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L’expression de la méthode comme fixatrice du devenir de l’activité.

CHAPITRE II La fonction de la méthode au regard de l’expression.

II- L’expression de la méthode comme fixatrice du devenir de l’activité.

Il faut donc aller chercher dans la relation même de l’expression ce qui se joue dans l’acte de dire la méthode.

Si la méthode est un certain ordre de l’activité, alors l’expression de la méthode peut se situer à deux niveaux. Soit il va s’agir de dire l’activité elle-même, c'est-à-dire en somme la « série d’actes » (PM, 161/1379) qui constituent et structurent l’ordre au sein de l’activité.

Soit il va s’agir de dire les principes de la méthode, c'est-à-dire les règles de structuration de l’activité ou encore l’unité qui se dégage des « diverses étapes » (PM, 211/1419) du mouvement de la métaphysique, pour reprendre une expression de «l’introduction à la métaphysique». Nous verrons les nuances qu’il faut apporter selon que l’on se situe à l’un ou l’autre des niveaux. Mais ce qui semble commun à toute expression de la méthode, c’est qu’elle met en rapport le langage et l’activité. La première question qu’il faut se poser est donc : que se passe-t-il quand nous voulons dire l’activité ?

1-Que se passe-t-il quand nous voulons dire l’activité ?

Selon Bergson, ce qui se joue quand nous disons « l’activité » est analogue à ce qui advient quand nous disons une évolution ou une émotion : nous procédons selon « la méthode cinématographique » (EC, 306/754) de l’intelligence, c'est-à-dire nous prenons des vues quasi-instantanées sur un devenir (nous le fixons donc). Puis nous reconstituons le mouvement en enfilant les différents moments le long d’un devenir abstrait. « Sur la continuité d’un certain devenir, écrit Bergson, j’ai pris une série de vues que j’ai relié entre elles par « le devenir » en général » (idem). Le principe ontologique, qui sous tend cette gnoséologie est le cœur même de la philosophie bergsonienne : « la durée, affirme-t-il, est l’étoffe même de la réalité » (EC, 272/725). Or, pour Bergson, « le temps est mobilité » (EC, 3/1254), ou encore création continue et imprévisible, changement, en un mot : devenir. Le réel est donc devenir c'est-à-dire mobilité69. Ceci est vrai, selon Bergson, à un niveau cosmologique. Mais cela se retrouve aussi au niveau de l’activité. D’un certain point de vue,

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A l’occasion d’une réponse à des critiques injustifiées qui reprochaient à sa philosophie de prôner un « relâchement de l’esprit » et un « mobilisme moral », Bergson fournit une précision remarquable concernant la signification d’une généralisation ontologique de la mobilité. Il affirme en effet : « Autre chose est un principe d'explication, autre chose une maxime de conduite. On pourrait presque dire que le philosophe qui trouve la mobilité partout est seul à ne pas pouvoir la recommander, puisqu'il la voit inévitable, puisqu'il la découvre dans ce qu'on est convenu d'appeler immobilité. Mais la vérité est qu'il a beau se représenter la stabilité comme une complexité de changement, ou comme un aspect particulier du changement, il a beau, n'importe comment, résoudre en changement la stabilité : il n'en distinguera pas moins, comme tout le monde, stabilité et changement » (PM, 96/1328). La seconde partie de la phrase surtout nous intéresse d’un point de vue ontologique. Elle affirme la réalité de la stabilité à un certain niveau qui est celui de la vie ordinaire et de la pensée commune. Soupçonner une continuité de mouvement profonde, c'est-à-dire en somme à un niveau cosmologique, n’est pas incompatible avec la réalité effective de la stabilité.

qui n’est pas celui usuel mais qui peut être le point de vue métaphysique, l’activité est une continuité de mouvement. De plus la conscience, dès l’Essai, se définit précisément comme « durée vraie » c'est-à-dire comme «continuité de changement » et « conservation du passé dans le présent » (EC, 2-23/513). La pensée consciente, comme niveau de la vie psychique, est ainsi elle aussi mouvement. Les activités spéculatives, c'est-à-dire les activités de pensée, sont donc doublement en mouvement : comme progrès d’une pensée mouvante. Mais Bergson a aussi insisté, dès l’Essai pour montrer comment le langage était incapable de saisir l’individuel, l’originel, le mouvant, la compénétration réciproque des états mentaux. Cette position bien connue et controversée se cristallise dans la formule « la pensée demeure incommensurable avec le langage » (Essai, 124/109). C’est simplement dire, si la pensée qui constitue le matériau mental, est durative, alors le langage qui est d’essence spatiale, ne correspond pas à ce qu’il y a de plus profond dans la vie mentale. Il correspond à la solidification sociale de la pensée, qui permet notamment l’action et la vie sociale. Mais toutes ces conceptions sont bien connues, et nous ne voulons pas y insister. Qu’il nous suffise de souligner que le langage, s’il ne correspond pas à la totalité de la vie mentale, devient « l’outil symbolique » qui poursuit le travail de la perception et prépare le travail de l’intellection. Cette fonction est naturelle en vue de structurer l’expérience aux exigences de l’action. Si nous avons fait ce détour, c’est pour contextualiser le type de rapport qui peut exister entre la méthode et son expression. Il apparaît ainsi assez clairement que, quand on dit la méthode, on ne dit pas le mouvement de la pensée lui-même. Tout au plus formule-t-on des « stations réelles ou virtuelles »70 qui sont autant de fixations de points caractéristiques, abstraits du devenir réel. Mais à quoi correspondent ces « moments cueillis le long de la durée » (EC, 316/763) au sein de l’activité ? De façon générale, les « vues prises sur le changement » (EC, 317/763) par application de « la méthode cinématographique » (idem) sur le devenir, sont appelées par Bergson, des « Formes » (idem), ou des « Idées ». Ce qui correspond, selon lui, au concept grec « d’eidos » (EC, 314/761)71. Ce qui nous intéresse, c’est l’analyse bergsonienne de la correspondance entre les trois catégories principales de la grammaire et trois types de fixations opérées par la méthode naturelle de l’entendement dans

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Cf. « Dans la vivante mobilité des choses l'entendement s'attache à marquer des stations réelles ou virtuelles, il note des départs et des arrivées ; c'est tout ce qui importe à la pensée de l'homme s'exerçant naturellement » (PM, 218/1425).

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« « Eidos » est la vue prise sur l’instabilité des choses ». Cf. EC, 314/761 seq Bergson détaille dans ces pages importantes la métaphysique naturelle à l’intelligence, qui s’exprime de façon inconsciente dans la grammaire, et se trouve explicité, selon lui, dans la « philosophie des Idées ».

son rapport au devenir réel72. Les adjectifs et les substantifs, correspondent à des fixations du devenir sous formes de qualité et d’essence (qui est elle-même l’idée d’une moyenne centrale de la fixation d’une évolution comme forme). Ces deux catégories sont les conditions d’une ontologie statique, c'est-à-dire qui « passe d’un état à un état » (EC, 299/748) dit Bergson. Et cette ontologie est elle-même pensée comme condition de l’insertion de l’activité dans le monde. Car, « c’est seulement dans un état du monde matériel, affirme Bergson, que l’action peut insérer un résultat et par conséquent s’accomplir » (idem). Répétons-le, l’activité selon Bergson « saute d’un acte à un acte » (idem), selon un rythme discontinu de projection de but fixe et de tentative de mise en œuvre des moyens permettant de se rapprocher de cette fin. C’est ici qu’intervient le verbe, comme incarnation langagière de la structure de l’activité. Car le verbe, « n’évoque guère autre chose qu’un état » (EC, 303/751) selon l’expression de Bergson, dans la mesure où il indique le terme de l’action, ou « le dessin immobile », sur lequel l’intelligence fixe son regard, pour permettre la réalisation de l’ensemble des mouvements complexes qui constituent l’action effective. Ce que fixe le langage de l’activité ce sont donc certains moments décisifs, qui correspondent aux buts intermédiaires permettant l’accomplissement effectif de l’action.

2-Fonction de l’expression de la méthode

Après ce détour, on peut donc préciser la nature de l’expression de la méthode. On pourrait croire que la théorisation de la méthode est confrontée aux problèmes liés à l’expression langagière d’un mouvement réel. Dans un sens le langage n’atteindrait jamais la réalité profonde de la méthode. Mais la difficulté semble disparaître si l’on considère que la méthode est avant tout une réalité engagée dans l’action, non plus comme pur mouvement de pensée, mais comme mouvement de pensée ordonné. Ne voit-on pas se confirmer l’idée d’une présence immanente de l’intelligence et du rythme de l’action dans la méthode qui permettrait au langage de la saisir de façon adéquate ? Bien sûr, selon Bergson, l’hétérogénéité demeure entre le mouvement et le langage. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir comment l’expression, sans être le mouvement lui-même, permet de le retrouver d’une certaine manière. Ainsi, de manière rétrospective, exprimer la méthode consiste à reconstituer ou à retrouver le rythme de l’action. On ne saisit pas le mouvement comme « progrès croissant »,

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mais bien les sauts décisifs, la suite d’actes discontinus qui constituent le caractère spécifique du mouvement de l’activité. Et de ce point de vue rétrospectif, l’expression de la méthode peut retrouver des étapes réelles ou virtuelles de l’activité effective73. La genèse intellectuelle de la méthode retrouve donc l’intellectualité immanente à la méthode dans l’ordre effectif. Mais nous avons déjà envisagé ce caractère. La question à se poser est maintenant, qu’advient-il, dans le cadre des rapports entre le langage et l’activité, de l’expression projective de la méthode ? La fonction est évidente. La formulation de la méthode, semble pouvoir être pensée sur le même schéma que la formulation de l’action à effectuer. Or dans l’activité s’effectuant, le langage a clairement un rôle directeur et régulateur. On ne peut pas dire qu’il est condition de l’action, au sens strict. Car il semble indéniable que l’on peut agir sans parler. Mais exprimer l’action que nous voulons effectuer consiste à rendre conscient le terme même de l’action vers lequel tend l’activité. Pour reprendre le jeu de mot bergsonien, en formulant ce que je vais faire, en explicitant mon « dessein » je fixe de façon corrélative « le dessin » qui sous-tend mon activité74. En exprimant la méthode, je rends conscient le schéma ou le plan qui guide mon action. Certes je le fige de la sorte, c'est-à-dire je prends le

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Bergson, il est vrai, insiste sur la continuité de création propre à l’évolution. Cela ne l’empêche pas d’affirmer conjointement le caractère discontinu et saltatoire de l’accomplissement effectif de l’évolution vitale. Dans l’EC, c’était surtout le décalage entre la durée et l’intelligence, entre l’ordre effectif et l’ordre rétrospectif qui permettait de penser conjointement ces deux caractères. Mais dans Les Deux Sources Bergson présentera cet aspect comme « essentiel » de sa philosophie de l’évolution. Ce sera même la fonction revendiquée de l’image de « l’élan vital » que de mêler ces deux aspects a priori contradictoires. (Il serait sans doute intéressant de pousser plus loin que nous ne pouvons le faire ici l’analyse de cette dualité profonde de l’évolution). Les notions de « sauts » et « d’imprévisibilité » semblent indissociables de la pensée de l’évolution comme discontinuité. Cf. « Encore n'avons-nous mentionné qu'implicitement l'essentiel : l'imprévisibilité des formes que la vie crée de toutes pièces, par des sauts discontinus, le long de son évolution. […]. Un élan peut précisément suggérer quelque chose de ce genre et faire penser aussi, par l’indivisibilité de ce qui est intérieurement senti et la divisibilité à l’infini de ce qui est extérieurement perçu, à la durée réelle, efficace, qui est l’attribut essentiel de la vie » (Les Deux Sources, 119/1072). Autre exemple à propos de l’évolution de l’humanité : «Il n'y aurait pas d'humanité primitive si les espèces s'étaient formées par transitions insensibles. A aucun moment précis l'homme n'aurait émergé de l'animalité ; mais c'est là une hypothèse arbitraire, qui se heurte à tant d'invraisemblances et repose sur de telles équivoques que nous la croyons insoutenable : à suivre le fil conducteur des faits et des analogies, on arrive bien plutôt à une évolution discontinue, qui procède par sauts, obtenant à chaque arrêt une combinaison parfaite en son genre, comparable aux figures qui se succèdent quand on tourne un kaléidoscope » (Les Deux Sources, 132/1082).

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EC, 314/762 : « le dessein inspirateur de l'acte s'accomplissant, […] n'est point autre chose […] que le dessin anticipé de l'action accomplie ».

parti d’arrêter mon intention. Mais par là même, je lui confère l’effectivité directrice et régulatrice. Car c’est seulement en décidant de la direction de mon activité, c'est-à-dire en la fixant, que j’offre la possibilité de maîtriser la réalisation de cette activité. Dire la méthode, c’est quelque part prendre acte d’un choix. Non pas comme balancement entre des possibles préexistants, mais comme volonté laissant de côté des virtualités potentielles pour n’en réaliser pleinement qu’une. Nous pensons à une note des Deux Sources décrivant le charme de l’enfance comme présence de virtualités non réalisées, et corrélativement la vie effective comme succession de choix c'est-à-dire aussi d’exclusion de virtualités75. Mais dès MM, la fonction de la perception et du cerveau, du moins à l’état de veille, était de choisir c'est-à-dire d’exclure les souvenirs inutiles, ou nocifs à la vie. Exprimer la méthode, c’est donc affirmer la direction d’un développement effectif de l’activité. C’est dire la direction de l’activité, et en l’ayant dite, se mettre en mesure de la suivre effectivement c'est-à-dire corrélativement se mettre en mesure de prévenir les égarements. Nous retrouvons donc, au niveau même de l’expression de la méthode, la fonction directrice et régulatrice. Rappelons alors cette expression de Bergson qui prend maintenant tout son sens : « Revenons toujours à ces considérations de méthode si nous ne voulons pas nous égarer dans notre recherche. Au tournant où nous sommes arrivés nous avons particulièrement besoin d’elles » (Les Deux Sources, 170/1113).

3-Conclusion : fonction directrice et régulatrice de la méthode exprimée.

La formulation explicite de la méthode est donc comme la définition d’un cap ou d’un azimut sur une boussole. Elle nécessite de choisir une seule direction parmi toutes celles qui s’offrent à nous. Mais cette exclusion de toutes les directions possibles au profit de la direction choisie, permet d’enclencher la marche. Et dans le cheminement, par l’explicitation d’une direction, la boussole pourra être effectivement un moyen de contrôle et d’évaluation, c'est-à-dire un moyen sur lequel s’appuyer pour atteindre son objectif. Il ne viendrait d’ailleurs à l’idée de personne d’attendre de la boussole qu’elle choisisse la direction à suivre. Ni de lui demander qu’elle enclenche la marche. On retrouve ainsi dans cette comparaison, les deux conditions préliminaires à la formulation de la méthode : la présence d’une volonté

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Cf. Les Deux Sources, note 1, 41/1012 : « Disons plutôt que la réalité est grosse de possibilités, et que la mère voit dans l'enfant non seulement ce qu'il sera, mais encore tout ce qu'il pourrait être s'il ne devait pas à chaque instant de sa vie choisir, et par conséquent exclure ».

initiant le mouvement de l’activité, et la confrontation à un problème, à une inconnue ou à une complexité créant un risque d’égarement76. On s’aperçoit aussi du caractère décisif de l’élaboration des critères qui déterminent le choix de l’orientation. La question de la méthode sera donc sans cesse accompagnée d’une question fondatrice : selon quels critères établir la direction à suivre ? Et l’on voit par ce biais comment la méthode dans l’activité philosophique est liée à un ensemble de principes d’ordre ontologique et épistémologique, définissant les exigences auxquelles doit se soumettre la connaissance philosophique. Quand Bergson annonce « des indications de méthode » ou évoque « le fil conducteur » qu’il ne veut point lâcher pour ne pas s’égarer dans l’étude de la complexité du réel, ce n’est d’ailleurs pas au niveau de l’enchaînement déterminé des actes à mettre en œuvre pour résoudre un problème qu’il se situe. Il exprime bien plutôt les principes qui doivent servir de cap à la résolution effective des problèmes rencontrés. Pour continuer notre métaphore de la boussole, on pourrait dire qu’il s’agit d’indiquer non pas le nombre de pas à effectuer ou les stratégies particulières à mettre en place face à un obstacle, mais la direction de la marche. Ainsi dans MM, la notion de « fil directeur » renvoie à deux principes méthodologiques généraux : d’une part, l’interprétation des facultés psychologiques au regard de l’inscription dans la biologie, et, d’autre part, la suspicion sous les positions philosophiques, de processus cognitifs habituels issus de la nécessité pragmatique, mais potentiellement créateurs de faux problèmes

au niveau métaphysique77. La notion est reprise dans PM de façon analogue, mais se

condensant de façon explicite dans la formule latine : primum vivere :

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Il faudrait d’ailleurs s’interroger plus longuement sur l’omniprésence du vocabulaire d’ordre cartographique ou géographique dans les évocations de la méthode : le « plan », la « direction », les « indications », le « chemin », « l’égarement », le « fil conducteur »…Ce pourrait être un argument en faveur de la fonction indicatrice et régulatrice de la méthode. L’usage d’une carte pourrait être une analogie intéressante. Bergson lui- même utilise la notion de « chemin » ou de « route » pour penser la finalité ou l’ordre inhérent à l’activité. Cf.

EC, 51-52/538 : « La vie, elle, progresse et dure. Sans doute on pourra toujours, en jetant un coup d'oeil sur le

chemin une fois parcouru, en marquer la direction, la noter en termes psychologiques et parler comme s'il y avait eu poursuite d'un but. C'est ainsi que nous parlerons nous-mêmes. Mais, du chemin qui allait être parcouru, l'esprit humain n'a rien à dire, car le chemin a été créé au fur et à mesure de l'acte qui le parcourait, n'étant que la direction de cet acte lui-même ». Bergson lui-même note donc les limites de cette comparaison, en insistant sur la distinction entre l’ordre effectivement créateur, qui crée aussi de façon imprévisible et la direction et l’ordre, et l’ordre rétrospectif, dans lequel seul, l’analogie semble adéquate.

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Cf. « Mais à travers cette complication, qui tient à la complication même de la réalité, nous croyons qu'on se retrouvera sans peine si l'on ne lâche pas prise des deux principes qui nous ont servi à nous-même de fil conducteur dans nos recherches. Le premier est que l'analyse psychologique doit se repérer sans cesse sur le caractère utilitaire de nos fonctions mentales, essentiellement tournées vers l'action. Le second est que les

« Disons tout de suite que la psychologie nous paraît marcher à l'aventure dans les recherches de cet ordre si elle ne tient pas un fil conducteur. Derrière le travail de l'esprit, qui est l'acte, il y a la fonction. Derrière les idées générales, il y a la faculté de concevoir ou de percevoir des généralités. De cette faculté il faudrait déterminer d'abord la signification vitale. Dans le labyrinthe des actes, états et facultés de l'esprit, le fil qu'on ne devrait jamais lâcher est celui que fournit la biologie. Primum vivere. Mémoire, imagination, conception et perception, généralisation enfin, ne sont pas là « pour rien, pour le plaisir » » (PM, 54/1294-1295).

Le premier principe de MM est donc repris au sein de la seconde introduction à PM, dans son inscription foncièrement biologique. Sans doute l’EC s’est intercalée entre les deux textes, qui a pensé la vie à la fois comme continuation et comme création, comme contrainte pragmatique et comme élan novateur, mais aussi comme réalité dont le principe, d’un point de vue cosmologique c'est-à-dire Dieu, est à la fois l’origine de la vie et de la condition de la