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L’exemplarité environnementale et le service public en confrontation

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 197-200)

énergétique à l’environnement, des intérêts mouvants pour la synergie

B. Le système énergétique

II. L’exemplarité environnementale et le service public en confrontation

D’une ancienneté bien moins grande que la synergie de Dunkerque, les intérêts attachés à la synergie du Val d’Europe sont apparus plus clairement au cours de notre enquête, tout comme les dissensions quant à l’origine du projet. Ces derniers sont analysés dans une première section (A). Dans une seconde, nous montrons comment leur confrontation mène au choix de formes particulières de commercialisation et gestion du réseau auxquelles les acteurs sont peu habitués et ne souscrivent pas tous (B).

A. Des origines floues et à la paternité disputée, mais des intérêts clairs L’histoire de la récupération de chaleur au Val d’Europe remonte à l’année 2007. À cette époque, l’opération d’aménagement du PIE est déjà bien avancée et la commercialisation de premiers lots est en cours. Le SAN du Val d’Europe prépare alors la construction d’une piscine, le projet en étant plus qu’à ses débuts puisque la phase d’appel d’offre aux entreprises de construction et d’exploitation de l’équipement s’apprête à être lancée.

111 Ce point peut sembler évident mais, dans les faits, certains systèmes de production d’énergie fonctionnent mieux lorsqu’ils ne sont jamais arrêtés (nous le verrons à nouveau dans le chapitre suivant), ce qui pourrait inciter les acteurs à privilégier une utilisation des chaudières d’appoint en continu, même lorsque la chaleur provenant du data center est suffisante.

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« Nous, on en était au projet, proche du DCE [Dossier de Consultation des Entreprises], on lançait la consultation. On était parti à l’époque sur une chaufferie bois sur la piscine, parce qu’on voulait quelque chose de vertueux. »

Entretien avec le directeur des services techniques du SAN du Val d’Europe 24/09/2014

Figure 5.11 : Localisations du data center et du centre aquatique – Réalisation personnelle à partir d’un fond Google Earth (16/05/2016)

Toutefois, malgré l’idée de chauffer la piscine par la biomasse (le bois), le directeur général du SAN de l’époque réalise qu’une demande de permis de construire a été déposée pour la construction d’un data center sur le PIE (voir Figure 5.11). Une banque française cherche en effet à la même période à construire son propre data center pour rationaliser la gestion de ses serveurs informatiques. L’idée pour cette dernière est ainsi de ne pas dépendre d’un opérateur chez lequel elle louerait des espaces pour installer ses serveurs.

« Nous, on avait un besoin informatique récurrent depuis des années et puis un besoin de sécurisation de notre parc informatique et de nos actions. L’intégralité de notre parc informatique à l’époque était dans un centre informatique qui avait été construit en 1986, chez nous. Ce centre informatique étant trop petit, on a débordé sur des hébergeurs extérieurs avec la problématique qui s’est posée de la sécurisation de ces hébergeurs en matière de … pas en matière de données, mais plus en matière de continuité de fonctionnement. Ce sujet est devenu trop récurrent et on a décidé de construire deux centres informatiques pour accueillir l’intégralité des matériels

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informatiques chez nous, avec notre propre exploitation. Comme ça, au moins, on était chez nous, on exploitait nos propres exploitations. »

Entretien avec le responsable des travaux de la banque, 10/12/2014 À la suite d’une prospection complexe qui doit permettre de révéler deux localisations ni trop proches ni trop éloignées pour construire deux data centers « miroirs », décision est prise d’implanter l’un des deux sur le parc d’entreprises du Prieuré.

« Deux centres ont été lancés en construction, un à Bailly-Romainvilliers [sur le parc du Prieuré] […] et un à Lieusaint. Espacés de 35 km, puisque ça a été conduit en analyse de risque, risque régional, risque national, comment construire les centres suffisamment proches pour que les données … parce que c’est deux centres miroirs, complètement miroirs. C’est-à-dire qu’une donnée à Bailly est la même qu’à Lieusaint.

Donc après, il y a des problématiques de transfert des données, il ne faut pas qu’ils soient trop éloignés pour rester dans la même configuration. Pour autant, il faut qu’ils soient suffisamment éloignés pour que le risque, tous les risques soient minimisés.

C’est-à-dire qu’un risque régional n’impacte pas les deux centres et qu’on se retrouve sans centre informatique. »

Entretien avec le responsable des travaux de la banque, 10/12/2014 À cette période, le SAN du Val d’Europe et les communes locales sont très favorables à l’installation de data centers sur leur territoire et tout particulièrement à celle du data center de cette banque en particulier : « c’était un joli nom, c’était quand même une belle enseigne » (Entretien avec la directrice du développement économique du SAN du Val d’Europe, 03/10/2014). Outre le prestige que les acteurs publics associent à ces activités, les revenus fiscaux qu’elles peuvent générer influencent fortement leur décision. Toutefois, ces derniers diminuent largement lors du passage de la Taxe Professionnel à la Contribution Territoriale des Entreprises en 2010. La collectivité réévalue alors l’intérêt d’accueillir de tels équipements sur le territoire.

« La taxe professionnelle, dedans, ce sont les immobilisations qui sont taxées. Donc pour les data centers, c’est colossal. Les immobilisations, c’est tous les serveurs, donc ça nous rapportait énormément en termes de fiscalité. Manque de bol, juste quand ils sont arrivés, juste après, il y a eu le changement avec la CET, la contribution économique territoriale, qui est séparée entre la contribution économique foncière et la contribution sur la CVAE, la taxe sur la valeur ajoutée. Et là, ça a complètement changé la donne, puisque ce n’est pas du tout appliqué sur les immobilisations. C’est sur la valeur locative, ce qui veut dire que maintenant un data center, ça rapporte que dalle en fiscalité. Pas grand-chose. Et il y a très peu d’emploi, et ça mange du foncier. Donc on a dit OK, ça on le voulait on l’a eu […] [Après l’installation de plusieurs data centers], on

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s’est dit là stop, on arrête. Ça nous mange plein de parcelles, on arrête de vendre du foncier pour avoir dix emplois et que ça ne nous rapporte pas énormément. »

Entretien avec la directrice du développement économique du SAN du Val d’Europe, 03/10/2014 Sur ce point précis, un court détour par le territoire francilien de Plaine Commune, qui regroupe dix communes au nord de Paris, nous permet de montrer que ces conclusions ne sont pas propres au Val d’Europe et qu’elles ne sont pas étrangères à l’intérêt porté par les collectivités à la récupération de chaleur fatale. Ce territoire est en outre évoqué au cours des entretiens au Val d’Europe pour les réflexions qui y ont été portées a posteriori quant aux implications de l’implantation de ces équipements. En effet, de nombreux data centers s’y installent au cours des années 2000 et 2010 pour profiter d’une disponibilité foncière et d’un accès facilité aux réseaux d’électricité et de télécommunications (voir Encadré 5.3 pour comprendre les logiques générales de localisation des data centers). L’Agence Locale de l’Energie et du Climat locale (ALEC Plaine Commune) se saisit du sujet pour alerter les acteurs du territoire sur l’impact énergétique de ces équipements à travers la diffusion d’un rapport repris dans la presse (ALEC Plaine Commune, 2013) qui participe à l’essor de revendications locales contre l’implantation des data centers de la part d’habitants. Si les nuisances sonores et les risques qu’ils induisent112 en sont le moteur, les arguments énergétiques sont repris pour appuyer le discours. Notamment, la question de la récupération d’énergie, ou plutôt de son absence, est évoquée et utilisée comme argument pour montrer un déséquilibre des rapports de force entre les opérateurs de data centers et les acteurs du territoire.

« La population qui vit … une bonne partie de la population n’a pas les moyens de se chauffer, donc on a beaucoup de familles qui ne se chauffent plus, qui ne se lavent plus à l’eau chaude et donc on avait demandé à ce que l’énergie qui est produite là puisse servir aussi pour les habitants et ça on a eu une fin de recevoir, je pense que … nos politiques n’ont pas osé en tout cas interpeller les patrons de cette grosse boîte. »

Une habitante de La Courneuve vivant à proximité d’un data center, lors d’un « Toxic Tour »113, 25/01/2015

112 Liés à la présence de groupes électrogènes.

113 Les Toxic Tour sont des marches organisées par un collectif de Seine-Saint-Denis dont le but est de donner à voir et à comprendre les activités aux retombées environnementales négatives dans le département. Le collectif milite pour davantage de justice environnementale, sur un modèle importé des Etats-Unis. Deux tours ont en particulier été organisés sur les data centers et nous avons suivi l’un d’entre eux, le 25 janvier 2015. Au cours de ce dernier, l’importante consommation d’électricité de ces activités a été évoquée à de multiples reprises.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 197-200)

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