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Chapitre 2 : Quelles politiques pour l’amélioration des systèmes de santé en Afrique Sub-saharienne ?

1. Les politiques de santé en Afrique sub-saharienne

1.3. De l’exemption de paiement à la couverture maladie universelle

L’exemption de paiement direct des soins ayant déjà été développé en introduction générale, une section lui sera consacrée pour mettre plus accent sur la couverture maladie universelle (CMU) considérée comme la réforme sanitaire intégrant et succédant à l’EPS (Lagomarsino et al., 2012 ; Ridde, 2012 ; RCI, 2013).

1.3.1. L’exemption de paiement des soins

Selon Witter et al. (2008) , l’EPS concerne « toute réduction officielle des paiements directs pour les soins, visant un groupe, une région ou un service» (Witter et al.,2008). Etant donné que la littérature portant sur l’EPS, au niveau africain, a été mis en évidence en introduction générale, les lignes suivantes, préciseront les effets de cette politique sur la satisfaction des usagers dans le contexte ouest-africain. Rapportant, les connaissances disponibles en termes de politiques et programmes d’exemption de paiement direct des soins en Afrique de l’Ouest, Robert et al. (2012) relèvent que dans les pays sous étude, que sont le Burkina-Faso, le Ghana, le Niger et le Mali ayant des politiques d’EPDS essentiellement ciblées :

- « aux soins maternels et infantiles et néonataux d’urgence (SONU) ; - aux femmes enceintes indigentes ;

- aux services liés à l’accouchement ;

- aux services pour les enfants de moins de cinq ans ;

- au traitement antipaludéen pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans ; aux césariennes dans les services publics ;

- à la prise en charge de personnes atteintes du VIH/Sida. » (Ridde, 2012).

Les principales tendances qui se dégagent au sujet de la satisfaction des usagers sont les suivantes :

- « les femmes sont grandement satisfaites de l’EPDS en raison de l’occasion qu’elle offre de pouvoir anticiper sur les dépenses, de les diminuer et de payer à postériori ;

- la majeure partie des répondants apprécient l’EPDS ;

- la défiance des usagers vis-à-vis du personnel soignant, et en ce qui concerne les coûts ; - le doute des usagers quant à l’effectivité de la prise en charge gratuite. » (Ridde, 2012).

1.3.2. La couverture sanitaire universelle (CSU)

1.3.2.1. Définition du concept de CSU

La couverture universelle en santé se définit comme étant « un accès universel aux prestations de santé avec une protection sociale correspondante » (OMS, 2008). Pour atteindre la couverture universelle en santé, l’OMS au travers de son rapport de 2010 relève trois dimensions à prendre en compte, qui permettent de conceptualiser la notion de couverture universelle. Ces trois dimensions, représentées à la figure 8, sont les suivantes :

- Les services de santé nécessaires : la question posée, à ce niveau, est celle de savoir quels services devront bénéficier de la couverture ?

- Le nombre de personnes ou encore les catégories de personnes qui seront concernées par la couverture : Quelles seront les personnes qui bénéficieront de la couverture ?

- Le coût des soins pour ceux qui devront payer : jusqu’à quel montant les coûts seront couverts ?

Pour une meilleure compréhension de ce concept de ‘‘couverture universelle’’ passant par ces trois dimensions, la figure 8 apparaît comme intéressante. En effet, l’évaluation de ces trois dimensions, à partir d’indicateurs de santé, permet de déterminer le niveau de progression, d’un espace donné, en ce qui concerne la couverture sanitaire universelle.

Figure 8 : Les trois dimensions de la couverture sanitaire universelle.

Source : Rapport sur la santé dans le monde 2013 (OMS, 2013)

Dans la figure 8, la partie intitulée « Fonds actuellement mis en commun » est « la situation hypothétique actuelle d’un pays où environ la moitié de la population est couverte pour environ la moitié des services disponibles, mais où moins de la moitié des coûts de ces services est couverte par les fonds mis en commun » (OMS, 2010).

De façon plus descriptive, dans cette figure, « le volume total de la grande boîte représente le coût de l’ensemble des services pour tout le monde à un moment donné. Le volume de la petite boîte bleue représente les services et les coûts de santé qui sont couverts par des caisses communes préfinancées » (OMS, 2013). Autrement dit, plus la boîte bleue augmente de volume, plus les services et coûts de santé sont assurés par des fonds mis en commun. D’un autre côté, l’augmentation de la base du cube, uniquement, c’est-à-dire de la population couverte et des services couverts, avec une réduction de la hauteur du cube, c’est-à-dire des coûts directs supportés par la population pour bénéficier des soins, traduit une bonne progression vers la couverture sanitaire universelle. En effet, l’objectif de la couverture sanitaire universelle, est la protection contre le risque financier, dans la démarche d’accès aux soins des populations. Dans ce cadre, le prépaiement est adopté, en opposition au paiement direct au point de service de santé.

Maintenant, abordons dans le détail ces trois dimensions du concept de couverture universelle :

 Les services de santé couverts

Ces services peuvent concernés soient la prévention, le traitement, la rééducation et les soins palliatifs (OMS, 2013). A ce niveau, les services devant bénéficier de la couverture devront être ceux qui seront identifiés comme essentiels, nécessaires aux besoins sanitaires de la population mais aussi ceux considérant les attentes de la population ainsi que la capacité de cette population à allouer ses ressources au secteur santé en termes de prépaiement (OMS, 2008).

 La population bénéficiaire de la couverture

Cette population devra être celle qui n’est pas assurée, qui n’a pas accès aux soins et qui n’est pas protégée contre le risque financier engendré par les dépenses de santé catastrophiques liées au paiement direct au point de service de santé (OMS, 2008 ; OMS, 2013).

 La proportion des coûts couverts

Il s’agit, à ce niveau, de « la proportion du coût des soins de santé qui sera couverte par la mise en commun des cotisations et les mécanismes de prépaiement, en réduisant la participation financière de l’usager sous forme de paiement direct au lieu où sont donnés les soins » (OMS, 2008). Ainsi, la progression vers une couverture sanitaire universelle passe par l’abandon du paiement direct au profit de mécanisme de prépaiement.

1.3.2.2. La progression vers la couverture sanitaire universelle

 En Afrique sub-saharienne

De façon générale, la progression vers l’objectif de couverture sanitaire universelle repose sur une politique de SPDSS préalablement menée ou se fait simultanément à la mise en œuvre d’une politique de SPDSS. (Lagomarsino et al., 2012 ; Ridde, 2012 ; RCI, 2013). Ainsi, la réalisation de la CSU se présente comme un processus de long terme, d’où la notion de progression qui lui est souvent rattachée. Dans le contexte africain, une étude consacrée aux réformes nationales d’assurance maladie dans des pays en développement en Afrique et Asie met en évidence que la plupart des pays sous étude ont vu « la part dépenses des administrations

publiques en santé en pourcentage des dépenses totales en santé augmentée entre 5 et 11 points pour certains (Ghana, Indonésie, Rwanda et Vietnam) et entre 1 et 3 points pour d’autres (Inde, Kenya, Mali et Nigéria). Ensuite, que certains de ces pays étendent leur fond de couverture au travers des revenus des taxes comme c’est le cas pour le Ghana, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines, et le Vietnam tandis que d’autres tels que le Kenya, le Nigéria et le Rwanda poursuivent la collecte de contributions volontaires des ménages malgré les obstacles que cela implique. Aussi, bien que certains pays aient privilégiés, à l’origine des réformes, les patients hospitalisés, ceux-ci tendent à faire bénéficier les services de santé primaires et préventifs en raison du fait que ces services sont souvent très coûteux pour les usagers mais aussi ont un plus grand impact sur la santé des populations. » (Lagomarsino et al., 2012)

 En Côte-d’Ivoire

La figure 9 présente la situation de la Côte-d’Ivoire concernant la progression vers la couverture sanitaire universelle. Cette figure traduit le faible niveau auquel se situe la Côte- d’Ivoire en matière de couverture sanitaire universelle. En effet, Bissouma-Ledjou et al. (2015), dans leur analyse du suivi des progrès de la Côte-d’Ivoire vers la CSU, ont réalisé cette modélisation. Cette modélisation a été faite à partir d’indicateurs de protection contre le risque financier. Ces indicateurs représentent le pourcentage de la population couverte par un mécanisme de prépaiement, la proportion des paiements directs dans les dépenses de santé (DTS) et le taux d’utilisation des services de santé. Ces indicateurs ont des valeurs, respectivement, de 7,08%, 51,08% et 27,50% entre 2012-2013, comme démontré dans la figure 9. (Bissouma-Ledjou et al., 2015).

Figure 9 : Modélisation du cube de la CSU (situation de base) en Côte d’Ivoire

La figure 9 permet de faire la transition vers l’évolution de la politique sanitaire ivoirienne dans la section suivante. En effet, l’évolution de la politique sanitaire ivoirienne pourrait expliquer ce niveau faible de progression vers la CSU, pour la Côte-d’Ivoire.