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CONTEXTE SCIENTIFIQUE

1. L ES FLUX DE GENES

En génétique des populations, les flux de gènes ou flux géniques désignent l’échange de gènes entre différentes populations, par le biais de croisements entre populations généralement apparentées (transfert par le pollen) ou par le biais d’un nouvel individu au sein d’une population (transfert par les graines) (Henry & Gouyon 2003).

Chez les plantes, les flux de gènes se produisent par reproduction asexuée ou sexuée. La reproduction asexuée consiste en a libération de petits groupes de cellules (propagules par exemple chez les bryophytes ou bougeons chez une hydre) ou même de cellules isolées (spores par exemple) qui reprennent le développement de l'organisme depuis le point de départ pour donner naissance à un nouvel individu complet (Morère et al. 2002) ou encore par propagation végétative. La reproduction sexuée est assurée par la fécondation, c'est-à-dire par fusion des gamètes mâle et femelle donnant naissance à un œuf (ou zygote). Ainsi lors de la reproduction sexuée des plantes, les flux de gènes sont dus à la migration du pollen ou encore des graines.

Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons uniquement à la dispersion pollinique, une des composantes essentielles des flux de gènes (Levin & Kerstar 1974, Vekemans & Hardy 2004). Dans le cas des plantes à fleurs, c’est lors de la pollinisation que certains gènes peuvent être transférés. La pollinisation, au sens strict, consiste au transport des gamétophytes mâles, c’est-à-dire des grains de pollen produits par les anthères, soit directement sur l’ovule dans le cas des Gymnospermes, soit jusqu’au stigmate pour les Angiospermes. On distingue majoritairement, trois types de vecteurs des grains de pollen: l’autopollinisation passive, les vecteurs abiotiques (vent, eau) et les vecteurs biotiques (animaux). La migration du pollen dépend donc, selon les espèces, de l’attractivité des fleurs pour les pollinisateurs et de la distance de butinage de ceux-ci et/ou de la capacité du grain de pollen à être déplacé par le vent ou par l’eau (adaptations structurelles).

1.1. L’AUTOPOLLINISATION

L’autopollinisation passive peut être définie comme le transfert des grains de pollen par gravité ou par contact direct entre les anthères et le stigmate. Ce mode de pollinisation n’est pas le mode de reproduction dominant chez les angiospermes même si la majorité des espèces sont hermaphrodites. La raison principale étant que ce mode de pollinisation favorise l’autogamie et réduit ainsi le brassage génétique. En effet, l’autogamie peut être considérée comme la plus forte forme de consanguinité: l’individu avec lequel un individu est le plus apparenté (a le plus de gènes en commun) est lui-même. Ce type de reproduction est favorisé par l'agriculture car elle permet la formation de lignées pures par la diminution, à chaque génération, de la proportion d’individus hétérozygotes (Henry & Gouyon 2003).

1.2. LA POLLINISATION PAR DES VECTEURS ABIOTIQUES

Parmi les vecteurs abiotiques permettant le transport du pollen on peut distinguer l’eau et le vent. Cependant, seules quelques rares espèces de plantes aquatiques dispersent leur pollen par l’eau (famille des Zosteraceae et des Cymodoceaceae, Pesson & Louveau 1984) et ne feront pas l’objet d’une recherche plus approfondie ici.

Le vent participe à la pollinisation de seulement 10% des plantes parmi lesquelles figurent les graminées et la plupart des Gymnospermes. Parmi les cultures les plus importantes en Europe, on peut citer le maïs, Zea mays. Ces plantes dites anémophiles produisent des quantités massives de pollen car le pollen est distribué aléatoirement par les flux atmosphériques. La plante dépense ainsi beaucoup d’énergie à produire du pollen, en revanche, d’une façon générale, elle ne façonne pas des structures complexes pour attirer des pollinisateurs (coloration des fleurs, production de nectar, parfums volatils). Dans ce type de pollinisation, le pollen peut être de petite taille, lisse ou avoir des structures particulières (ballonnets – Pinus spp., Figure 1).

Figure 1. Morphologies des grains de pollen examinés par Microscopie Electronique à Balayage de plantes anémophiles. A : Sorghum bicolor ; B : Pinus sp. avec ses deux ballonnets ; ©Chifflet

& Bornard - INRA 2007

1.3. LA POLLINISATION PAR DES VECTEURS BIOTIQUES

La pollinisation de la majorité des plantes à fleurs dépend donc de vecteurs biotiques dont les principaux recessencés sont : les insectes, les oiseaux et les chauves-souris. Alors que la pollinisation par le vent ou par l’eau ne résulte que d’une rencontre fortuite entre le pollen véhiculé par ces vecteurs abiotiques et les stigmates des fleurs réceptrices, la notion de vecteur biotique suppose une intervention précise et orientée de l’organisme pollinisateur, ayant pour conséquence une pollinisation non plus fortuite mais certaine ou probable (Pesson & Louveaux 1984).

Il faut donc distinguer par les organismes anthophile, c’est à dire visitant les fleurs, ceux qui sont des pollinisateurs efficaces, c’est à dire ceux permettant par la fidélité et la fréquence de leurs visites le transport du pollen d’une fleur à l’autre permettant ainsi la reproduction de l’espèce, de ceux qui sont des organismes floricoles qui ne sont que des visiteurs occasionnels ou dont le comportement n’est pas adapté au processus de la pollinisation (Pesson & Louveaux 1984).

Les plantes zoogames développent des organes floraux, parfois complexes, pour attirer les pollinisateurs. De plus, leurs grains de pollen ont souvent une ornementation comportant de nombreuses aspérités permettant une meilleure adhésion au corps des pollinisateurs (Figure 2).

B A

Figure 2. Morphologies des grains de pollen examinés par Microscopie Electronique à Balayage de plantes entomophiles. A : Brassica napus; B : Primula veris. ; C : Helianthus sp.; D : Silene

dioia ; ©Chifflet & Bornard - INRA 2008

Les plantes zoogames se répartissent en quatre grands groupes qui dépendent de la façon dont les grains de pollen sont transportés:

(i) les ornithophiles dont les grains de pollen sont transportés par les oiseaux tels que les oiseaux-mouches. Lorsque leur long bec effilé plonge au fond de la corolle afin d’y puiser le nectar, leur tête se frotte aux étamines, ainsi le pollen peut adhérer à leurs plumes. (ii) les cheiroptérophiles dont les grains de pollen sont transportéspar les chauves-souris. Ce

genre de pollinisation est retrouvé chez certains cactus ayant des fleurs larges, très pâles et odorantes qui facilitent ainsi leur repérage par les pollinisateurs nocturnes.

(iii) les entomophiles dont les grains de pollen sont transportés par les insectes. Les Angiospermes utilisent principalement ce type de pollinisation. En explorant les fleurs à la recherche de ressources alimentaires (nectar et pollen), les insectes (entre autres les abeilles, les papillons, les diptères ou certains coléoptères) se frottent aux étamines, récoltant involontairement des grains de pollen (jusqu'à 100 000 grains) qui seront par la

A B

suite déposés sur d’autres fleurs. En Europe, la pollinisation de la majorité des plantes à fleurs dépend des insectes. Ces insectes sont les principaux vecteurs de pollen de la majorité des espèces cultivées (Klein et al. 2007, hors céréales et betterave). Chez les plantes pollinisées par les insectes, la dispersion pollinique dans et entre les populations dépend du type de pollinisateurs et du butinage (Cresswell et al. 1995).

(iv) les autres pour lesquels ce sont de petits mammifères qui interviennent (rongeurs, marsupiaux).

1.4. LE CAS DE LA POLLINISATION ENTOMOPHILE

La pollinisation entomophile est le mode de pollinisation utilisant les insectes comme vecteur biotique pour transporter le pollen. La majorité des Angiospermes utilisent ce vecteur. Les insectes visitent les fleurs principalement pour se nourrir, mais aussi pour s’abriter ou chercher des partenaires sexuels. Ce faisant, ils chargent et déchargent du pollen qu’ils déposent sur le stigmate d’autres fleurs conspécifiques.

La pollinisation entomophile est une relation où la plante réalise sa reproduction sexuée alors que l’insecte trouve un simple repas. Elle est mutualiste puisque réciproquement positive pour les deux espèces. Les plantes procurent de la nourriture et un abri, en contrepartie, les insectes offrent le transport de pollen. Cette relation mutualiste représente un équilibre fragile entre les intérêts et coûts associés au service de l’autre espèce (Rodet, 2010). La situation optimale pour la plante est d’obtenir un service de pollinisation par un vecteur de pollen, sans lui offrir de récompense. L’animal visitant les fleurs doit, lui, exploiter les ressources disponibles aussi efficacement que possible (Herrera & Pellmyr, 2002).

L’avantage évolutif de la pollinisation entomophile pour les plantes est que le transport du pollen est le résultat d’un comportement et non plus du hasard. L’insecte peut visiter des fleurs conspécifiques parce qu’il peut les reconnaître. L’utilisation d’insectes pour la dispersion de pollen présente différents avantages écologiques pour les plantes qui ne peuvent pas se déplacer : (i) les insectes qui recherchent activement des fleurs augmentent la probabilité qu’un grain de pollen collecté sur une fleur rejoigne le stigmate d’une fleur conspécifique, (ii) la pollinisation croisée faite par les insectes peut prendre place dans des habitats avec très peu de vent tels que la canopée fermée dans les forêts tropicales et (iii) la quantité de pollen à produire est plus faible que dans le cas d’une pollinisation anémophile pour la même efficacité pollinisatrice (Herrera & Pellmyr, 2002).

En contrepartie, de nouveaux coûts pour la plante s’ajoutent avec la pollinisation entomophile. La plante doit produire des signaux visuels et olfactifs qui attirent les visiteurs, et des récompenses telles que du nectar, du pollen supplémentaire, ou des résines. Un autre coût dû à la pollinisation entomophile est celui imposé par les insectes non pollinisateurs qui exploitent les signaux et les récompenses mis en place par les plantes (Herrera & Pellmyr, 2002).

Les bénéfices pour les insectes pollinisateurs consistent à avoir des récompenses de haute qualité nutritionnelle accessibles aisément dans des zones facilement identifiées.

Dans la plupart des cas, il y a peu de coûts pour les insectes visitant les fleurs. Le transport du pollen risque peu de gêner l’insecte, sauf dans certains cas comme lors de visites de plantes produisant de très grandes quantités de pollen comme le tournesol, où l’insecte se trouve entièrement recouvert de pollen ou dans le cas de la pollinisation des plantes nototribiques qui utilisent un système de levier pour transférer le pollen sur l’insecte. Dans ce cas, le dépôt de pollen sur le corps du pollinisateur peut lui couvrir les yeux (Herrera and Pellmyr, 2002). Cette relation a nécessité une co-évolution plante-insecte et donc des adaptations de chacun des acteurs de cette interaction pour qu’elle soit efficace.

Certains facteurs physiques environnementaux ont une influence sur l’activité des pollinisateurs et donc sur la pollinisation, comme la lumière, la température, l’humidité ou le vent.

La lumière intervient dans la perception de la différence jour nuit. Certains insectes sont diurnes alors que d’autres sont nocturnes ou crépusculaires. L’activité de certains insectes pollinisateurs est fonction de la lumière perçue. La lumière peut être modifiée par la présence de nuages ou d’orages qui favoriseront l’activité d’insectes crépusculaires.

L’effet de la température est assez lié à celui de la lumière, et marque plus un effet saisonnier. Ainsi la température la plus basse pour que l’abeille domestique vole activement est 10°C. L’humidité a une incidence indirecte sur la pollinisation, puisque ce facteur n’intervient pas sur l’activité des pollinisateurs mais sur la concentration en sucre du nectar. Enfin, le vent perturbe le vol alors que la pluie empêche toute activité des abeilles (Kevan and Baker, 1983).