisme humain. On l'opposa donc au récit historique, au récit confirmé par un témoignage visuel, direct ou indirect, dans les textes d'Hérodote et de Thucydide, et au discours philosophique soumis à la rigueur argumentative dans les textes de Platon et de ses successeurs. On l’opposa très vite à la réalité tangible pour les uns et à la vérité, à la cohérence ou à la certitude pour les autres.

Le mythe semble donc avoir subi une lente évolution au cours de laquelle on lui a retranché une partie de son sens originel, évolution qui le rejette progressivement dans les bas-fonds du discours humain, dont l’œuvre de Platon serait le terme. Ce dernier,

selon les analyses de Luc Brisson, aurait fixé une bonne fois pour toutes le sens du mythe tel que nous l'utilisons aujourd'hui : « avant Platon, mûthos signifie tout simplement ˝parole˝, ˝avis qui s’exprime˝ ; après, il désigne ce type de récit infalsifiable qui porte sur les dieux, les démons, les héros, les habitants de l’Hadès et les hommes du passé »57. Dans le même temps, le logos subit lui aussi une évolution, puisqu’on lui refuse désormais la paternité des discours mythiques et poétiques. Il ne représente plus que les aspects rationnels et réels du discours, la cohérence entre les différents termes, ou bien entre les termes et la réalité observée, la certitude ou la vérité. Il ne garde donc sous son égide que la philosophie, l’histoire, la science et les mathématiques, disciplines qui se servent systématiquement de l’écriture prosodique (dissertations, récits historiques, traités, manuels…) pour communiquer et conserver leurs idées, leurs témoignages, leurs découvertes et leurs connaissances.

Mais comment expliquer cette soudaine évolution, ou révolution, sémantique ? Que se passe-t-il entre le huitième et le quatrième siècle avant J-C ? D’après Jean-Pierre Vernant, pour que le muthos s’oppose ainsi au logos, il a fallu toute une série d’événements, de transformations, de bouleversements internes à la pensée grecque, événements sans doute liés au contexte historique de l'époque, c'est-à-dire à l'ensemble des conditions politiques, socio-économiques, culturelles et religieuses, scientifiques et technologiques. « Pour que le domaine du mythe se délimite par rapport à d’autres, pour qu’à travers l’opposition de muthos et de logos, désormais séparés et confrontés, se dessine cette figure du mythe propre à l’Antiquité classique, il a fallu toute une série de conditions dont le jeu, entre le huitième et le quatrième siècle avant

57 Article « mythe » dans Le vocabulaire de Platon, écrit en collaboration avec J-F Pradeau, Ellipses, Paris,

notre ère, a conduit à creuser, au sein de l’univers mental des Grecs, une multiplicité de distances, de coupures, de tensions internes »58.

Le principal événement qui toucha la civilisation grecque fut certainement l’apparition d’un nouveau système d’écriture au VIIIème siècle environ avant notre ère59. L’écriture existait déjà en Grèce ancienne, bien avant Homère, à l’époque des Mycéniens, vers 1400, et elle était déjà de type syllabique, mais elle s’est éclipsée pendant près de quatre siècles pour des raisons qui restent encore obscures aux historiens et aux archéologues. Ces derniers, en fouillant les tombes et en étudiant ainsi l’occupation du territoire, n’ont pu montrer qu’une soudaine chute de la démographie, le dépeuplement des campagnes qui en découlent et la disparition totale de l’écriture. Elle ne réapparaîtra ainsi qu’au début du VIIIème siècle av. J-C, peut-être à la fin du IXème siècle. C’est cette période-là qui nous concerne précisément, celle qui voit naître la Grèce que nous connaissons aujourd’hui et qui fonde notre pensée. Empruntée aux Phéniciens60 avec lesquels les Grecs étaient en relation, elle est d’abord consonantique et ne sert qu’à une caste de professionnels, les scribes, qui ne font que comptabiliser les faits économiques et religieux. Elle est ensuite améliorée par les Grecs eux-mêmes qui ajoutèrent la voyelle à côté de la consonne et en combinaison avec elle. Elle traduit désormais, avec exactitude, la parole. « A ce moment-là, l’écriture cesse d’être ce qu’elle était à l’époque mycénienne, dans les palais, et ce qu’elle a été dans beaucoup d’endroits : la spécialité savante d’une classe de doctes,

58 Dans Mythe et société en Grèce ancienne, « Raisons du mythe », p.196. 59

Thèse développée par Jean-Pierre Vernant, dans Mythe et société en Grèce ancienne, « Raisons du mythe ». Thèse développée aussi par Luc Brisson dans Platon, les mots et

les mythes ou encore dans son Introduction à la philosophie du mythe, Tome 1,

« Mûthos et Philosophía » et « L’attitude de Platon à l’égard du mythe ». 60

Voir à cet égard un autre article de Jean-Pierre Vernant, « Mythes et raisons », où il analyse les mouvements de l’écriture en Grèce ancienne, article paru dans une œuvre écrite en collaboration avec Jean Bottéro et Clarisse Herrenschmidt, L’Orient ancien et

nous, L’écriture, la raison, les dieux, Bibliothèques Albin Michel, collection « Idées »,

sinon de professionnels, de scribes. Sa fonction prend un tour différent : (…) l’écriture ne sera plus rien d’autre que la traduction de la parole. C’est la parole qui est tout »61.

Il ne faut pas oublier qu’au VIIIème siècle avant J-C la parole a une place prédominante. On est dans une civilisation essentiellement orale. Les poèmes épiques, lyriques ou sapientiaux n’étaient pas encore écrits. Quand ils sont enfin écrits, ils ne le sont que pour être dits publiquement, à voix haute, et cela est fondamental. « Nous sommes dans le monde de la parole chantée, mimée, dansée, la parole poétique »62. Elle le restera très longtemps même après l’apparition de l’écrit. Les Grecs avaient donc besoin d’un nouveau système d’écriture qui soit la traduction exacte de la parole. « C’est-à-dire qu’ils vont utiliser un certain nombre de signes pour noter les voyelles »63.

Cette innovation entraîne ainsi une véritable révolution dans la pensée grecque. Elle favorise non seulement l’essor d’un nouveau mode de conservation et de transmission du mémorable mais aussi l’essor d’un nouveau mode de penser, la rationalité. On passe en effet d’une poésie orale, chantée ou simplement dite, à une écriture prosaïque qui traduit non seulement avec exactitude la parole mais aussi les mouvements de notre pensée. Thalès de Milet écrit ce qu’il pense en prose et non en vers car la prose est plus souple, plus libre et en même temps plus rigoureuse quoique plus austère que les vers, elle épouse mieux les contours de notre pensée et traduit avec exactitude et précision la réalité historique, sociale ou politique qu’il décrit et analyse.

Luc Brisson, dans son Introduction à la philosophie du mythe, montre aussi « comment l’adoption à partir du VIIIème siècle av. J.C., d’un système d’écriture radicalement nouveau mettant la

61 Op.cit., pp. 199-200. 62 Op.cit., p. 197. 63

lecture à la portée de tous, du moins en principe, entraîna l’apparition de deux nouveaux types de discours : celui de l’ “histoire” et celui de la “philosophie”, lesquels s’imposèrent en s’opposant à la poésie qui, jusque là, avait réussi à garder le monopole dans le domaine de la transmission du mémorable »6465. Et, comme l’a bien souligné par ailleurs Jean-Pierre Vernant, citant le linguiste Emile Benveniste66, il y a un lien indubitable entre la maîtrise d’une langue écrite et l’élaboration d’une pensée de plus en plus abstraite. La littérature écrite exige en effet des règles beaucoup plus variées et beaucoup plus souples que la littérature orale. Les règles grammaticales donnent à la pensée un cadre rigoureux et suffisamment de souplesse pour que cette dernière puisse progresser et enfanter de nouveaux discours, allant sans cesse vers plus de rationalité et d’objectivité. Aristote, lorsqu’il définit les modalités de l’Être et lorsqu’il met à jour diverses relations logiques, ne fait que retrouver les catégories fondamentales de la langue dans laquelle il pense : « ce type de réflexion où les structures de la langue servent de soubassement à une définition des modalités de l’être et à une mise au jour des relations logiques n’a été rendu possible que par le développement des formes d’écrit que la Grèce a connues. La logique d’Aristote est bien liée à la langue dans laquelle pense le philosophe ; mais le

64 Introduction à la philosophie du mythe, Tome 1, Chap.2, p.11.

65 Lire aussi Henri Joly, Le renversement platonicien, II, chap.2, « L’écriture et la parole », Librairie philosophique VRIN, Paris, 1994, pp. 111-124. Henri Joly montre aussi à quel point l’apparition de l’écriture en Grèce ancienne a révolutionné la pensée des Grecs : « Cette transformation (du logos) est contemporaine d’une restructuration radicale de la civilisation hellénique qui, de simplement “orale” qu’elle était, devient véritablement “scripturale”. Or ce passage à une civilisation de l’écriture, qui modifie complètement les rapports “socio-psychologiques” entre le savoir, la mémoire et le langage est achevé au temps de Platon », op.cit., p.112.

66 Emile Benveniste, « Catégories de pensée et de langue », dans Les Etudes

philosophiques, 1958, 4, pp. 419-429, cité par Jean-Pierre Vernant dans Mythe et société en Grèce ancienne, op.cit., p. 198.

philosophe pense dans une langue qui est celle de l’écrit philosophique »67.

Déjà chez un historien comme Thucydide68, au Vème siècle avant notre ère (env. 460-395), ce nouveau système d’écriture