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Section 1 : Expériences significatives et apprentissage dans l’utilisation autonome de

2.   Séquences d’exploration du travail (dite « d’enquête ») : une perception-évaluation de

2.2.4.   L’expérience par procuration par la projection empathique de soi dans l’autre

Dans ce cas de figure, sous l’influence d’une forte dimension empathique, le degré d’immersion mimétique conduit l’ES à se projeter à la place du pair observé. Ceci constitue une forme d’expérience par procuration, aussi appelée expérience vicariante dans la littérature, qui est une forme d’expérience fictionnelle particulière en ce qu’elle place l’ES

avec le pair observé voire à sa place au cœur de la situation. L’ES « fait corps » avec le pair

observé et ainsi sent et ressent de façon fictionnelle ce qu’il sent et ressent ou semble sentir et ressentir. Ces expériences par procuration sont a priori descriptibles comme toute autre expérience. Celle qui est décrite ci-après est très représentative du degré d’immersion qu’implique la paire étoile 4. Elle est vécue par Charly, par procuration via l’observation de l’activité de Romain.

186 Extrait 59 (Charly/Session 1/Entretien de second niveau/1’18)

[Le chercheur demande à Charly s’il veut bien revenir sur son visionnement de la situation de classe de l’activité typique n°1 (Romain) lors de la formation académique de rentrée.]

Charly : Alors, il [le formateur] nous avait averti en nous disant « il y en a que ça va choquer, mais ça fait rien, il faut regarder ça. »

Chercheur : Ça t’a choqué toi ?

Charly : Ça m’a profondément ému, oui. Parce que je me suis projeté dans la peau de Romain, et je me suis dit « mais c’est effrayant, la pression à laquelle il est soumis, le pauvre… Avec tous ces élèves il peut évidemment rien faire. » Donc j’ai compris pourquoi il restait les bras croisés au fond de la salle. Il fallait se protéger, hein, c’est violent… Et j’ai pas tellement été capable d’analyser les causes… […] D’ailleurs ce qui est surprenant et qui m’avait frappé, c’est qu’entre une entrée en classe réussie, et une entrée en classe ratée, y a dix ou quinze minutes de cours qui sautent. C’est extrêmement important. C’est-à-dire qu’il y a un gain en temps très important. […] Et puis alors on en est resté là, et moi je suis rentré chez moi là-dessus. Et je me suis dit « merde comment ça va se passer la rentrée ? Je vais devoir faire face à des élèves qui vont se ruer dans ma classe comme ça ?! »

UE : Observant la situation de classe de l’activité typique 1 « Mise à l’épreuve», se projette de façon empathique à la place de Romain

Representamen (R)

- Le caractère insurmontable de l’agitation des élèves - Les bras croisés, l’attitude de protection de Romain

- La forte vraisemblance de la situation quant à sa propre rentrée, entrée dans le métier - Une profonde émotion, un sentiment de désemparement et d’inquiétude

Engagement (eR)

Non documenté

Actualité Potentielle (aR) (inférée)

- Attentes liées au caractère critique de la situation, annoncé par le formateur Référentiel (sR)

- Il est nécessaire de se protéger en situation de classe critique Interprétant (I)

Stabilité du type mobilisé Élaboration d’un nouveau type :

- L’entrée en classe est un moment déterminant qui conditionne fortement la suite du cours

Tableau 24 : Documentation hexadique de l’expérience vidéo relatée dans l’extrait 59

Bien que l’observation de la vidéo débute sans qu’un enjeu particulier ait été perçu – outre « l’avertissement » du formateur – l’immersion mimétique atteint un fort degré qui conduit Charly à se mettre à la place de Romain, et à vivre par procuration la « criticité » de la situation. Très significative pour lui, cette expérience s’accompagne de l’élaboration d’un type relatif aux enjeux de la situation d’entrée en classe vis-à-vis du cours tout entier. On

187 constate que le fait que l’enquête soit « suspendue » avec la fin de la formation, alors qu’un enjeu majeur vient d’être identifié, est très anxiogène pour Charly qui pense ne pas disposer a priori des moyens d’y faire face (élément expliquant d’ailleurs en partie le haut degré d’immersion et de criticité perçue dans la situation). Cet exemple nous permet de souligner la contrepartie potentiellement négative du processus immersif favorisé par l’utilisation de la vidéo, qui constitue un point de vigilance nécessaire pour le concepteur/formateur.

La description fine des expériences vécues par les ES semble indiquer que différentes formes d’immersion rendent possibles différentes formes d’engagement réflexif. De plus, la composante immersive semble évoluer de façon inverse à la composante réflexive : on constate une analyse très distanciée en cas de faible immersion (Paire étoile 1) et une « subjugation émotionnelle » en cas de forte immersion (Paire étoile 4). Néanmoins, il semble difficile de hiérarchiser l’intérêt respectif des différentes paires d’immersion-enquête et, quoi qu’il en soit, de les maitriser comme autant de « variables didactiques » en formation. En revanche, ces résultats laissent à penser que la médiation d’un formateur puisse constituer une aide précieuse, en favorisant/défavorisant le processus immersif de l’ES par l’encouragement/découragement de mises en relation de son activité avec l’activité visionnée.

Évaluation et typification de la viabilité des couplages

2.3.

[enjeu/unité de travail]

L’enquête est susceptible d’aboutir à la typification de couplages [enjeu/unité de travail] plus viables que ceux déjà connus par l’ES (la plupart du temps pour avoir déjà été mis en œuvre) mais plusieurs conditions doivent être agencées – dont celles concourant à l’immersion mimétique – pour que de telles sémioses se produisent et s’enchainent. L’enquête d’un ES dans NP@ n’est pas une sélection mécanique d’unités de travail qu’il analyserait chronologiquement et méthodiquement, et qu’il évaluerait à partir d’une batterie de tests systématiques, ou d’une « check-list » de critères. Au contraire, il s’agit d’unités sélectionnées et évaluées en temps réel, en référence à des types et réseaux de types normant leur viabilité pour l’ES lui-même, de son point de vue (Hyp.5). Ces types ne sont pas mobilisés tous et à tout instant de l’enquête mais seulement en fonction de ce qui est significatif pour l’ES au cours de sa navigation. Ils permettent l’extraction des couplages [enjeu/unité de travail] des situations observées et l’extension de leur validité (ou invalidité) au propre référentiel de l’ES.

188 Bien qu’étant syncrétiques du point de vue de l’expérience, ils sont accessibles et discriminables par la documentation du référentiel de l’ES. Nous avons pu repérer quatre registres de types de viabilité, chacun exemplifié ici par des verbatim indiquant une évaluation positive (tendance à la validation) versus négative (tendance à l’invalidation) :

(i) des types d’efficacité : relatifs au potentiel éducatif, au projet didactique, aux objectifs assignés à une situation d’enseignement ;

Exemples : « je trouve que cette organisation du travail favorise ce qui est important : les

interactions… » versus « là je trouve que son mode d’intervention ne laisse pas assez de temps de parole aux élèves… » ;

(ii) des types de soutenabilité : relatifs à l’économie de soi en situation, au calme, au confort d’intervention ;

Exemples : « c’est très fort de contrôler ces élèves difficiles simplement par sa présence,

ses déplacements, ses regards… », versus « c’est vrai que les élèves finissent par se mettre au travail, mais quelle énergie dépensée par l’enseignante.. ! » ;

(iii) des types d’acceptabilité : relatifs à une déontologie51, à des valeurs, à une éthique professionnelle ;

Exemples : « je trouve cette situation très valorisante pour les élèves, notamment ceux

particulièrement en difficulté… » versus « ces règles sont trop autoritaires et infantilisantes selon moi… » ;

(iv) des types d’accessibilité : relatifs à la possibilité perçue ou non d’adopter/adapter les unités identifiées.

Exemples : « ça c’est certain, dès demain j’essaie. » versus « c’est sûr que ça a l’air

facile comme ça… mais j’en suis tellement loin ! ».

Les types de viabilité qui sont mobilisés par les ES au cours des séquences d’enquête sont donc des combinaisons et déclinaisons complexes et situées de ces quatre registres. Ils rendent possible l’attribution d’une valeur aux unités de travail identifiées, par rapport à l’enjeu auquel elles sont censées répondre du point de vue de l’ES. Elles sont donc valorisées ou dévalorisées en fonction de l’histoire des couplages similaires vécus ou imaginés par l’ES.

51 À la suite de Prairat (2009), nous considérons la déontologie comme une délibération normative de l’ES par laquelle les activités sont valorisées (acceptées) ou dévalorisées (rejetées), vis-à-vis des critères auxquels il entend se soumettre.

189 L’exemple qui suit est un extrait d’entretien avec Aude confrontée à l’enregistrement de son parcours sur NéoPass@ction, au moment où elle revient sur le visionnement d’une vidéo dont la lecture du titre, « des règles économiques » a résonné avec une préoccupation d’enseignement vive pour elle : mettre les élèves au travail dans une relative économie de soi.

Extrait 60 (Aude/ERS1/UE 53/34’38)

Chercheur : et donc là tu es allée voir…

Aude : « Des règles économiques » [titre de la vidéo]. Ça m’intéresse parce que du coup… de savoir comment s’économiser…

Chercheur : et alors la vidéo portait bien son nom ?

Aude : Je trouve qu’elle [l’enseignante filmée] parle beaucoup quand même. Pour des règles censées être économiques. Le fait qu’elle insiste sur « comme d’habitude », c’est pas mal, mais elle continue à beaucoup parler… On est loin de ce qu’on nous dit à l’IUFM52 : « vous êtes censés parler le moins possible. »

UE 53 : Observant la situation de classe de l’activité typique 5 « Des règles économiques » (Lucie), recherche des pistes pour s’économiser en situation d’enseignement

Representamen (R)

- L’usage répété de la formule « comme d’habitude » - Le long temps de parole de l’enseignante filmée Engagement (eR)

- Trouver des pistes pour mettre les élèves au travail de façon économique Actualité Potentielle (aR)

- Attentes relatives à l’identification de techniques, de façons de faire économiques Référentiel (sR)

- Insister oralement sur le caractère habituel de la situation est efficace – type d’efficacité - Un enseignant (d’anglais) doit parler le moins possible – type d’efficacité

- L’économie de soi passe par une économie de parole – type de soutenabilité Interprétant (I)

Gain de validité des types mobilisés Pas d’élaboration de nouveau type

Tableau 25 : Documentation hexadique de l’expérience vidéo relatée dans l’extrait 60

Dans cet extrait, bien que l’enjeu perçu dans la situation (« l’économie de soi ») fasse écho à une préoccupation vive, l’enquête d’Aude est infructueuse. En effet, les unités de

52 Sans que nous l’ayons documenté ici, nous pouvons faire une hypothèse assez robuste selon laquelle le « discours » des formateurs de l’IUFM serait que l’enseignant doit peu parler pour maximiser le temps de parole des élèves, donc à des fins didactiques.

190 travail circonscrites dans l’activité de Lucie (l’enseignante observée), relatives à l’utilisation de la parole, ne sont pas valorisées ; cela bien qu’elle ne les invalide pas pour leur manque d’efficacité vis-à-vis de la mise au travail des élèves. Ses verbatim indiquent qu’elle les invalide car elles ne sont satisfaisantes ni vis-à-vis d’un type d’efficacité relatif à l’enseignement de sa discipline (en accord avec les préconisations institutionnelles pour l’enseignement des langues), ni vis-à-vis d’un type d’économie relatif à l’économie de parole. Il est évident que le visionnement d’une même vidéo peut actualiser chez les ES des préoccupations et des types différents. C’est l’ES qui spécifie, en fonction de sa propre histoire et de sa propre culture, notamment disciplinaire, ce qui est significatif pour lui à chaque instant et qui « fait enquête » ou non. L’exemple suivant concerne la même vidéo que celle visionnée par Aude dans l’exemple précédent, mais visionnée cette fois par une autre ES, Émilie (professeur d’éducation physique et sportive).

Extrait 61 (Émilie/ERS1/UE 6/1’18)

Émilie : Elle est vraiment très présente. Elle regarde… N'importe quel geste… Par exemple, je me souviens : quand elle dit quelque chose, elle le répète une deuxième fois. « Restez debout, en silence. » Ça va relativement vite, ce sont des routines qu'elle a installées. Mais ça reste très autoritaire.


[…]

Chercheur : c'est satisfaisant, d'après toi, cette façon d'agir ?

Émilie : Elle est satisfaisante, parce que les élèves se mettent au travail, elle va jusqu'à ses fins... Mais c'est vraiment trop autoritaire…

UE 6 : Observant la situation de classe de l’activité typique 5 « Des règles économiques » (Lucie), recherche des pistes pour s’économiser en situation d’enseignement

Representamen (R)

- La forte « présence » de l’enseignante filmée par ses regards et ses gestes - Les paroles systématiquement répétées de l’enseignante filmée

- La rapidité avec laquelle les élèves se mettent au travail - L’aspect routinier de la situation observée

- L’autoritarisme de l’enseignante filmée Engagement (eR)

- Trouver des pistes pour mettre les élèves au travail de façon économique Actualité Potentielle (aR)

- Attentes relatives à l’identification de techniques, de façons de faire économiques Référentiel (sR)

- Mettre rapidement les élèves au travail nécessite des routines – type d’efficacité - L’autoritarisme n’est pas souhaitable dans l’enseignement – type d’acceptabilité

191 Interprétant (I)

Gain de validité des types mobilisés Pas d’élaboration de nouveau type

Tableau 26 : Documentation hexadique de l’expérience vidéo relatée dans l’extrait 61

Émilie n’apprend pas non plus dans cette situation car son enquête est infructueuse. Elle est plutôt confortée dans ses convictions et critères de viabilité. L’enquête porte sur le même enjeu que celle d’Aude : mettre les élèves au travail dans une relative économie de soi, mais Émilie ne perçoit pas tout à fait les mêmes indices, et n’effectue par les mêmes interprétations. En effet, elle identifie comme Aude des actions de paroles répétées, mais aussi des gestes, des regards et un caractère routinier concourant à une forte « présence » de l’enseignante dans la classe, qui lui fait apprécier une certaine viabilité de la situation vis-à-vis de l’enjeu perçu (« Elle est satisfaisante, parce que les élèves se mettent au travail, elle va jusqu'à ses fins »). Ses types d’efficacité relatifs à la mise au travail et aux apprentissages des élèves sont donc satisfaits, mais pas ses types d’acceptabilité relatifs à l’intervention en classe et à la relation aux élèves. Les actions de Lucie sont en effet évaluées comme trop autoritaires. Lorsque ces séquences d’enquête n’aboutissent pas sur des apprentissages nouveaux, comme dans les exemples présentés, elles peuvent néanmoins renforcer des types déjà construits ou induire une posture de vigilance, dans le champ des préoccupations professionnelles, vis-à-vis de l’enjeu perçu (« je vais essayer de penser à regarder plus mes

élèves ») – mais aussi, potentiellement, un sentiment de frustration (« ça ne dit pas comment il faut faire… »).

Nature des couplages [enjeu/unité de travail] typifiés

2.4.

Lorsqu’au cours de l’enquête de l’ES émerge un representamen correspondant à sa structure d’attentes, c’est-à-dire une « piste pour l’intervention », la séquence est prospective et s’accompagne de la typification du couplage [enjeu/unité de travail] constituant cette piste, c’est-à-dire d’une extension de sa validité-viabilité perçue au référentiel de l’ES. Les unités de travail constitutives des couplages typifiés par les ES de notre étude sont de quatre natures : (i) un savoir sur le métier (propositionnel) ; (ii) une technique (corporellement incarnée) ; (iii) un aménagement de l’espace de travail (produit d’une activité antérieure) ; (iv) une règle (principielle et composite). Notons que ces quatre catégories sont phénoménologiques : elles discriminent les unités de travail telles qu’elles sont perçues par les ES. Une analyse

192 méthodique de l’activité des enseignants montrerait que ces différentes unités de travail sont associées de façon complémentaire : une règle s’exerce via des techniques et à l’aide d’aménagements qui n’ont souvent de sens que par rapport à elle, et les savoirs sont omniprésents. Mais c’est bien ce qui fait signe pour les ES qui nous intéresse ici.

2.4.1. Typification d’un savoir symbolique sur le métier

Nous pouvons considérer un savoir symbolique comme une unité de travail même s’il est propositionnel et ne s’accompagne pas d’une action pratique. Mobiliser un savoir symbolique est une action de pensée qui peut être significative dans le cours d’expérience. Aussi la délimitation dans NP@ d’un tel savoir, formulé dans un texte, restitué par un pair ou élaboré par un chercheur, peut-elle participer de l’instruction d’un enjeu, donc d’une enquête. À ce titre ce savoir peut être perçu comme viable et typifié. Assimilé au référentiel il constitue alors une croyance ayant une valeur pour l’intervention, qu’elle soit validée en tant que restitution d’expérience d’un pair crédible ou en tant qu’analyse scientifique probante. L’exemple qui suit est un extrait d’entretien avec Aude à un moment où elle revient sur son visionnement du témoignage de Lucie, au cours duquel celle-ci restitue ses propres expériences d’inconfort en lien avec celle de Romain (activité 1) :

Extrait 62 (Aude/Session 1/Entretien de second niveau)

Aude : Mais vraiment les débutants c’est vraiment heu… Essayer de comparer… Je pense que ce qui est intéressant c’est de dire « moi aussi j’ai connu ça ». Je pense que c’est ça qui apporte aussi beaucoup. Chercheur : Alors quelle utilité ça revêt, ça..? Le fait que les débutants disent « ah, cette situation, je la reconnais... Moi je l’ai vécue aussi… »

Aude : C’est vraiment de se dire que oui, en fait finalement on n’est pas forcément les seuls… Là par exemple que c’était le bazar dans la classe, ben oui j’ai fait la même erreur, je ne suis pas la seule à avoir fait cette erreur, d’autres gens, en l’occurrence ici d’autres débutants ont eu la même erreur et ont réussi peut-être à trouver une façon… nouvelle, de résoudre ce problème, quoi.

Chercheur : Donc il y a un rôle un peu déculpabilisant ?

Aude : Ouais. […] Des débutants, en tout cas ce que moi je ressens, c’est que même si on a le tuteur qu’on peut aller voir en classe, en cours, et qui vient dans notre cours on a quand même par moment besoin de savoir « est-ce que ce que je fais c’est bien ? » et on n’a pas de retour vraiment sur comment ça se passe ailleurs. Et c’est ce qui est bien dans les vidéos « témoignages » des débutants ou les vidéos qu’on a là [désigne les vidéos de classe] c’est que vraiment on a d’autres façons de faire où on voit comment… on se sent moins seul en fait. »

Dans cet extrait d’autoconfrontation de second niveau, Aude exprime ce qu’elle ressent souvent lorsqu’elle visionne des vidéos de classe ou de témoignage de débutants. Elle évoque la typification progressive d’un savoir symbolique sur le métier qui pourrait être formulé

193 comme suit : « Faire des erreurs et rencontrer des difficultés est normal et inhérent à l’entrée dans le métier ». La validité de ce savoir pour Aude tient (i) à sa vraisemblance étant donné que dans NP@ de nombreux pairs montrent ou évoquent leurs difficultés et (ii) à une valeur déculpabilisante dans une situation que l’on pourrait qualifier de typique-critique (« le bazar

dans la classe »). En donnant à Aude l’opportunité (assez inédite d’après elle) de se situer –

positivement – vis-à-vis de ses pairs, NP@ contribue ici à un gain d’acceptabilité de moyens d’intervention passés ou en cours et en partie insatisfaisants. Le savoir qui est typifié participe ainsi à une évolution des réseaux de types de viabilité personnelle, qui ne sont pas déconnectés mais en étroite interrelation. Par ailleurs, il ne semble pas que ce gain d’acceptabilité encourage les ES à se complaire dans un agir insatisfaisant, mais tende plutôt à renforcer la confiance en soi et en sa propre capacité à s’améliorer.