• Aucun résultat trouvé

L’exposition à la nouveauté contextuelle suffit à induire une

La première expérience de ce chapitre suscite des interrogations sur les mécanismes impliqués dans la mise en place de la LTP induite par l’apprentissage. Le but de cette 2ème expérience est de tester l’implication du facteur émotionnel dans la mise en place de la LTP. Afin d’obtenir une indication sur la nécessité du choc aversif pour obtenir une LTP hippocampique, nous avons réalisé le même protocole comportemental que précédemment mais sans délivrer de choc électrique aux animaux durant l’apprentissage. Ce travail a été réalisé en partie avec Fanny Roumier dans le cadre de son stage de première année de Master Biosanté.

Les données électrophysiologiques ont directement été analysées à l’échelle individuelle. En prenant le même critère-seuil que précédemment, aucune électrode ne présente de LTP suite à l’exposition à la cage d élevage (Figure 19A). En revanche, après une exposition à un nouveau contexte pendant 7 minutes, 11 électrodes sur 20 présentent une potentialisation à long terme (Figure 19B). Ainsi, le choc électrique n’est pas requis pour le déclenchement de la LTP hippocampique.

Une ANOVA à deux facteurs pour mesures répétées appliquée aux données électrophysiologiques des deux groupes comportementaux (CFC vs nouveauté) pour les électrodes qui présentent de la LTP (Figure 19C) montre un effet significatif du temps sur les fEPSPs (F(17,221)=6,356, p<0,0001), une différence claire entre les deux groupes comportementaux (F(1,221)=7,744, p=0,0155) et un effet du temps différent en fonction du groupe comportemental (F(17,221)=1,752, p=0,0357). Cela signifie que la LTP induite par le CFC est plus ample que la LTP induite par la nouveauté. Cependant, cette dernière serait plus fréquente que la LTP induite par le CFC (Figure 19D). Un test de Khi-deux appliqué sur ces données montre un résultat marginalement significatif (Khi-deux=5,600, p=0,0608), ce qui témoigne du fait que cette différence de proportion de LTP ne serait pas due au hasard. Cette expérience permet d’émettre l’hypothèse d’une répartition différente de la LTP au sein de la région CA1 hippocampique en fonction de l’apprentissage effectué. Il est également possible que l’aversion pour le choc électrique déclenche des LTD qui contrecarreraient la mise en place de la LTP dans la région CA1 de l’hippocampe.

Figure 19 : L’exposition des souris à un nouveau contexte est suffisante pour induire une LTP. A : Données individuelles des fEPSPs au cours du temps dans l’expérience contrôle (n=20). Il n’y a pas d’effet du placement des animaux dans leur cage d’élevage sur les fEPSPs. B : Données individuelles des fEPSPs au cours du temps dans l’expérience de nouveauté (n=20). Aucune électrode ne présente de plasticité dans l’expérience contrôle, alors que 11 électrodes sur 20 présentent une LTP lors de l’exposition des animaux à un nouveau contexte. C : La LTP induite par le CFC est de plus grande amplitude (moyenne±SEM) que celle induite par la nouveauté contextuelle (p=0,0357, F(17,221)=1,752). D : Les proportions d’électrodes présentant une plasticité

Dans cette étude, nous nous sommes interrogés sur le rôle des chocs électriques délivrés lors d’un CFC sur la LTP hippocampique. Nous avons observé une LTP sur 55% des électrodes.

Chez l’animal, en raison de l’absence de langage articulé, il est a priori impossible de savoir si lors de l’exploration d’un contexte il apprend ou non à reconnaitre ce contexte. Cependant, il a déjà été montré qu’un apprentissage de type CFC mais sans choc électrique permet une rétention mnésique du contexte en utilisant une mesure a posteriori. Le protocole consiste à différer l’exposition au contexte et les chocs électriques. En effet, lorsque des rats sont pré-exposés à un contexte puis reçoivent le lendemain un choc électrique lors d’une très brève exposition à ce même contexte (expérience « immediate shock »), ils présentent une bonne mémoire de ce contexte 24h après le choc électrique, ce qui n’est pas le cas des animaux pré-exposés à un contexte différent. Ce phénomène s’appelle l’effet de facilitation par la pré-exposition contextuelle (« Contexte Pre-exposure Facilitation Effect », CPFE). Utilisé dans un premier temps dans le cadre d’un conditionnement gustatif aversif (Miller et al., 1989), il a été utilisé plus récemment pour disséquer l’implication de l’hippocampe et de l’amygdale dans les différentes composantes du conditionnement de peur au contexte.

Une injection d’anisomycine dans l’hippocampe juste après la pré-exposition mais pas juste après le choc électrique perturbe la mémoire à long terme dans le CFC (Barrientos et al., 2002). De même, inhiber l’hippocampe avant la pré-exposition contextuelle entraîne un déficit mnésique du contexte (Schiffino et al., 2011). Cela signifie que l’encodage de l’information contextuelle se fait lors de la pré-exposition au contexte et que l’association du choc au contexte est indépendante de l’hippocampe. L‘inactivation de l’amygdale par une injection locale de muscimol juste après un CFC classique, provoque un déficit de mémoire à long terme (Huff et al., 2005). La même équipe a montré que lorsque l’amygdale est inactivée au moment de la pré-exposition mais pas au moment du « immediate shock», les animaux présentent un taux de freezing au contexte plus faible que les contrôles. De plus, une inhibition de la synthèse protéique amygdalienne juste après la pré-exposition contextuelle n’entraîne pas de déficit mnésique alors qu’une injection d’anisomycine dans l’amygdale après la procédure du « immediate shock » provoque un déficit de mémoire à long terme du CFC (Huff et Rudy, 2004). Ces résultats témoignent de la nécessité d’une part de l’activité de l’amygdale pour moduler l’encodage du contexte et d’autre part de sa plasticité pour encoder le choc ou son association au contexte. Lorsque la pré-exposition est trop longue, le phénomène inverse peut être observé. C’est-à-dire que l’animal peut apprendre que ce contexte est sécurisant (puisqu’il ne s’y passe rien) et la session « immediate shock » n’est pas suffisante pour induire une peur du contexte. On parle dans

ce cas d’effet d’inhibition latente (Honey et Good, 1993, Schmajuk et Larrauri, 2005). Dans le cadre de nos expériences d’électrophysiologie, nous avons utilisé un protocole légèrement différent de celui classiquement utilisé pour l’étude de l’effet de facilitation de la pré- exposition contextuelle. Nous avons réalisé une expérience uniquement comportementale en parallèle permettant de vérifier que l’exposition au contexte telle que nous la réalisons est suffisante pour que les souris acquièrent une représentation de ce contexte (Figure 20).

Le groupe d’animaux pré-exposés au contexte présente un taux de freezing à ce contexte et au son plus importants que les animaux non pré-exposés (tests post-hoc de Bonferroni, p<0,01). Il n’y a pas de différence significative de freezing entre les deux groupes lors du test au contexte modifié, ce qui signifie que le taux de freezing basal est similaire d’un groupe à l’autre. Cependant, le groupe non pré-exposé présente un taux de freezing relativement élevé dans les trois tests. Une ANOVA à un facteur appliquée uniquement aux données de ce groupe ne fait ressortir aucune différence significative entre le freezing au contexte, au contexte modifié et au son, ce qui montre que ce groupe généralise une peur d’un choc électrique à ces environnements, sans associer spécifiquement le choc au contexte dans lequel il a été subi. Nous avons ainsi pu montrer qu’une exposition de 7min à un contexte est suffisante pour apprendre ce contexte, ce qui est en accord avec l’observation de LTP hippocampiques induites par cette exposition.

Figure 20 : Une pré-exposition de 7min à un contexte est suffisante pour que les souris apprennent le contexte. Une ANOVA à deux facteurs effectuée sur les valeurs d’arcsinus de la racine des taux de freezing montre un effet du test comportemental effectué (F(2,32)=57,32, p<0,0001), un effet marginalement significatif de la pré-exposition (F(1,32)=3,814, p=0,0686) et un effet significatif de l’interaction de ces deux facteurs (F(2,32)=19,71, p<0,0001). Les animaux non pré- exposés présentent un fort taux de freezing basal et une généralisation qui peut être due à l’absence de familiarisation des animaux dans cette expérience. Chaque groupe est constitué de 9 individus.

Dans la publication de Whitlock et collaborateurs (2006), les auteurs ont réalisé une expérience d’exposition au contexte d’évitement passif sans choc électrique (expérience « walk-through ») et n’ont pas observé de LTP. Cependant, dans le cadre de l’évitement passif, l’exposition au contexte est brève (environ 30 secondes), il est donc probable que cette durée soit insuffisante pour induire une rétention du contexte, ce qui peut expliquer l’absence de LTP hippocampique chez ces animaux.

En comparant les données de cette expérience avec celles de l’expérience 1, on remarque qu’une LTP des collatérales de Schaffer est plus souvent détectée lors de l’exposition à la nouveauté contextuelle que lors d’un CFC. Cependant, la LTP mesurée semble être de moins grande amplitude. Le seul facteur qui change entre les deux expériences est la présence ou non de chocs électriques lors de l’apprentissage du contexte. Il est possible que lors de l’exposition à la nouveauté, les sites de LTP des collatérales de Schaffer soient plus nombreux (expliquant une détection de LTP plus fréquente) mais moins ample sur chaque site (expliquant une mesure moins ample de LTP). En reprenant l’hypothèse des « hot spots » formulée dans l’expérience 1, il est également possible que des événements de même amplitude soient tout simplement disséminés de manière plus homogène dans l’hippocampe suite à l’exposition à la nouveauté que lors du CFC. (Figure 21). L’amygdale est une structure qui peut moduler la plasticité hippocampique en fonction des émotions (Huff et al., 2006). Il a notamment été montré qu’une forte activation de l’amygdale baso-latérale modifie la balance LTP/LTD de l’hippocampe au niveau du DG (Nakao et al., 2004), ce qui module peut-être indirectement celles de CA3 et de CA1. Il est donc probable que les afférences amygdaliennes de l’hippocampe soient impliquées dans cette distribution différente de la plasticité dans CA1 lors d’un apprentissage contextuel. Dans le cadre du CFC où le stress est plus important, l’amygdale pourrait contribuer à renforcer la LTP de certains « hot spots » de CA1, au détriment d’autres zones, par rapport à un apprentissage moins aversif. Les annexes 1 et 2 de ma thèse présentent des expériences visant à étayer ces hypothèses encore fragiles.

Figure 21 : Représentation schématique de la théorie des « hot spots ». L’ensemble des cercles représente les synapses des collatérales de Schaffer sur la région CA1 hippocampique. En bleu, les synapses sans LTP, en rouge les synapses avec LTP. Les rectangles représentent une zone d’enregistrement pour laquelle une LTP est détectée (vert) ou non (orange). Cette théorie des « hot spots » pourrait expliquer pourquoi lors d’un CFC, les chances d’observer une LTP sont plus faibles que lors de l’exposition à la nouveauté contextuelle, mais avec une amplitude plus importante.

Expérience 3 : Etude pharmacologique de la LTP