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L’hémorragie du postpartum, complication maternelle sévère de l’accouchement 36

A. L’hémorragie du postpartum, une pathologie prédominante de la morbidité

A.1. Pourquoi s’intéresser à l’hémorragie du postpartum en France ? 27

A.1.2. L’hémorragie du postpartum, complication maternelle sévère de l’accouchement 36

Lorsque l’on considère la mortalité maternelle par HPP, il est nécessaire de distinguer la situation des pays à niveau de ressources élevé de celle des pays à faible niveau de

ressources. L’OMS a réalisé une étude des causes de mort maternelle à partir de bases de données en population contenant des informations datant de 1996 à 2002 (43). Cette étude rapportait globalement une implication de l’hémorragie obstétricale dans 20% des 343 000 cas annuels de mort maternelle dans le monde (44), avec des disparités importantes selon les régions : dans les pays à faible niveau de ressources, l’hémorragie obstétricale constitue la première cause de mortalité maternelle, concernant un tiers des décès maternels en Afrique et en Asie ; dans les pays à niveau de ressources élevé, le taux de décès maternels secondaires à une hémorragie obstétricale a diminué ces dernières années, l’hémorragie obstétricale étant responsable de 13% des décès maternels (Figure 1) (43). L’hémorragie obstétricale, dont la première cause est l’HPP, n’est ainsi plus la première cause de décès maternels dans les pays à niveau de ressources élevé, à l’exception de la France, où elle reste encore impliquée dans 18% des morts maternelles au cours des années 1998 à 2007 (7).

37 Figure 1 : Part de l’hémorragie obstétricale dans la mortalité maternelle en fonction des régions du monde

38 En France, rappelons que les décès maternels font l’objet d’une Enquête Nationale Confidentielle sur la Mortalité Maternelle (ENCMM) à la suite du modèle historique britannique existant depuis 1958. L’ENCMM a été créée par arrêté ministériel et mise en place à partir de l’année 1996. Dans cette enquête, les cas de décès possiblement maternels sont repérés à partir des certificats médicaux de décès au niveau du Centre d’Etude

épidémiologique sur les Causes médicales des Décès (CépiDC) de l’Inserm. Pour chaque cas, deux assesseurs (un gynécologue-obstétricien et un anesthésiste-réanimateur) sont chargés de constituer un dossier type, après avoir recueilli les informations nécessaires auprès des équipes médicales concernées. Tous les dossiers de cas sont rendus anonymes, puis analysés par les membres du Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM), afin de préciser la cause exacte du décès et d’évaluer à la fois l’adéquation des soins délivrés et le caractère évitable du décès.

Alors que les ratios de mortalité maternelle globale sont comparables, les ratios de mortalité maternelle par hémorragie obstétricale et par HPP suite à une atonie utérine –cause la plus fréquente de l’HPP- sont supérieurs en France à ceux d’autres pays disposant également d’enquêtes nationales renforcées sur les décès maternels (Tableau 2). Selon l’ENCMM, en France, en 2007-2009, l’hémorragie obstétricale représente toujours 16% des décès maternels et le ratio de morts maternelles par hémorragie obstétricale atteint 1,6/100 000 naissances vivantes (46), soit plus de trois fois le ratio observé au Royaume-Uni (0,5/100 000 grossesses de plus de 22 semaines d’aménorrhée en 2006-2008 (47)) et deux fois celui observé aux Pays- Bas (0,8/100000 naissances vivantes sur la période 1993-2005 (48)). De même, le ratio de mortalité maternelle en France suite à une HPP par atonie utérine en 2007-2009 s’élève à 0,9/100 000 naissances, comparé à 0,2/100 000 à la même époque au Royaume-Uni. Cette mortalité élevée par hémorragie obstétricale, et en particulier suite à une HPP par atonie utérine, dans notre pays par rapport aux autres pays à niveau de ressources comparable reste encore inexpliquée.

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Tableau 2 : Ratios de mortalité maternelle global et par hémorragie en fonction des pays

D’après Mhyre (49). Etats-Unis d’Amérique Royaume- Uni Pays-Bas Nouvelle- Zélande France Période 1998-2005 2006-2008 1993-2005 2006-2009 2007-2009 Naissances vivantes 32 347 794 2 291 493 2 557 208 255 208 2 472 650 RMM global (/100 000) 14,5 11,4 12,1 19,2 10,3 Hémorragie obstétricale (hors GEU et avortements) 1,3 0,5 0,8 1,2 1,6 HPP par atonie utérine 0,3 0,2 - - 0,9

• RMM : ratio de mortalité maternelle

• Etats-Unis d’Amérique : RMM incluant tous les décès maternels en cours de grossesse et jusqu’à un an après la fin de la grossesse pour 100 000 naissances vivantes. Données provenant de l’article de Berg et al. (50).

• Royaume-Uni : RMM incluant tous les décès en cours de grossesse et jusqu’à un an après la fin de la grossesse pour 100 000 grossesses de plus de 22 semaines d’aménorhée. Données provenant de l’article de Cantwell R et al. (51).

• Pays-Bas : RMM incluant tous les décès maternels en cours de grossesse et jusqu’à 42 jours après la fin de la grossesse pour 100 000 naissances vivantes. Données provenant de l’article de Schutte et al. (48).

• Nouvelle-Zélande : RMM incluant tous les décès maternels en cours de grossesse et jusqu’à 42 jours après la fin de la grossesse pour 100 000 grossesses de plus de 22 semaines

d’aménorrhée. Données provenant de l’article de Farquhar et al. (52).

• France : RMM incluant tous les décès maternels en cours de grossesse et jusqu’à un an après la fin de la grossesse pour 100 000 naissances vivantes. Données provenant de l’article de Saucedo et al. (46).

40 Mais la mortalité maternelle est l’étape ultime d’un processus d’aggravation, et l’HPP constitue également une cause prédominante de morbidité maternelle sévère. L’état de choc hémorragique peut se compliquer de dysfonctions et d’insuffisances d’organes et de systèmes, qui peuvent persister au-delà de la guérison de l’hémorragie. Les traitements invasifs

nécessaires dans les cas les plus graves peuvent eux-mêmes engendrer des complications : Certains gestes d’hémostase chirurgicaux, en particulier les sutures utérines, peuvent compromettre la fertilité ultérieure de la femme (53-55), et les expositions à la transfusion sanguine et à des produits pro-coagulants comportent leurs propres risques (infections, allergies, allo-immunisation, hémolyse, complications respiratoires pour la transfusion (56), accidents thrombo-emboliques veineux et artériels pour les médicaments procoagulants (57, 58)). Enfin, un impact psychologique à long terme de l’HPP a été évoqué (59). On estime que chaque année 20 millions de femmes dans le monde souffrent d’incapacités aiguës ou

chroniques secondaires à une HPP (60). Dans une enquête internationale réalisée dans 13 régions européennes en 2001, l’HPP était toujours responsable de 50% de la morbidité maternelle sévère (61). Dans l’enquête nationale confidentielle écossaise sur la morbidité maternelle globale, l’HPP majeure représente 73% de la morbidité maternelle sévère en 2011 (27). Les HPP sévères constituent par ailleurs la première indication obstétricale

d’hospitalisation en réanimation : elles représentent la moitié des hospitalisations en

réanimation d’origine obstétricale dans les enquêtes nationales prospectives sur la morbidité maternelle sévère en 2004-2006 aux Pays-Bas (LEMMoN) (62) et en 2011 en Ecosse (27).