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L’espace de travail, facteur anxiogène ?

Dans le document L’aménagement de l’espace de travail (Page 117-120)

L’organisation du travail en open space génère, nous l’avons vu, de nombreuses difficultés de concentration liées au bruit et au sentiment d’être sans cesse surveillé ; ces mêmes difficultés peuvent certaines fois conduire à des pertes de productivité, d’efficacité car entraînant une discontinuité des activités.

Mais cela va-t-il plus loin ? Le manque d’espace privé, l’exposition permanente au regard des autres confèrent-ils aux salariés des open space un sentiment d’insécurité conduisant à un mal être au travail induit par l’espace même du travail ?

La perte de reconnaissance, la perte de l’individu au service du collectif, le contrôle, la supervision constante, propres aux bureaux paysagers et autres

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open space, constituent d’autres facteurs de stress.

Le stress est un élément qui fait partie de la vie de tous les jours, mais lorsque son niveau est trop élevé, ou qu’il se transforme en mal-être, il peut devenir facteur de diverses pathologies, tant physiques que psychologiques. La question importante en l’espèce est de définir dans quelle mesure le fait de travailler en open space - et toutes les conséquences qui en découlent - constituent un facteur de stress ?

En France, alors que 60% des bureaux sont en open space, une étude récente de l’

nous indique que 50 à 60% des salariés travaillant en open space présentent une agressivité plus importante et des niveaux de stress beaucoup plus élevés. Selon les écrits de I. Altman exposés dans la première partie, ces réactions défensives pourraient être une réponse à des intrusions ressenties dans le territoire des salariés.

Une enquête menée par Le Figaro et Stimulus montre que 50 % des salariés estiment que leur travail est source de stress, et que 18 à 20% des salariés en France présentent un niveau de stress qui peut avoir des conséquences pathologiques et un impact sur la santé psychique et physique. Le risque pour la santé physique pouvant s’exprimer sous forme de troubles musculo-squelettiques, de maladies cardiovasculaires, de maladies métaboliques, en particulier le diabète ; le risque pour la santé mentale étant d’autant plus dommageable. Mais pour autant, faut-il en conclure que l’espace de travail en lui-même et plus particulièrement l’open space est générateur de stress ?

80% des salariés que nous avons interrogés estiment que l’aménagement de l’espace de travail en bureaux ouverts est générateur de conflits et, rejoignant l’enquête IPSOS sus- citée, ils énoncent des phénomènes d’agressivité qui peuvent subvenir plus rapidement que s’ils travaillaient dans un bureau privatif. Pour de multiples raisons que nous évoquerons plus loin, les salariés interrogés estiment que le manque de territoire primaire, cette difficulté à s’approprier les dimensions de solitude, d’intimité, d’anonymat, de réserve au cours d’une journée de travail rend l’explosion conflictuelle entre eux potentiellement plus probable.

60% des salariés interrogés considèrent même que l’espace ouvert peut générer de la souffrance au travail. Toutefois, la majorité des salariés ayant répondu par l’affirmative à cette question la nuancent en argumentant que ce n’est pas l’open space en tant que tel et uniquement en tant que tel qui est générateur de souffrance au travail, mais que c’est la conjonction entre des paramètres personnels du salarié et la configuration de son espace de travail en open space qui génèrera de la souffrance au travail (« personne fragile, timide, n’ayant jamais travaillé auparavant en open space »).

Malgré cela, travailler en espace ouvert ne constitue pas un facteur déclencheur d’une démission pour les salariés interrogés. Faut-il en déduire qu’en cette période de crise, les salariés préfèrent souffrir en silence s’ils ne s’habituent pas à travailler en open space ?

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Pensez-vous que l'open space génère....

33% 60% 80% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 la démission des salariés de la souffrance au travail des conflits

Le psychiatre Patrick Légeron – co-auteur du rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, remis en mars 2008 à Monsieur Xavier Bertrand, Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité – ainsi que les experts interrogés dans le dernier rapport de la Fondation Européenne de Dublin de novembre 2007, prévoient que dans l’avenir, les risques psychosociaux vont encore augmenter. Selon Patrick Légeron, les principales sources de stress sont directement liées aux changements majeurs apparus ces dernières décennies dans le monde du travail (mondialisation, culture accrue de la performance, management par objectifs, etc) ; il s’agit essentiellement :

- des exigences et pressions de plus en plus fortes sur les individus

- des changements incessants (et de tout type) auxquels les salariés doivent sans cesse s’adapter

- du sentiment de plus en plus fort que les efforts que nous demande le monde du travail sont faiblement payés en retour, et des frustrations qui en découlent

- des relations entre les individus qui, de plus en plus autonomes et soumis à des objectifs de performance, finissent par se retrouver en compétition avec les autres plutôt qu’en être des alliés.

Au-delà de multiples facteurs liés à l’open space et générateurs de conflits, les salariés ont-ils le sentiment d’être surveillés lorsque l’espace de travail est ouvert ? Globalement, la réponse est positive : en effet, 60% des salariés interrogés ressentent l’open space comme un moyen mis en œuvre par l’entreprise pour mieux les surveiller, et si 40% considèrent que le but de l’open space n’est pas la surveillance des salariés, certains d’entre eux ajoutent « qu’il y a une auto-régulation entre les salariés eux même », ce qui peut aller au-delà des espérances de ceux qui souhaitent surveiller les salariés !

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Dans un tel contexte de stress et de souffrance au travail, une approche systémique de l’environnement de travail et du rôle des espaces s’impose comme une mesure urgente et fondamentale dans la prise en compte des risques psychosociaux.

C’est ainsi que l’agence de conseil en aménagement a organisé une conférence réunissant un collège d’experts et de professionnels autour de ce thème lors de l’édition 2008 du SIMI (Salon de l’Immobilier d’entreprise). Le thème de la conférence s’intitulait : « Espaces optimisés : Quels risques pour la santé des salariés ? ». Il ressort de cette conférence que les espaces optimisés peuvent se révéler un facteur de stress et de risques psychosociaux. De plus, le passage d’espaces privatifs en espaces ouverts, s’il n’est motivé que par la recherche d’un gain de surface, peut générer une baisse de l’efficacité, des dysfonctionnements, et présenter un risque pour la santé des salariés. En effet, les conditions des projets ne permettent pas toujours de prendre en compte ces problématiques de l’homme au travail dans toute sa dimension bio-psycho-sociale, condition pourtant nécessaire à la réussite d’un projet de déménagement ou d’aménagement de l’espace, mais aussi à la limitation des risques psychosociaux pouvant en découler.

L’espace de travail (incluant la disposition des espaces), de par sa participation active à l’organisation du travail, est un élément structurant pour chaque individu dans sa recherche d’un équilibre physique et mental. Les facteurs de risques apparaissent quand il y a conjonction entre des facteurs négatifs liés à l’organisation du travail et des facteurs négatifs liés à l’espace de travail.

Lorsqu’on a une bonne perception de l’organisation du travail et des espaces de travail, on a toutes les chances d’être dans des conditions de bien-être. Inversement, quand on a une mauvaise perception de l’organisation et de son espace, le risque est très fort d’être dans une situation de mal-être et de souffrance. C’est bien là toute la subtilité de l’enjeu que représente l’aménagement des espaces de travail pour les DRH.

Dans le document L’aménagement de l’espace de travail (Page 117-120)